Cinquante-quatre ans après le rappel à Dieu du premier président des Comores, Saïd Mohamed Cheikh, une commémoration sobre et respectueuse a été organisée dans le foyer de Mitsamihuli, sa ville natale.
Par Hachim Mohamed
Le professeur d’histoire, Ali Mohamed Djalim, officiant en tant que conférencier, le journaliste Ali Moindjié dans un rôle ambigu de modérateur et « historien », tout comme l’assistance ne se sont pas limités à livrer un simple récit du passé.
Pour le modérateur Ali Moindjié, l’absence de cette initiative serait synonyme d’une perte certaine, en particulier du délitement du lien social, associé à l’ignorance, à la perte de valeurs et de repères. La commémoration de feu Saïd Mohamed Cheikh permet de transmettre aux jeunes générations un savoir culturel commun contribuant à les intégrer au patrimoine du personnage.
Naissance d’un enfant prodige en 1904
Des Comores à Madagascar, en passant par la France ou les îles de l’archipel, la destinée du premier président a été présentée au public via une « projection bancale » de 23 diapos qui comportaient des écrits, des photos et des discours dans un contexte crucial de combat de libération et d’éclosion des Comores.
Né de l’union entre Cheikh Hamadi Mansoib et Mwanaecha Boina Haziri, le 1er juillet 1904, Saïd Mohamed Cheikh obtient son diplôme de Docteur en médecine en 1926 à Madagascar, selon le conférencier. Il devient le premier médecin comorien à l’âge de 22 ans.
Dans le « grimoire diapos » qu’Ali Mohamed Djalim faisait défiler, chacun de nos compatriotes présents avait l’impression de retrouver des bribes du passé du personnage, vécu ou imaginé.
Ali Mohamed Djalim a fait un focus sur ce qui était arrivé au mystique Saïd Mohamed Ben Cheikh, recherché par les blancs et qu’on avait fait fuir à Mitsamihuli chez la famille de la future mère de Said Mohamed Cheikh. En guise de reconnaissance, Saïd Mohamed Ben Cheikh a prié sur cette famille et a souhaité qu’y naisse un enfant prodige. La prière a été exaucée quand Said Mohmaed Cheikh est né le 1er juillet 1904.
Les prises de parole des participants ont été l’occasion de l’évocation d’histoires, exemplaires et instructives, vraies ou fausses.
Sous la colonisation…
Le conférencier est revenu sur certaines dates historiques importantes qui ont jalonné la gestion du statut des Comores. Il a fait un rappel sur la colonisation qui a commencé avec l’ile de Mayotte en 1841 et s’est étendu sur les autres iles (Ngazidaj, Ndzuani et Mwali) devenues des protectorats en 1886. Colonie de la France à partir de 1912, les Comores étaient considérées comme une province de Majunga. Ali Mohamed Djalim s’est employé à reconstituer le puzzle du lourd passé.
A suivre les explications du conférencier, l’avènement de Cheikh comme homme politique influent pour les Comores se situe en 1946, une époque où avec sa fonction de député à l’Assemblée nationale française, il représentait les intérêts de Madagascar.
Face à une situation où le statut des Comores ne permettait pas de bénéficier des dotations que la France accordait à ses colonies comme Madagascar, Cheikh a fait de la non-reconnaissance du pays comme nation à part entière, au même titre que d’autres revendications, son cheval de bataille.
Les Comores se sont démarquées de Madagascar administrativement en 1946 grâce au combat mené par de vaillants compatriotes, et notamment Saïd Mohamed Cheikh.
Le statut des Comores a continué à changer via la création d’un État en 1956, avec un chef blanc habitant à Dzaoudzi et la mise en place de la Chambre des députés en 1959.
Sur la composition du premier gouvernement, selon Ali Mohamed Djalim, Mohamed Ahmed, fut nommé vice-président, prince Saïd Ibrahim ministre des Finances, Saïd Tourqui, ministre de l’Éducation ou encore Saïd Mohamed Djohar, ministre de l’Équipement,
Aversion viscérale pour le gaspillage
Inlassable défenseur de la cause comorienne et pourfendeur de l’injustice à l’Assemblée nationale française, Saïd Mohamed Cheikh est l’artisan de la loi du 9 mai 1946, accordant l’autonomie financière et administrative aux Comores vis-à-vis de Madagascar.
Selon l’historien, dans cette dynamique de conquête de la souveraineté, ses hauts faits d’armes dans le combat contre les colons, c’est la restitution des terres spoliées par le Français Humblot ou la redistribution de ces terres.
Saïd Mohamed Cheikh était connu pour son aversion viscérale pour le gaspillage dans le Gand-mariage. Une position ferme qui est exprimée dans cette chanson populaire :« Mitsamihuli riwafiki ye fikira yahe Raisi, anda ya hatru wunda madjumba na ma tomobili ho wana hatru » (Nous sommes d’accord avec le président sur les gaspillages dans les grands mariages. Notre « Anda », c’est de construire des maisons et de se procurer de voitures par nos enfants)
Magnifiant cette hargne de Saïd Mohamed Cheikh à jouer de la fibre nationaliste, surtout quand elle est assaisonnée de gloriole d’un personnage pas comme les autres et de bombage de torse. Sur un ton d’humour, Ali Mohamed Djalim s’est payé le luxe de jeter des pierres dans le jardin des « soi-disant docteurs » qui ne sont pas fichus de servir leur pays, mais sont très portés dans le « Alfwarian », les courbettes devant les autorités.