Le nouvel album d’Awax « MSHINDA : MNA YIDJANA MWENDE DJI » est d’une prose de coulée de diamant. Son style sobre et poétique baigné d’une charge émotionnelle profonde qui caresse et heurte à la fois notre sensibilité signe une entrée fracassante avec déjà 79.000 streams sur Audiomack en à peu près un mois.
Par Houdheïf Mdziani
Chaque artiste est à la recherche de sa vérité. S’il est grand et talentueux, chaque œuvre l’en rapproche ou du moins, gravite encore plus près de la lumière, où tout doit venir pour briller. Après « Ni Yenchi », son premier album, qui a laissé son empreinte dans le rap comorien en 2019, « Roho » son deuxième album, sorti en 2021, on trouve dans son troisième album « Mshinda » une variété de thématique, parlant du sentiment amoureux, dès lors que notre cœur est atteint par les premières brises de l’amour, quand on aime passionnément, éperdument, et de la solitude du deuil qui nous enlève toute force de voir la vie se défiler dans nos yeux lorsqu’on a perdu un être cher et surtout un membre de la famille.
L’artiste, évoque son enfance, son parcours, son envie de réussir, et son regard par rapport à la société comorienne. Parlant de celle-ci, on peut évoquer son morceau « Ulanga Na Juwa », dans lequel l’artiste narre la misère et le désespoir de l’étudiant comorien au Maroc, pays où réside l’artiste qui prépare son Doctorat en Lettres modernes françaises, mais aussi la vie qui nous échappe, cette vie précaire qui, sans cesse désastreuse, pousse des étudiants et étudiantes comoriens à risquer leur vie en traversant la mer, pour espérer un monde meilleur ailleurs.
Écouter « Mshinda », c’est savourer les plus belles tournures phrastiques de la langue comorienne, tant la profondeur sémantique de son style est inouïe. On peut prendre l’exemple du morceau « Silissi », qui traduit l’aliénation culturelle de nos dirigeants. L’auteur essaie de nous faire comprendre qu’être soumis et esclave ne relève pas que d’une soumission physique, que de l’enchainement du corps, l’esclavagisme peut aussi être de nature intellectuelle. C’est ainsi qu’en chantant, il nous montre à travers ce titre que nous avons hérité d’un système politique que nous n’avons pas forgé et que, jusqu’alors, malgré notre fierté d’indépendance, nous sommes toujours conditionnés par la politique coloniale : la politique du dominant.
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