Des citoyens prêts à brûler dans le feu des militaires pour ne pas mourir de faim parce que quitte à trépasser, autant le faire comme un homme, une femme, ou comme le peuple qui n’a à perdre que les enfants qu’ils sont dans l’incapacité de nourrir. Tout cela en raison du manque de riz et de la cherté de l’ensemble des denrées alimentaires qu’elles soient importées ou produites dans l’archipel.
Par Noussaïbaty Ousséni Mohamed Ouloubé
Les Comoriens ont fait parler d’eux encore une fois, au mois de septembre, suite aux récentes violentes altercations entre les forces de l’ordre et une population affamée par cette énième pénurie de riz ordinaire. L’insuffisante cargaison a donc été vendue à des prix extraordinaires aux plus désespérés pourtant encore assez courageux pour affronter militaires et foule hystérique dans les différentes arènes où se vend l’or blanc asiatique. Les pénuries qui se succèdent depuis des années sans l’ombre d’une solution durable montrent combien cet archipel supposé être un petit coin de paradis manque de vision, une réalité qui met en danger son existence quand tout un chacun cherche qui doit endosser la responsabilité de cette ingérence au sein d’une masse compacte de corruption et de laisser-aller.
Le roi des assiettes comoriennes
Alors que d’autres pays cherchent à conquérir l’espace, les Comores sont en quête d’une céréale et pas la meilleure de toutes. Le riz, cet aliment de tous les jours, importé d’Asie, était autrefois cultivé au sein de cet archipel, mais la récolte était trop faible pour en faire un repas de tous les jours. Sur l’île d’Anjouan, les anciens se plaisent à raconter comment ce trésor était servi souvent chaque vendredi accompagné de feuilles de taros au lait de coco. Aujourd’hui, avec une population majoritairement jeune et en bonne santé, ce petit pays de l’océan indien est au seuil de la famine pourtant il n’est pas en guerre, ne connait pas de sècheresse extrême et possède en plus un grand océan quand bien même le prix des produits de la mer laisse croire qu’ils viennent de loin comme le fameux riz du vendredi qui se mange sans modération désormais. Les repas varient rarement dans les modestes familles comoriennes et la céréale blanche est l’aliment consommé au quotidien en raison de son coût qui est très abordable par rapport aux produits locaux qui en plus de ne pas rassasier pleinement ne sont pas à la portée des familles modestes et nombreuses qui voient en la planification familiale une insulte à leur virilité.
En effet, si le riz est prisé dans l’archipel, la raison n’est autre que sa capacité à donner très vite une sensation de satiété en plus de son prix raisonnable puisqu’il ne faut en moyenne que deux à trois kilos par jour pour satisfaire une assez grande famille. Au prix de 350 FC par kg, les trois kg de riz ordinaire coûtaient 1050 FC au bonheur des consommateurs. Toutefois, depuis quelques jours, les rumeurs disent que le prix au kilo peut passer à 600 FC, une chose qui semble vraie puisque beaucoup l’ont acheté à ce prix sous une pluie de grenades lacrymogènes et ils ont enduré ce supplice en ayant conscience qu’il est toujours économique d’acheter les trois kilos quotidiens à 1800 FC que d’acheter quatre minuscules taros à 2000 FC, une main de bananes à 2500 ou 3000 FC ou trois petits maniocs à 1000FC tout en sachant que ces aliments ne rassasieront pas leurs familles.
Un changement de régime alimentaire
De nombreuses années auparavant, les Comoriens mangeaient principalement des aliments produits par eux sur leur territoire et vivaient heureux et en bonne santé. Il est clair que l’archipel était à l’époque moins peuplé et qu’il était simple de s’autosuffire. Si une croissance démographique importante et rapide n’était pas l’un des grands ennemis de l’économie d’une nation, la plupart des pays chez qui les chefs d’État comoriens vont souvent solliciter de l’aide n’auraient jamais pensé à mettre en place des stratégies qui poussent les familles à penser à deux fois avant de faire trop d’enfants. Des valseuses pleines et des poches vides dans un État où ceux qui jurent de protéger le peuple l’appauvrissent puis l’affament, associés à une torpeur quasiment collective sont les conditions nécessaires à une montée fulgurante de la pauvreté et de la violence. La responsabilité individuelle pour ne pas dire solidarité est une valeur sociale capitale à l’épanouissement d’une communauté et il est plus que nécessaire de l’enseigner aux comoriens parce que parmi les enfants qui pleurent le riz aujourd’hui se trouvent les hommes de demain.
En temps de crises, des solutions drastiques doivent être appliquées pour espérer ouvrir une nouvelle page et pour cela, gouvernants et peuple ont la responsabilité de coopérer pour sauver la nation. Mais, comment convaincre le peuple comorien de prendre part à son propre développement alors que ce dernier est convaincu que la crise qui le frappe est due à la mauvaise gouvernance et au manque de transparence en matière de gestion des biens communs. Tout pousse à croire que l’archipel des Comores est comme de coutume victime d’un concept vieux comme le monde qui consiste à faire passer les intérêts communs devant les intérêts personnels, car dans un contexte solidaire, les paysans auraient diminué les prix des légumes, fruits et tubercules, les pêcheurs celui du poisson… et le gouvernement aurait diminué les taxes afin de mieux faire face à la crise.
Un paysan seul et sans soutien
Il est ainsi malheureux de constater que face à ce grand problème, les citoyens ont choisi de s’entretuer en augmentant les prix avec la complicité du gouvernement parce qu’il faut rappeler qu’il y a quelques jours, le sac de riz de 25 kg était vendu jusqu’à 15 000 FC en présence des forces de l’ordre qui étaient trop occupées à tirer sur le peuple.
Pour se donner bonne conscience, Miroidi, actuel directeur de l’ONICOR a déclaré fièrement en mâchant son chewing-gum tout en faisant de majestueuses bulles explosant aux visages des internautes que le riz se plante et que les Comoriens aussi doivent planter pour manger. Les Comoriens sont pour autant de grands paysans qui luttent contre le dérèglement climatique, qui voient leurs cultures se faire ravager par les eaux de pluie et les vents sans compter les vols continus qui peuvent causer des blessés ou des morts parce que les paysans comoriens se retrouvent voués à eux-mêmes malgré le nombre de projets censés les accompagner. Un peuple aussi travailleur mérite d’être guidé par des esprits éclairés capables de prévoir les crises et d’établir des stratégies pouvant y remédier et ceci est le rôle des ministres, des directeurs, des conseillers… autant d’emplois qui demandent des hommes intègres et assez intelligents pour comprendre que personne ne devrait couper une main qui la nourrit.