Le 31 mars dernier, le Procureur général, Soilihi Djaé, a mis en liberté conditionnelle 60 prisonniers de la maison d’arrêt de Moroni après la transmission d’un arrêté ministériel, après des discussions en conseil des ministres visant à apporter une réponse à un besoin de désengorgement des prisons. Cet arrêté intervient à la veille du mois sacré du ramadan. Par Nezif-Hadj Ibrahim
D’autres prisonniers, cette fois-ci politiques, ont également été libérés en dehors du cadre de cet arrêté et sans que les juges donnent une explication sur la fin de leur détention.
Selon l’article premier de l’arrêté cité par le procureur général Soilihi Djaé, pour bénéficier de la remise en liberté conditionnelle il fallait justifier être âgé « de plus de 60 ans » ou de « moins de 25 ans, ayant accompli la moitié de leurs peines et justifiant d’une bonne conduite et d’une capacité d’intégration sociale… ». Seulement parmi les détenus libérés, on retrouve des prisonniers ayant été condamnés pour des crimes, à savoir des condamnations pour meurtre et viol. Pourtant, l’arrêté du ministre de la justice est clair puisque dans un alinéa de ce même article il est affirmé que « cette mesure de clémence ne concerne pas les personnes condamnées pour les chefs de meurtre, d’assassinat, de détournement des biens publics ou de viol ». Selon plusieurs sources, parmi les 60 personnes mises en liberté conditionnelle au profit de l’arrêté du ministre de la Justice, il y aurait un condamné pour assassinat n’ayant même pas encore purgé la moitié de sa peine. Il y aurait aussi des agresseurs sexuels. Malgré tout, le procureur général assure que l’arrêté du ministre de la Justice, Djae Ahamada Chanfi a été respecté à la lettre.
Des critères de libération conditionnelle discutable dans leur application
Ce 2 avril, 17 détenus de la prison de Koki ont été également libérés. Apparemment, ces libérations correspondent à la politique de désengorgement des prisons décidée par le pouvoir en conseil des ministres.
De son côté, le 31 de ce même mois, la Commission nationale des Droits de l’Homme et des Libertés a sorti un communiqué. La CNDHL « se réjouit » de la décision du gouvernement de désengorger les prisons en accordant des aménagements de peines. Elle invite par ailleurs le gouvernement à accompagner les personnes libérées pour qu’elles ne soient tombées dans la récidive ».
À se demander pourquoi cet organisme chargé d’observer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’a jamais un rapport ni un communiqué qui exprime la réalité de l’exercice des droits individuels et des libertés publiques. Pourtant, cela coïncide plus à son rôle élémentaire que celui de caresser le pouvoir dans le sens du poil et reprendre presque mot pour mot les communiqués du gouvernement. Des situations comme l’insalubrité en milieu carcéral, la prise en charge médicale, appellent à des interventions régulières de ladite commission qui a à sa tête Sittou Raghadat Mohamed. Tout cela ne semble pas être dans les préoccupations de cette organisation.
Des détenus sans procès et des inculpés sans condamnation
Du côté de Ndzuani, le Dr Mohamed Soilih et Charkane Abdelkader ont été mis en liberté après plusieurs mois dans la prison de Koki. Ils étaient soupçonnés d’avoir fomenté une déstabilisation contre le pouvoir en place au niveau de l’île. Ces deux anciens détenus n’ont jamais été présentés à un juge. Cependant, le Dr Mohamed Soilih et Charkane Abdelkader sont libérés au même moment que les prisonniers de la maison d’arrêt de Moroni à la différence que ces derniers ont bénéficié d’une mesure de clémence officielle alors que le cas des deux premiers ne saurait s’appliquer à l’arrêté du ministre de la Justice. Somme toute, il s’agit de prisonniers politiques ayant été mis en geôle par une décision arbitraire parce qu’ils font partie de l’opposition au pouvoir d’Azali Assoumani. D’autres malheureusement sont encore en prison.
Pour Toihir Doud, auteur et membre actif de Lutte contre la dictature et pour la Tournante de 2021 et la bonne gouvernance, « la stratégie du régime est de procéder ensuite à des « libérations » transformées en contrôle judiciaire. Persuadé qu’après avoir subi un emprisonnement inhumain, l’opposant serait physiquement et psychologiquement affaibli, s’estimant heureux de sortir vivant de cet enfer et abandonnerait le combat. De lui-même ou sous la pression de la famille. En même temps, le pouvoir pourrait apparaître comme étant « humain ». » Il rappelle que « les deux camarades Dr Soilihi Mohamed et Abdoulkader Charkane font partie du lot de 12 personnes arrêtées suite à cette triste affaire « Bapalé ». »
À Ngazidja, l’ancien ministre et vice-président Mohamed Ali Soilihi a bénéficié de la part du juge d’instruction, Hassani Assoumani, de mesures d’allègement de ses conditions de contrôle judiciaire. Il s’est vu accorder une « mainlevée partielle de son contrôle judiciaire lui permettant désormais de circuler sur l’île de Ngazidja. L’acte en question est émis le 25 mars. Dans cette affaire plusieurs hommes politiques ont été mis en cause.
Selon toujours Toihir Daoud « le VP Mamadou a été aligné au même niveau que le Président Ikililou (interdit de quitter Mohéli) et le VP Nourdine Bourhane (ce dernier ayant obtenu la possibilité de sortir du territoire à deux reprises) ». Il précise par ailleurs que ce sont des manœuvres du pouvoir actuel pour « susciter la division entre insulaires, car l’opinion ne peut que se tourner vers le Président Sambi et les autres qu’on n’a pas évoqués, en espérant semer la zizanie au sein de l’opposition, et en laissant croire qu’un leader de premier plan aurait négocié pour lui-même, même sans aucune preuve.
Il poursuit en précisant qu’il s’agit pour le régime de « redorer l’image du pouvoir à l’international, en donnant l’impression de prendre en compte les observations des organisations internationales représentatives ». Toihir Daoud confie in fine que « ce régime se trompe. Il a tout fait pour diviser la classe politique et la résistance en général. Mais il n’arrivera pas à atteindre cet objectif. Il finira par partir ».