Alors que les Comoriens discutaient de l’aggravation de l’état du prisonnier Sambi, le chef de l’État a signé un décret libérant quatre autres, précédemment condamnés à perpétuité. Une affaire en chasse une autre. Par Ali Mbae
[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Par un décret en date du 10 août dernier, le chef de l’État, Azali Assoumani a gracié l’écrivain Said Ahmed Said Tourqui (SAST), Me Bahassane Ahmed Said, Mohamed Ali Abdallah alias Régné et Elhad Ibrahim Halifa alias Eli (contrôleur financier du gouvernorat d’Anjouan sous Salami Abdou) qui étaient tous condamnés au travail forcé à vie par la cour de sûreté de l’État. Ces quatre personnes avaient vu leurs peines de prison à perpétuité être commuées à 20 ans d’emprisonnement le 29 mai dernier. Moins de trois mois après, ils sont donc complètement graciés et ils n’auront fait au total que près de huit mois de prison.
Sast et les trois autres avaient été arrêtés après le référendum du 30 juillet 2019, référendum très contesté et boycotté par l’opposition qui refusait la modification des conditions de la tournante et qui n’avait pas obtenu toutes les garanties d’un scrutin démocratique. Selon le gouvernement, plusieurs attentatsvisant la déstabilisation de l’État ont été découverts.
Condamnés à perpétuité
Me Bahassane, le petit frère de celui qui était leVice-président Djaffar Said Ahmed, tombé en disgrâce après avoir dénoncé les dérives autoritaires du chef de l’État a été arrêté.L’écrivain Said Ahmed Said Tourqui et d’autres membres de l’opposition ont été arrêtés pour tentative d’assassinat, accusés d’avoir préparé un coup d’État visant à renverser le pouvoir en place.
En juillet 2019, Eli et Régné seront mis en prisonaussi pour tentative d’assassinat du Vice-président Moustadrane. Ils étaient soupçonnés d’avoir tiré à balles réelles à plusieurs reprises sur la voiture de ce dernier qui roulait le soir à Anjouan. Aucune balle n’a réussi à toucher ni le chauffeur ni son garde du corpset encore moins le vice-président lui-même.
Les accusés pour cet « attentat » sont tous condamnés à perpétuité au mois de décembre dernier.
La grâce présidentielle estréservée au chef de l’État.« C’est une prérogative qui permet de dispenser une personne condamnée de l’exécution de la peine prononcée à son encontre, en totalité ou en partie ».
D’une juridiction inexistante vers une grâce !
Ces hommes ont tous été condamnés par la Cour de sûreté exhumée de la période de la dictature mercenariale et dont les membres sont nommés par le président de la République. Donc, L’Étatse retrouvait à la fois le juge, à travers les gens qu’il a lui-même nommés et était aussi justiciable. L’on se rappelle qu’au mois de décembre dernier pendant les audiences, les avocats de la partie civile avaient réussi à convaincre le président de la séance l’inexistence juridique de la Cour de sûreté de l’État. Mais il avait choisi un langage de sourd : « Oui je reconnais que les procédures ont été bafouées dès le départ, mais on doit continuer », avait-il répondu aux avocats quand ils demandaientl’annulation du procès. Cela a provoqué le désistement des hommes de robes noires. Les audiences ont eu lieu sans leur présence.
Hostile au bafouèrent du droit, le constitutionnaliste comorien Mohamed Rafsandjani n’a pas tardé à réagir. Sur son mur Facebook, il lance des critiques sur ces grâces présidentielles de par sa forme et son fond : « Le décret de grâce, par exception au principe de publicité des actes officiels, d’ordinaire ne doit pas faire l’objet d’une publication au journal officiel puisqu’il ne concerne que les intéressés et ne peut être opposé à une tierce personne même pas un juge … »a-t-il écrit avant de rappeler le chef de l’État à l’ordre : « pas plus que le président ne devrait faire pour soi-même les jugements des cours pour les défaire par la grâce plus tard. La république s’en serait bien contentée que soient respectées sa constitution, sa législation organique, ses lois ordinaires ainsi que les traités internationaux qu’elle a contractés et le peuple aussi. Il y a mieux que réparer une injustice, c’est faire en sorte par le respect du droit qu’elle n’advienne pas ».
Une affaire étouffe une autre affaire
Ces grâces attendues depuis quelques mois sont en fait une affaire qui a étouffé l’affaire de l’état de santé de Sambi. En effet, après la confirmation de la détérioration et de la dégradation de l’état de santé du président Mohamed Abdallah Ahmed Sambi, incarcéré depuis déjà plus d’un an par son avocat Me Ahamada Mahamoud, les yeux des internautes et de la population se sont tournés vers Beit-Salam attendant un geste d’humanité de la part du locataire des lieux. Le gouvernement était embarrassé.
Après la publication du décret annonçant la grâce dans la page Facebook de la présidence de l’Union des Comores, les applaudissements, les euphories, les souffles ont plombé et fait oublier la dégradation de la santé de l’ancien président de l’Union. Les gens ont tourné les épaules. L’état de santé du président n’est plus d’actualité. Certains parlent même d’une planification. Jusqu’aujourd’hui, le cri d’alarme lancé par Me Ahamada Mahamoudn’a pas eu gain de cause. Les soins recommandés par les médecins de Sambi n’ont pas encore reçu satisfaction.
[/ihc-hide-content]