Adda Daweni est une porte d’entrée dans le Nyumakele. Sa population est estimée à 11.164 habitants. Pour s’y rendre, il faut passer par des collines accidentées en passant par le village de Magnassini et de Jandza. Son climat tropical favorise l’agriculture et les végétations de ces forêts. Le paysage de Adda est montagneux et sa forêt est très dense. L’ONG Dahari y mène des actions de protection de la forêt en améliorant le système de production agricole.
Par Naenmati Ibrahim
Adda Daweni se trouve dans la partie occidentale de la région de Nyumakele, cette partie est nommée Nyumakele ya ju qui signifie Nyumakele d’en haut. Dans cette partie le climat se dispute entre chaleur et fraicheur à cause de l’altitude sur la partie côtière à partir de son immense littoral et de la fraîcheur de ses terres potentiellement fertiles et en altitude. Pour être plus précis, tout commence du bas vers le haut en partant de bwė La Ndugu sur le littoral sud-est et en allant vers Adda. Bwė La Ndugu est un petit village au bord de la mer qu’on trouve lorsqu’on quitte Domoni, en suivant la route nationale en direction de Mutsamudu.
Bwė La Ndugu fait partie de la commune de Domoni. Mais, en réalité, les villageois de Bwė La Ndugu sont originaires de Adda, même leur accent le prouve.
La réhabilitation de la route nationale à Domoni a démontré que Bwė La Ndugu est l’entrée de la région de Nyumakele puisque la route s’est arrêtée à la limite de la périphérie nord de cette grande ville qui est Domoni, à la frontière avec ce petit village de Bwė La Ndugu.
Un village désenclavé avec une route accidentée.
D’après un habitant de la région, le village de Adda Daweni est désenclavé depuis longtemps. Il ne connait pas la date exacte de son désenclavement, mais il se souvient très bien que durant le règne du président Ahmed Abdallah Abderemane, dans les années 1970-1980, la route qui mène vers Adda existait déjà. Et il ne se souvient pas d’une réhabilitation de cette route depuis.
En quittant le petit village de Bwė La Ndugu, les transporteurs (voitures, bus et motos) doivent monter des collines nommées Nangani Adda. Ces collines comportent une route goudronnée, mais accidentée. En arrivant à Adda, on ne trouve plus aucune trace de goudron sur leur route. Toute l’étendue de la région se trouve dans la même situation en ce qui concerne l’état des routes. Une situation qui freine le développement de la région, malgré les d’efforts de ses habitants.
Le désenclavement permet aux habitants de voyager pour se rendre dans les autres parties de l’île, mais d’une façon assez difficile. Et comme les routes sont délabrées, les habitants des autres régions viennent rarement dans le Nyumakele. D’autant que les accidents ne sont pas rares.
Un potentiel agricole
Il est le chef-lieu de la première partie de la région de Nyumakele formant la commune de Adda. Son poids pèse comme une ville, car le nombre d’habitants est significatif. Les activités de ce gros village lui donnent cette importance. Son marché est attractif, car les villages qui l’entourent viennent écouler leurs marchandises avec des produits issus de leurs terroirs. Son influence est réelle, car ses terres agricoles s’étendent jusqu’à Konhani où l’on trouve un autre marché attractif à l’intersection entre le Nyumakele et la route qui conduit vers la région de Moya et Pomoni. À Konhani, les agriculteurs de Adda viennent écouler leurs produits auprès de revendeurs des villages voisins. Il s’agit de Mremani et de Bandracouni. Mremani est le chef-lieu de la deuxième partie de la région formant la commune de Mremani. Elle possède aussi son marché.
Mremani est collée à Bandracouni, les deux villages se partagent les gains dans cet axe du commerce agricole. Nous retrouvons les mêmes produits : manioc, banane, tarots, patates douces, piment, feuilles de manioc… et un produit phare de la région : le lait, produit dans la région et transformé en yaourts dans la célèbre laiterie qui se trouve à Mremani. Les deux communes forment le Nyumakele ya ju.
Les revendeuses (Mabahazazi) sont des femmes issues des deux communes. Elles négocient directement avec les agriculteurs locaux et les familles pour avoir ces produits. À part les deux marchés qui se disputent l’attractivité, il y a un Sanduk à Adda. Un réseau de microfinance qui aide parfois le petit entrepreneuriat dans les régions rurales. À quelques pas du marché d’Adda, nous croisons plusieurs petits commerces de produits manufacturés et l’enceinte de ce Sanduk. À la sortie du village vers sa partie nord se trouve le collège rural d’Adda. L’établissement est le seul collège public dans cette partie de la région. Nous trouvons également des établissements scolaires sous la supervision d’une ONG appelée Maesaha. Ce qui donne l’air d’une localité avec une attractivité socio-éducative qui polarise les autres villages autour, malgré le manque d’accompagnement des autorités. La majorité des habitants sont des agriculteurs et collaborent avec l’ONG Dahari, d’où le maintien de la potentialité. Sinon la région aurait perdu son seul moyen de survie.
Adda Daweni et les vingt-un autres villages de Nyumakele oubliés
Autrefois région reculée, le Nyumakele est devenu une région désenclavée, malgré la dangerosité des routes. A Nyumakele ya tsini (Nyumakele d’en bas), les routes sont accidentées, ce qui rend le voyage jusqu’à Mutsamudu éprouvant. Les villages qui forment le Nyumakele ya tsini sont entre autres Ongojou, Mramani, Nyamboimro.
C’est à cause des mauvaises conditions de transport que la région reste toujours très en arrière en matière d’infrastructures, d’éducation et de condition de vie. Pourtant, elle est la plus grande région de toute l’Union des Comores, de par sa superficie puisqu’elle regroupe vingt-deux villages. Elle compte aussi un très fort électorat à cause de sa forte densité de sa population qui est de 1000 habitants par kilomètre carré. Sa population attire les candidats durant les élections, ce qui fait que depuis que les Comores ont commencé à voter pour élire leurs responsables locaux et nationaux, la région a toujours été le fief des grands leaders comme le président Ahmed Abdallah. Aujourd’hui, certains de la région se vantent d’être des fervents adeptes du régime en place faisant de la région un fief pour le régime d’Azali Assoumani. Pourtant depuis sept ans que ce pouvoir est en place, rien de concret n’a été fait pour soulager les habitants de cette partie de l’île. En effet, la région a toujours été utilisée à des fins politiques sans vraiment obtenir des résultats bénéfiques pour les plus démunis.
La pauvreté est flagrante, mais la population n’a jamais abandonné l’agriculture. Aucun développement concret initié pour la région de la part du gouvernement n’est visible. Mais, les plus chanceux ont obtenu quelques postes politiques, de petits contrats dans des entreprises publiques.
Ces nombreuses difficultés maintiennent cette région dans le contexte d’une forte émigration, surtout l’exode rural, un phénomène social qui existe dans la région depuis très longtemps. Les habitants de Adda bougent beaucoup. Dans beaucoup de villes et villages d’Anjouan, on trouve des ressortissants d’Adda. Par ailleurs, un certain nombre d’habitants de cette région vit dans le chef-lieu de l’île, dans des bidonvilles comme à Pajé. Ils vivent dans des terres qui ne leur appartiennent pas sous des conditions insoutenables. Les habitants du Nyumakele sont considérés comme défavorisés et n’arrivant pas à sortir de la misère malgré les efforts qu’ils font.
À l’approche des élections prévues en 2024, les politiciens en quête de pouvoir ont déjà commencé à danser sur la misère du Nyumakele.