Nous sommes au XXIᵉ siècle, une époque marquée par des avancées significatives dans de nombreux domaines. Cependant, il est profondément regrettable de constater que certaines mentalités demeurent figées, refusant d’évoluer. Autrefois, la femme était souvent réduite à un simple objet, marginalisée et dévalorisée. Bien que cette période sombre semble révolue, les pratiques discriminatoires et les violences à l’égard des femmes persistent encore aujourd’hui. Nombreux sont ceux qui continuent à manquer de respect aux femmes, à les maltraiter et à perpétuer des inégalités criantes, non seulement à travers le monde, mais aussi aux Comores.
Par HOUDAIDJY SAID ALI. Juriste Publiciste et Internationaliste. Paris-France
Il est impératif de rappeler à chacun le rôle central de la femme dans la société et l’immense respect qu’elle mérite. Avant toute chose, n’oublions jamais qu’elle est celle qui nous porte, celle qui endure quotidiennement des pressions physiques, sociales et psychologiques. Ce qu’elle attend, avant tout, c’est un véritable soutien. L’homme, dans toute sa dignité, devrait agir avec respect et bienveillance envers elle. Ce comportement ne relève pas seulement d’une exigence morale, mais constitue également le socle des principes et des valeurs qui régissent une société harmonieuse.
La violence faite aux femmes sous toutes ses formes – qu’elle soit morale, psychologique, physique, verbale ou économique – constitue une grave faute. Aux Comores, ces violences sont omniprésentes, parfois dissimulées au sein des foyers ou étalées au grand jour dans la société.
Par ailleurs, un autre aspect troublant est la soumission implicite des femmes à une forme de prostitution, notamment à travers le tristement célèbre « droit de canapé ». Pourtant, les femmes comoriennes possèdent souvent des compétences professionnelles et académiques remarquables. Malheureusement, certaines d’entre elles se heurtent à des comportements ignobles de la part d’individus abusant de leur position pour obtenir des faveurs sexuelles.
Les témoignages abondent, particulièrement au sein de l’Université des Comores, où de nombreuses étudiantes dénoncent des pratiques inacceptables. Certaines révèlent que leur réussite académique est conditionnée à l’acceptation de relations intimes avec des enseignants. Ce chantage persistant pousse de nombreux parents à envoyer leurs filles étudier à l’étranger, afin de les protéger de ces abus. Ces dérives ternissent l’image de nos institutions et sapent les efforts des jeunes femmes qui aspirent à une réussite fondée sur le mérite.
Il est grand temps de briser le silence et d’agir. Ces violences et discriminations envers les femmes ne doivent plus être tolérées. Les responsables doivent être identifiés et sanctionnés, et il revient à chacun de nous de défendre les droits des femmes, pour construire une société plus juste, respectueuse et équitable.
La dure réalité des femmes comoriennes dans l’administration publique
Dans l’administration publique, le constat demeure tout aussi alarmant : l’égalité des chances est systématiquement bafouée. Il est désormais courant de voir des administrateurs abuser de leur position pour opprimer les femmes. Face à des conditions de vie précaires, de nombreuses jeunes femmes se retrouvent acculées, contraintes de choisir entre céder à des avances immorales ou subir l’exclusion, la faim et l’extrême précarité. Ces pratiques, profondément malsaines et inacceptables, sont devenues monnaie courante. Il est indéniable que ces femmes subissent un harcèlement d’une intensité inquiétante, où elles ne sont souvent perçues que comme des objets sexuels.
Aux Comores, la vie d’une femme oscille entre deux extrêmes : facile si elle consent à endurer ces abus, et extrêmement difficile si elle ose résister. Cette situation, ancrée dans les mentalités, ne semble guère surprendre. La parité, bien qu’un droit fondamental, reste une illusion : l’administration accorde clairement plus d’opportunités aux hommes, reléguant les femmes à un rôle secondaire. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : aux Comores, les femmes ne sont pas respectées, et cela se reflète dans toutes les sphères sociales.
Ce problème n’est pas unique aux Comores. Partout dans le monde, les femmes subissent des inégalités flagrantes, notamment en matière de rémunération. Peu importe leur niveau intellectuel ou leurs compétences, elles continuent de percevoir des salaires inférieurs à ceux des hommes occupant les mêmes postes. Ce phénomène persiste, même dans des sociétés supposées avancées, comme la France, et il n’épargne évidemment pas les Comores. La misogynie et les stéréotypes y prospèrent, confinant les femmes à des rôles traditionnels dictés par une vision patriarcale.
Dans de nombreux foyers comoriens, la femme est souvent réduite à la soumission, une situation cautionnée, voire encouragée, par certains parents. Cette soumission, perçue comme une obligation culturelle, a fini par être intériorisée par nombre de femmes, au point qu’elles en oublient leurs droits les plus fondamentaux : celui de vivre librement, d’avoir des relations sociales, de préserver leur intimité. Pourtant, derrière cette façade d’acceptation se cache une réalité brutale : de nombreuses femmes subissent quotidiennement des violences physiques, psychologiques ou sexuelles, sans jamais pouvoir les dénoncer.
Les chiffres sont accablants. Au cours du troisième trimestre 2023, 85 % des cas de violences sexuelles signalés à Ngazidja concernaient de jeunes filles âgées de 11 à 17 ans. Entre 2020 et 2021, les signalements ont explosé, enregistrant une hausse de plus de 200 %. Cette situation s’inscrit dans une culture du viol profondément enracinée, entretenue par des normes patriarcales et un silence complice autour des abus. La pauvreté et la dépendance économique accentuent encore cette vulnérabilité, exposant les jeunes femmes au chantage, au harcèlement et à la violence.
Pire encore, le système judiciaire comorien protège souvent les agresseurs, qu’ils soient des membres influents ou des proches des victimes. Les différends sont fréquemment réglés à l’amiable, dans une volonté de préserver les apparences et d’étouffer les scandales. Cette pratique contribue à banaliser le viol et à normaliser l’injustice.
La misogynie, ce couteau tranchant des droits des femmes
Dans une société qui se prétend démocratique, la place des femmes reste désespérément marginale. Pour enrayer ce fléau, il est impératif de rompre le silence, de déconstruire les mentalités rétrogrades et d’instaurer des mécanismes de protection robustes pour garantir aux femmes leurs droits et leur dignité. La lutte contre les violences faites aux femmes doit être une priorité nationale, car il en va non seulement de leur liberté, mais aussi de l’avenir de toute une société.
La misogynie aux Comores se manifeste par une dévalorisation constante des femmes, marquée par des insultes, des blagues sexistes et des discriminations, notamment sur les réseaux sociaux. Certains hommes, dépourvus de morale, n’hésitent pas à exposer publiquement l’intimité de femmes après des relations brisées, déclenchant un déferlement de haine contre ces dernières. Tandis que la victime subit des insultes et voit sa dignité anéantie, l’homme coupable reste intouchable, protégé par une culture qui banalise ses actes sous prétexte qu’il est un homme. Cette double injustice marginalise les femmes et compromet leur épanouissement, tandis que la moindre de leurs erreurs devient une arme entre les mains de leurs détracteurs. Ce phénomène, nourri par une méchanceté gratuite et une culture de l’impunité, appelle une réaction urgente pour défendre les droits des femmes et rétablir l’équité dans la société.
Cette situation dramatique a des répercussions profondes sur les jeunes femmes, qui perdent progressivement confiance en elles dans une société qui ne les représente ni ne les protège. Une société qui les marginalise et les exclut. Certains tentent de justifier cette réalité en évoquant l’héritage comorien, affirmant que le fait pour les femmes d’hériter de terrains suffit à valoriser leur place. Or, cela reste dérisoire face aux violences constantes qu’elles subissent en silence.
L’inégalité entre les sexes est une évidence criante, freinant l’autonomie des femmes, limitant leur accès à l’éducation et entravant leur épanouissement personnel. Ce déséquilibre, associé à des pressions sociales et culturelles, explique en partie l’essor des relations entre femmes dans le pays. Ce phénomène n’est pas un rejet de la féminité, mais plutôt une réponse au harcèlement et à l’incompréhension qu’elles subissent de la part des hommes. Certaines femmes, écœurées par le mépris et le manque de considération masculine, choisissent de se tourner vers des relations qui, à leurs yeux, apportent davantage de respect et de compréhension.
La persistance de ces violences est aggravée par un système judiciaire défaillant, manquant de ressources et incapable d’assurer un suivi adapté aux victimes. Ces femmes, souvent traumatisées, menacées ou brisées psychologiquement, sont abandonnées à elles-mêmes. Elles vivent dans un isolement cruel, sans accès à des professionnels capables de les accompagner dans leur reconstruction. Leur détresse se reflète dans leurs témoignages : certaines, manipulées et soumises, finissent par accepter l’inacceptable, faute d’alternatives. Elles évoquent le chantage émotionnel lié à l’âge, notamment l’angoisse de la ménopause, pour justifier des mariages où le consentement véritable est absent.
Cette soumission, fondée sur des pressions sociales et la culture du viol, transforme le mariage en un simple devoir de procréation et de satisfaction des désirs masculins, occultant complètement le droit des femmes au bonheur et à une vie épanouie. Une réforme profonde est urgente pour briser ce cercle vicieux et redonner à ces femmes la dignité et les droits qui leur reviennent.
Le 25 novembre, une promesse pour briser les violences faites aux femmes
Le 25 novembre est une date à la fois porteuse d’espoir et empreinte de tristesse. Espoir, car cette journée mondiale incarne un combat acharné pour mettre fin aux violences faites aux femmes. Tristesse, car elle rappelle que ces actes inhumains persistent, perpétrés par des individus dotés de conscience et de raison.
À cette occasion, Fatima Ahamada, ministre de la Promotion du Genre, de la Solidarité et de l’Information, également porte-parole du gouvernement, joue un rôle clé. Soutenue par le président Azali Assoumani, elle déploie des efforts considérables pour promouvoir l’égalité entre les sexes et offrir un soutien aux victimes. Dans sa feuille de route, des mesures concrètes sont mises en œuvre pour éliminer les violences et assurer une réelle application du protocole de Maputo. Le ministère travaille en étroite collaboration avec le gouvernement, les ONG, les partenaires bilatéraux et multilatéraux, ainsi que des institutions spécialisées des Nations unies, comme ONU Femmes et UNICEF, pour lutter contre les discriminations et renforcer l’autonomisation des femmes.
Parmi les initiatives organisées cette année, une marche pacifique sensibilise l’opinion publique à l’importance de cette cause, tandis que des conférences-débats ont été menées dans les écoles du pays. Ces activités visent à faire comprendre que la lutte contre les violences passe par l’éducation, l’engagement communautaire et une coordination efficace entre la police, les services sociaux et la justice.
La ministre ambitionne également de transformer son ministère en un véritable centre de soutien pour les victimes. Elle prône une approche globale : sensibilisation, éducation et mise en place de programmes scolaires favorisant l’égalité. Elle rappelle sans cesse que les lois doivent être appliquées avec rigueur pour garantir une société juste et équitable.
En cette journée de mobilisation, il est essentiel d’appeler à la solidarité nationale et au respect inconditionnel des femmes. Inspirons-nous de notre riche patrimoine musical comorien pour honorer la femme dans toute sa splendeur et sa dignité. Des artistes comme Zily avec « Amani », Chamsia Sagaf, ou encore Salim Ali Amir avec son poignant « Pédophile », nous rappellent, par leurs mélodies, l’importance de cette lutte.
Des femmes choisissent de protéger leurs enfants et de préserver la cohésion familiale. Ce choix, à la fois noble et difficile, symbolise la force et la résilience de celles qui méritent plus que jamais amour, respect et reconnaissance. La journée du 25 novembre est un appel à l’action et à la réflexion pour construire un avenir sans violence, où la femme, en tant que mère, sœur ou fille, est honorée et protégée comme il se doit.
Lire également : « La culture du viol aux Comores, un phénomène réel », Masiwa n° 503, 28/10/2024. https://masiwa-comores.com/societe/la-culture-du-viol-un-phenomene-reel-aux-comores/#