Face à l’absence d’équité territoriale de la part de l’État, la jeunesse de la ville de Adda s’est lancé dans le développement local avec l’aide de la diaspora.
par Nezif-Hadji Ibrahim
Routes cimentées, éclairage public avec des panneaux solaires, construction de foyer pour recevoir les évènements publics, la ville de Adda dans le Nyumakele à Anjouan se dote de plus en plus d’infrastructures pour « se développer ». Face aux carences en politique publique du développement des autorités, la jeunesse de Adda a pris les choses en main.
Développement local conduit par la jeunesse
En raison de l’absence d’implication de la mairie et de l’État dans une large mesure, la jeunesse de Adda a pris l’initiative de s’occuper de ses infrastructures pour apporter un développement local efficient sur la ville. La mosquée étant en chantier, tout comme le foyer, d’autres infrastructures sont déjà réalisées. Par exemple des routes sont revêtues de ciment et trois maisons en tôle pour des personnes en difficulté ont été bâties. Et c’est à partir de l’initiative de l’Association de la Jeunesse Consciente de Adda dont le président est Arbabi Insa Saïd Ali. Selon lui, « l’association intervient dans plusieurs domaines. On fait des routes, on construit des habitats pour des personnes dans le besoin, on a fait un madrasa, on est en train de refaire la mosquée, on est aussi en train de faire un foyer ». Ces activités visent essentiellement à moderniser la ville en termes d’infrastructures.
Aide précieuse de la diaspora
Certainement, les chantiers des différentes infrastructures que conduit la jeunesse de Adda n’auraient pas avancé sans le soutien de la diaspora. Ces fonds viennent de partout, de France, de Ngazidja, de Mayotte et aussi de la Réunion.
En France, la ville compte deux cellules, celle de Rennes et celle de Limoges. Toutes les deux s’organisent à travers des cotisations afin de mobiliser l’apport de tout le monde. Selon Harali Mzouri, membre de la diaspora de Adda en France, la cotisation de la cellule de Rennes s’élève à 20 euros pour chaque membre, parfois certains donnent davantage selon leurs moyens bien sûr.
« Les habitants de Adda ont le rassemblement comme devise. À chaque fois qu’ils se retrouvent en dehors de la ville, ils savent s’unir pour réfléchir pour la ville. D’ailleurs, dès mon plus jeune âge, j’ai vécu les initiatives en faveur de notre ville de Maman Hamzati qui vivait à Mutsamudu. Elle réunissait ceux et celles originaires de Adda qui vivaient à Mutsamudu pour s’organiser et aider la ville », avance Faissoil Attoumane, membre de l’Association Udjama wa Adda à Rennes. Il poursuit en montrant combien la ville a toujours devancé l’État dans la construction d’infrastructures à Adda. « La ville a fourni le terrain pour la construction de l’école Maecha, la diaspora a financé la clôture de l’école primaire. Alors que le marché est censé être une infrastructure municipale, c’est toujours la ville qui s’est démenée pour le faire », ajoute Faissoil Attoumane pour montrer combien les habitants de Adda ont toujours été au rendez-vous quand il s’agit d’apporter un certain développement à leur localité.
Ces aides sont parfois destinées à la réalisation d’œuvres caritatives. Par exemple, un des membres de cette diaspora, Bacri Soroda, a aidé à la construction d’une maison pour une famille qui en avait besoin. Ces initiatives individuelles entrent aussi dans la démarche de la diaspora de la ville qui cherche à apporter son soutien pour les habitants de Adda.
Des aides en dehors de la diaspora de Adda sont à prendre en compte par ailleurs. Récemment, à l’issue d’un concours organisé par l’opérateur Telma Comores, la ville de Adda a aussi été parmi les gagnants. Les habitants ont donc reçu de la part des organisateurs du concours des panneaux solaires pour éclairage public.
Par rapport au projet d’avenir, la diaspora de Adda espère doter la ville d’une bibliothèque avec médiathèque bientôt. Les fonds nécessaires pour réaliser le projet sont déjà réunis. Il ne reste que sa concrétisation.
Une localité victime d’un manque d’équité territoriale
Le principe d’équité territoriale ne semble pas gouverner l’action publique de l’État. La zone qui compte Manyasini, Jandza, Bandra la Jandza et Adda et Kangani ne compte ni lycée ni hôpital. Il n’y a qu’à Adda qu’on retrouve une maternité. Récemment, la diaspora de Adda avait doté la maternité d’équipements médicaux tout en espérant dans un avenir proche répondre aux besoins de services publics de base, pour ne pas dire essentiels, de leur ville. Parvenus au niveau lycée, les élèves de ces localités doivent se rendre jusqu’à Liwara pour poursuivre leurs études. De Manyasini à ce lycée, pour la majorité de ces élèves se rendant à pied, il faut au moins 2 heures de temps. Malheureusement, c’est le quotidien de ces élèves originaires de la région la plus pauvre des Comores où les investissements publics sont quasi-absentes.
La question de la pauvreté de cette région est avancée dans les rapports sur le développement des Comores depuis des décennies. Jusqu’à présent rien ne change et l’INSEED, dans son récent rapport sur la pauvreté aux Comores, déclare que c’est la zone rurale de Ndzuani qui est la plus touchée par rapport au niveau national. Le Nyumakele symbolise cette indigence en milieu rural. Donc, la volonté des jeunes de Adda à prendre en charge leur développement en matière d’infrastructures, c’est aussi un moyen de chercher à s’en sortir face à l’absence de l’État, surtout que la mairie demeure dans l’immobilisme.