Les travaux de la mission « Mécanisme africain d’Évaluation par les Pairs » (MAEP) aux Comores ont été lancés par le chef de l’État, Azali Assoumani le 11 octobre dernier. La mission a également entamé une série de rencontres avec les Gouverneurs des îles, ainsi que des partenaires au développement tels que le PNUD, l’UNICEF, l’UNFPA et la Banque Mondiale. Les experts de l’Union africaine étaient en discussions avec les journalistes et les acteurs des différentes plateformes de la société civile comorienne et des ONG le 17 octobre.
Par Hachim Mohamed
C’est l’expert Ousmane Diallo qui a modéré les prises de parole en livrant à l’assistance le contexte et les motivations du Rapport de Gouvernance en Afrique (RGA 2023) aux Comores. À en croire le guinéen, sur la base de la directive des chefs d’États et de gouvernement de l’Union africaine, la mission du MAEP se doit en cette troisième édition du Rapport biennal sur ARG 2023 de remodeler la démarche pour refléter les questions liées aux changements anticonstitutionnels de gouvernement sur le continent de façon à s’attaquer aux causes identifiées, de formuler des solutions durables pour prévenir les changements anticonstitutionnels de gouvernement, ou encore d’encourager la participation inclusive aux débats sur les questions touchant la citoyenneté et les dirigeants.
En rappelant l’avènement du multipartisme et de la démocratie en Afrique en 1990, Ousmane Diallo pense que dans un contexte de résurgence des coups d’État en Afrique de l’Ouest, le MAEP veut promouvoir le constitutionnalisme, la démocratie, l’état de droit et la gouvernance inclusive, la lutte contre les changements anticonstitutionnels sur le continent.
Refuser la mauvaise gouvernance
« Les 7 pays qui sont sous évaluations ciblées présentent des opportunités d’apprentissage aux états membres de l’UA sur les déclencheurs et les causes des CAG (changements anticonstitutionnels de gouvernement) en plus de servir de base au développement et la mise en œuvre de mécanismes d’alerte précoce contre les CAG sur le continent », peut-on lire dans le document transmis aux journalistes
Si les questionnements sur la mission du MAEP portent essentiellement sur la séparation des pouvoirs, l’État de droit, l’indépendance du pouvoir judiciaire), la promotion, la préservation et la protection de droits de l’homme, la participation des femmes et des jeunes à la prise de décision à tous les niveaux, la participation directe du peuple dans les processus de modification de la Constitution, le rôle du parlement lors de séances consacrées à tels processus, la mission de l’armée dans l’espace politique, contre toute attente, les experts de l’UA n’ont pas exposé explicitement ces questions touchant les préoccupations de la bonne gouvernance.
Sur les sept membres de la délégation du MAEP, seulement quatre experts ont eu à interroger tour à tour les journalistes et les acteurs des différentes organisations de la société civile et des ONG.
Les interrogations saugrenues et même l’intervention d’un expert constitutionnaliste ivoirien qui s’est payé le luxe de s’attaquer à la presse pour la diffusion de fausses informations, selon lui, et même les relances du modérateur sur la société civile, les Comoriens des organisations de la société civile et des médias se sont indignés à propos de la mauvaise gouvernance aux Comores.
Opacité totale sur les comptes de sociétés d’État
Les réponses cinglantes des Comoriens face aux experts ont certainement édifié la mission de MAEP au sujet de la gestion des sociétés d’État comme la Douane, l’Onicor et les Hydrocarbures.
Ce qui est arrivé à l’homme d’affaires sud-africain (Lire Masiwa n°392 du lundi 22 août 2022, « Un investisseur étranger face à la corruption ») qui avait signé une convention avec la mairie de Moroni pour prendre en charge le ramassage de toutes les ferrailles et ordures de toute la ville et qui était resté deux ans aux Comores sans pouvoir commencer son activité, a été évoqué par un journaliste de Comores-info.
« Ce n’est pas seulement cet investisseur sud-africain mort par suicide qui s’est heurté à l’administration fiscale, comme ce fut le cas avec ses dix conteneurs arrivés au port de Moroni sans qu’il puisse les dédouaner. Nos compatriotes de la diaspora aussi sont confrontés à toutes sortes d’impôts quand ils veulent investir dans leur propre pays. », a-t-il-expliqué très amer.
Sur ce volet de l’économie aux Comores, la présidente du Syndicat de journalistes comoriens, Faïza Soulé Youssouf, est allée plus loin. « Pour les comptes des sociétés, il y a dans la gestion une opacité totale qui règne sur leurs calculs et leurs modes de versement. On ne se sait jamais sur quelles bases le gouvernement fixe les prix, notamment avec l’augmentation du prix des carburants, du riz et tant d’autres denrées de consommation. », a-t-elle renchéri. L’intervention du Directeur de publication du quotidien Al-Fajr a abondé dans le même sens quant à l’environnement des affaires aux Comores qui n’arrange pas les jeunes entrepreneurs.
Sultane Abdourahim Cheikh, a rappelé qu’aux Comores, il est impossible de solliciter un prêt sans garantie ni caution personnelle et une fois obtenu, le taux est très élevé. Comment, demanda le journaliste, peut-on demander à un jeune entrepreneur qui n’a absolument rien un terrain, une maison ou un fonds de garantie pour un prêt avec un taux de 14% d’intérêt ? C’est carrément tuer l’initiative, l’envie d’entreprendre.
Pas une ligne parlant de bavures de l’AND au journal Al-watwan
Formé par l’Institut de Gorée au Sénégal en matière d’enquête mapping sur le terrain, Sultane Abdourahim Cheikh, qui a participé à la rencontre en sa qualité d’ambassadeur AfriYAN Comoros, a été sollicité en 2019 pour former les observateurs de la société civile sous financement de l’Union européenne.
« J’ai encadré mes compatriotes en ma qualité de consultant après une expérience sur le terrain en matière de monitoring de violence électorale. C’était en 2019 lors des élections du nouveau mandat du président Assoumani Azali qui avait modifié la constitution. Malheureusement, le gouvernement a mis son veto quand une fois formés, on voulait envoyer ces observateurs sur le terrain », a-t-il dévoilé.
Dernier sujet sensible qui s’est invité politiquement dans le panel avec les experts de l’UA a été l’émoi suscité récemment par les évènements de la ville de Mbéni provoquant de multiples réactions indignées, chez les politiciens comme dans la population et au-delà dans les ondes des radios locales, des réseaux sociaux, etc.