Souvent mis en cause avec la CENI pour les fraudes qui ont émaillé toutes les élections ces derniers temps aux Comores, les membres des bureaux de vote se plaignent aujourd’hui de ne pas avoir été payés.
Par Anoir Ahamadi
Anjouan – Plus d’un mois après les élections communales du 16 février dernier, les membres des bureaux de vote (MBV) attendent toujours leurs indemnités. Ce retard, qui semble devenu une habitude pour la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), suscite exaspération et incompréhension chez ceux qui ont veillé au bon déroulement du scrutin.

« C’est un manque de considération », s’indigne un membre du bureau de vote à Patsy, préférant garder l’anonymat. « Nous avons passé toute une journée à assurer la tenue des élections et, au final, on nous traite avec mépris. » Certains, plus fatalistes, relativisent la situation, estimant que ce qu’ils attendent ne représente que des « miettes ». Mais dans un contexte économique difficile et en plein mois de ramadan, où l’entraide et la reconnaissance sont censées primer, ce retard est perçu comme une véritable injustice.
Un problème récurrent et des questions sans réponses
Ce n’est pas la première fois que les MBV font face à une telle situation. Lors des dernières élections législatives, le même problème s’était posé, avec des paiements qui avaient pris plusieurs mois à être effectués. Malgré les critiques répétées, aucune réforme n’a été entreprise pour garantir une indemnisation rapide et systématique.
Pourquoi un tel retard dans le paiement des indemnités ? La question reste en suspens. L’organisation des élections repose sur un budget censé être prévu en amont, et l’on peut légitimement se demander si la CENI dispose réellement des fonds nécessaires avant le scrutin ou si elle attend des financements extérieurs pour boucler ses engagements. Les organismes internationaux soutiennent-ils financièrement ces élections ? Si oui, où va cet argent ?
Ces interrogations restent sans réponse officielle. En attendant, l’exaspération monte parmi les MBV, notamment à Anjouan, où certains expriment aujourd’hui des regrets quant à leur engagement.
Une membre de bureau de vote à Ouani témoigne avec amertume : « Peut-être que ces gens n’ont tout simplement pas de sentiment… Nous sommes en plein ramadan, une période où la générosité et la reconnaissance devraient être de mise. Mais au lieu de cela, nous sommes laissés pour compte. »
Une reconnaissance à géométrie variable
Ces retards chroniques dans l’indemnisation des acteurs électoraux mettent en lumière une gestion peu rigoureuse des élections aux Comores. Alors que les élections sont un élément fondamental du processus démocratique, celles et ceux qui garantissent leur son déroulement se retrouvent systématiquement négligés une fois le vote terminé.
Sans réponse claire de la CENI, la frustration des MBV risque de se transformer en désengagement lors des prochains scrutins. Car si le processus électoral repose sur l’engagement citoyen, il ne peut fonctionner sans une reconnaissance minimale de ceux qui le rendent possible, même en l’espace d’une journée.
Le rôle essentiel des membres des bureaux de vote
Les membres des bureaux de vote sont des acteurs clés du processus électoral. Leur mission principale est d’assurer le bon déroulement du vote en veillant à l’intégrité du scrutin. Quand les élections se déroulent normalement, sans fraudes, ils sont chargés de vérifier l’identité des électeurs et s’assurer qu’ils sont inscrits sur la liste électorale, de superviser le bon déroulement du vote dans le respect des règles établies, d’assurer le dépouillement des bulletins et le comptage des voix en toute transparence et de rédiger et transmettre les procès-verbaux des résultats.
Ce travail, qui exige généralement rigueur et impartialité, est essentiel pour garantir des élections crédibles. Pourtant, les retards répétés dans le paiement de leurs indemnités jettent le doute sur la considération accordée à leur engagement. Si cette tendance se poursuit, le manque de motivation des MBV pourrait compromettre l’organisation future des scrutins.