Ahmadou Mzé Soilihi est l’un des administrateurs de la Convergence nationale responsables de la communication et de la stratégie. Il plaide pour l’unité complète de l’opposition.
Propos recueillis par Hachim Mohamed
Masiwa – Ahmadou Mzé, pourriez-vous nous expliquer quelle est la dynamique d’unification de l’opposition qui est en cours ? La Convergence nationale dont vous êtes membre a-t-elle signé l’appel à l’unification de l’opposition ?

Ahmadou Mze Soilihi – La Convergence nationale a fait un appel le 14 octobre 2024 pour une union des forces vives et elle a proposé un nouveau concept politique pour la rendre possible. Une première action a été faite le 16 décembre de l’année dernière. Et le 17 février dernier, lors de la journée mémorielle des Accords de Fomboni, signés en 2001 sur l’île de Mohéli, des dirigeants de l’opposition ont dit publiquement la même chose et nous nous en réjouissons sans triomphalisme et sans en revendiquer la paternité. En effet, l’idée d’unir l’opposition est bonne. La question est comment et pourquoi faire un autre appel en plus de celle faite par la Convergence nationale depuis le mois d’octobre ? Si c’est pour recommencer la même chose, ce n’est pas la peine, les Comoriens attendent de la nouveauté. En revanche, s’il faut aller plus loin en repensant son concept, la Convergence nationale y adhère. Il faut changer de concept et de logiciel, car l’on ne peut pas faire la même chose avec les mêmes personnes et espérer obtenir des résultats différents. C’est pourquoi notre nouveau concept propose d’écarter toute idée de leadership – qui est une des sources qui alimentent les divisions – pour mettre en avant un mode de fonctionnement collégial et horizontal qui respecte toutes les sensibilités politiques et civiles qui sont engagées dans cette lutte. Et donc, pour répondre à votre question, la convergence n’est pas signataire de l’appel, mais ne s’y oppose pas. Nous avons une réserve sur l’efficacité de la méthode utilisée et le concept adopté qui consistent à vouloir obstinément nommer un leader comme si cela suffirait pour résoudre tous les autres problèmes. Je ne comprends pas cette obsession de leader sachant que l’histoire de cette lutte nous a montré que ça ne fonctionne pas.
Masiwa – Dans la déclaration, on fait état d’une stratégie commune de mobilisation républicaine et citoyenne des forces vives afin de défendre l’intérêt de la nation. Vous comprenez cette stratégie pour les partis de l’opposition qui ont boycotté les élections législatives et municipales ?
Ahmadou Mze Soilihi – La mobilisation républicaine doit continuer à se faire, évidemment. Cependant, la Convergence nationale a fait le constat amer selon lequel les élections constituent la seconde source des conflits au sein de l’opposition et elle l’a mentionné dans son document de base publié le 14 octobre dernier. Les deux grandes organisations qui sont le CNT et le Front commun se sont décomposées en leurs seins à cause des divergences internes sur ce sujet de la participation oui ou non aux élections. La convergence en a tiré les leçons en évitant de prendre position. Toutefois, je pense personnellement que la politique a horreur du vide, la participation aux dernières élections fut une occasion en or pour éveiller le peuple, remobiliser les militants, attraper la main dans le sac des voleurs des élections et prendre à témoin la communauté internationale sur les violations flagrantes des droits du peuple comorien à choisir librement ses dirigeants. Si ces objectifs étaient atteints, l’on ne pouvait espérer plus. Car le résultat était connu à l’avance. Je pense que les candidats n’étaient pas naïfs au point de penser que ce régime laisserait l’opposition prendre d’assaut l’Assemblée nationale qui lui sert de relais et de chambre d’enregistrement pour valider toutes ses forfaitures.
Masiwa – La déclaration a aussi indiqué qu’Azali Assoumani a l’intention de transmettre le pouvoir à son fils, ce qu’il a nié. Quelle est la position de la Convergence nationale à ce sujet ?
Ahmadou Mze Soilihi – Notre position est celle de tous les Comoriens qui défendent les intérêts de la nation et qui ont fait le choix d’une République au lieu d’une monarchie après la proclamation de l’indépendance.
C’est ainsi que je vous renvoie au document de base de la Convergence nationale rendu public le 14 octobre 2024, qui a alerté les opposants sur le projet du Colonel Azali Assoumani de vouloir que son fils Nour-El-Fath Azali lui succède : « À ce titre, la Convergence nationale met en garde le régime en place à Moroni contre sa dérive monarchique et sa violation flagrante des institutions de la République qui risquent de disloquer le pays et le plonger dans une guerre civile. »
Masiwa – La Convergence nationale tient-elle aux Accords de Fomboni ?
Ahmadou Mze Soilihi – Les accords-cadres signés à Fomboni dont j’ai fait le rappel plus haut ne constituent pas un projet économique ni social ni même politique pour développer le pays. La preuve en est que la première tournante s’est bien déroulée entre 2001 et 2016 sans incident majeur et aucun Comorien ne pense qu’elle a servi à améliorer la vie quotidienne des citoyens.
En revanche, notre position est claire, je vous renvoie encore une fois à notre document de base dans son paragraphe “Mettre en avant nos convergences”, et titre “SAUVER l’UNITÉ DE LA NATION”: “L’unité et la concorde nationale semblent menacées depuis l’année 2018, date à laquelle les accords de Fomboni et la constitution adoptée en 2021 sont mis à terre par l’adoption en forceps d’une nouvelle constitution taillée sur mesure afin d’éterniser le Colonel Azali ASSOUMANI au pouvoir. La Convergence nationale réaffirme sa volonté de restaurer l’ordre constitutionnel et institutionnel et sacraliser l’autonomie des îles une fois que le régime dictatorial sera écarté du pouvoir. La souveraineté des Comores sur l’île de Mayotte sera recouverte”
Masiwa – Pour le combat contre le gouvernement en place, l’opposition sollicite tout le temps la communauté internationale qui s’est avérée, à maintes reprises, impuissante. N’est-il pas temps de changer de logiciel ?
Ahmadou Mze Soilihi – Bien sûr qu’il faut changer de logiciel, et ce au moins depuis l’expérience récente que nous avons eue avec l’émissaire et médiateur de l’UA, M. Madeira qui a été dépêché aux Comores pour valider l’élection irrégulière du Colonel Azali Assoumani en 2002. Pareil pour les élections successives d’Azali, l’Union Africaine se conforme aux résultats publiés par les organes et les institutions du pays, car par principe les 54 pays membres de l’Union Africaine sont souverains en matière électorale. Et par conséquent, pour garder le pouvoir en Afrique, il suffit de mettre des pions dans les institutions chargées d’organiser et valider les élections. Dans ces conditions, jamais au grand jamais, la position de l’Union Africaine ou celle de toute autre organisation présente sur le territoire ne viendrait mettre en cause les résultats officiels d’un pays souverain. Le mécanisme de vol électoral est structurel et institutionnalisé par le Colonel Azali Assoumani dès son retour au pouvoir et il en fait son point d’appui depuis qu’il a décidé de supprimer la cour constitutionnelle. Cet acte anticonstitutionnel fut le fondement et le début de la décadence institutionnelle de notre pays et il faudrait le corriger dès qu’un État de droit sera de retour au pays.