Partout dans le monde, à part aux Comores, l’Université est un lieu par excellence de foisonnement d’idées de réformes économiques, sociales, politiques, voire d’un sillon de germination permanente de contestations pour le progrès des droits sociaux.
Partout, ailleurs, sauf aux Comores, l’institution bénéficie d’une autorité redoutée et respectée. Ses composantes : les professeurs et les étudiants constituent deux corps autonomes dans la nation.
Les universités sont sensibles aux événements du pays et de sa population dont elles sont un échantillon représentatif de sa diversité économique, sociale et culturelle. Elles constituent dans d’autres aires un baromètre pour mesurer le degré des évolutions et des transformations des citoyens grâce aux comportements divers des jeunes.
Lieu de débats, de réflexions et de projections diverses, l’Université reste un microcosme bouillonnant, sauf chez nous où depuis des lustres, on n’entend plus parler de quoi que ce soit de ce monde devenu muet. Les bruits du dehors n’y parviennent plus et les rares moments où ils y arrivent, ils sont étouffés.
L’autonomie revendiquée et obtenue par l’université dans les premières années de sa création, en 2003, reste aujourd’hui un vieux souvenir. Même son président, il lui est imposé depuis bientôt six ans par Beit-Salam, malgré les textes de loi qui régissent l’institution, stipulant entre autres que le président doit être élu par les enseignants et le reste des agents qui y travaillent.
Le pouvoir CRC met à sa tête qui il veut quand ça lui chante. Dr Achmet qui était largement arrivé en tête au premier tour des élections de 2017, s’était vu refuser l’organisation du second tour, car le candidat du pouvoir, Dr Ouleid, n’avait aucune chance de l’emporter. Et depuis, le Président est désigné par décret d’Azali, au mépris de la loi qui fixe les règles du choix. Ainsi, la fin de l’autonomie est ajoutée à la réclusion à perpétuité de la corporation universitaire, derrière les portes fermées et les fenêtres bouchées, calfeutrées.
Mais la défaite du syndicat des enseignants de l’Université des Comores aux élections en 2017 n’entraîne pas en soi, dans les facultés, la victoire du pouvoir Azali, d’autant plus que l’on notait ça et là, quelques timides réactions les derniers mois, annonceur d’alerte d’un sursaut de conscience et de dignité « révolutionnaire » qui sommeillait en leur âme. Toutefois, la voix de sa restauration demeure, néanmoins encore pour quelque temps, interdit par la tyrannie ambiante.
De tout ce sentiment d’amertume qui plombe toute conscience d’intellectuel en émoi, et face à cette léthargie de notre jeune université, il y a quelque chose de plus inquiétant à noter : c’est la somnolence du dormeur des rêves, maladie qui frappe les jeunes comoriens en formation dans l’institution. Des jeunes gens, 22 ans d’âge moyen, qui ne s’émeuvent de rien, qui ne ressentent rien des événements tragiques qui frappent le pays et des graves entraves qui embuent leur avenir anéanti. Rien ne les touche : les homicides quotidiens des innocents, les viols d’enfants, la pédophilie, la violence dans les lieux de sport, les vols et les détournements des dirigeants aux affaires de l’État, les arrestations et liquidations sommaires d’opposants, les élections perfides de prise de pouvoir hissées en moeurs et us sociétaux, les pénuries de toutes sortes, l’enseignement et les formations au rabais, la confiscation et le musèlement de toute forme d’expression publique ou privée, le virus de l’injustice régnante dans tous les parquets de la République rien ou presque, ne les interpelle, ne semble les toucher, les concerner. Tout les indiffère. Ils les regardent éberlués, encaissent leurs effets bouches bées et les gobent estomaqués. Pour eux, « c’est politique » et ils sont « hors jeu » tout en restant, conscients ou non, des complices.
Leurs croque-morts qui sont leurs frères, ou cousins, pères, oncles, amis, opèrent pendant qu’avec leurs cerveaux engourdis de victimes hébétées, ils se retournent les pouces, les yeux rivés vers un horizon bouché.
Silence, à l’Université des Comores, silence et passez ! Ici, le savoir tourne sur lui-même, la réflexion au dos des murs !
Et dire que c’est le haut siège de la crème des « intellectuels » comoriens ! Badi hobé !
Mhoumadi Sidi IBRAHIMA