Ce mois de septembre est marqué par la rentrée scolaire pour une grande partie des élèves. Les professeurs et les élèves avaient hâte de se retrouver. Pour les premiers, c’est surtout l’envie de reprendre le service. Quant aux enfants, c’est plutôt le fait de revoir les amis, de passer dans la classe supérieure ou tout simplement pour les goûters. Mais qu’en est-il des parents ? C’est un sentiment mitigé qui les assaille quand ils pensent qu’ils vont être confrontés au coût des fournitures scolaires. Par Mounawar Ibrahim
[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,7,6″ ihc_mb_template=”1″ ]
La panoplie
D’une année à l’autre, on retrouve les classiques : l’uniforme scolaire (ou la tenue), le cahier, le matériel de géométrie, les stylos et les manuels. Les parents qui n’en ont pas les moyens leur achètent juste quelques cahiers, pas suffisants, et un stylo bleu ou noir et parfois un rouge aussi. Les autres outils d’apprentissage manquent largement à l’appel. Les écoliers sont souvent appelés à collaborer entre eux pour pouvoir travailler en géométrie ou quand on leur demande de changer de couleur.
Pour revenir aux manuels : ils constituent un véritable cas. Ils coûtent particulièrement cher. Très cher pour les parents. Les parents aux revenus modestes désireux de garantir un cheminement meilleur à leurs enfants n’y arrivent pas. Même pour les familles dites de la classe moyenne. Un parent qui a scolarisé ses enfants dans l’une des plus grandes écoles de la place nous a affirmé qu’il a écarté de sa tête l’idée d’acheter les livres dans une librairie. Il estime que les libraires vendent trop cher, c’est-à-dire qu’ils ne tiennent pas compte de la réalité économique du pays.
Des manuels trop chers
Et ce parent moyen d’ajouter que ces personnes font comme si c’est en France ou dans un pays occidental qu’ils tiennent leur commerce. Un constat qui est tout sauf faux ni fantaisiste. Pour le comprendre, on a fait un tour au petit marché de Moroni, dans les abords de la pharmacie Traleni. C’est là où la majorité des parents se procurent les manuels de leurs enfants. Il faut bien comprendre que ce sont, pour la plupart, des brochures un peu usées et délabrées. On leur a demandé ce qui les a poussés à choisir ces livres-là. Et la réponse a été sans appel : « Mais pourquoi est-ce qu’on s’en préoccuperait ? Au moins l’enfant pourra faire ses exercices avec ». Un autre parent, lui aussi aux revenus moyens, déplore la démission totale de l’État sur la question. Il a même cité le cas Mouigni Baraka quand il était premier magistrat de Ngazidja. « Le gouverneur Mouigni offrait gratuitement des fournitures scolaires à l’école primaire dans le secteur public. Donc pourquoi, à partir d’une telle démarche, l’État n’intervient pas pour prendre en son sein, une partie de toutes ces charges qui pèsent sur l’épaule du seul parent ? », a-t-il avancé.
Cette question a un bien-fondé. Il faut le reconnaître. Le pouvoir central qui sait mieux que quiconque qu’avec des salaires « intermédiaires » qui tombent une fois en trois mois, on ne peut pas assurer une bonne scolarité à ses enfants doit se manifester. Et il peut le faire sous diverses formes. Comme exonérer certaines taxes aux libraires et aux commerçants qui vendent les fournitures scolaires, pour leur permettre ou les contraindre à baisser les prix, à proposer des prix raisonnables. Mais est-ce que l’État sait au moins comment sont vendus les cahiers et les livres ? Parce que pour réaliser le calvaire que vivent les parents de nos jours, il faudrait une autorité de régulation des prix. Mais ce n’est pas sûr que le gouvernement actuel s’en mêle. En tout cas, pas concrètement. Et on vient se plaindre que l’éducation dégringole. À qui la faute ? Au parent démuni qui s’est démené pour scolariser ses enfants ? Au parent qui envoie ses enfants dans le privé juste pour éviter les aléas du public et non par moyens ? Comme on peut entendre dans les transports en commun, l’enfant né de parents pauvres n’est pas fait pour l’école. Ces parents placent peut-être la barre trop haute.
L’enseignement est un luxe
L’enseignement est devenu un luxe auquel tout le monde n’a pas accès. Un élève nous a confié qu’il a dû quitter la série scientifique parce qu’il n’avait pas accès aux manuels de mathématiques et de physique qui coutaient la peau des yeux selon lui. Il a ajouté que ces matières demandent beaucoup d’exercices alors qu’il ne pouvait pas faire la navette chez ses camarades privilégiés dès qu’il a des exercices à faire à la maison. D’aucuns diront que c’est de la fainéantise. Mais il faut le vivre pour le comprendre. Lui, il a juste changé de série. Un Adieu à la médecine ou à un parcours dans l’aéronautique. Mais d’autres quittent carrément l’école estimant que les dés sont pipés ; qu’ils n’ont pas un avenir ; eux qui ne parviennent à rien acheter pour leur scolarité. Toujours dans le cadre des livres, un parent s’est plaint parce que le livre de français niveau lycée, « Méthode et technique » qu’il a acheté l’année passée pour ses enfants n’est plus valables ; qu’il y a une nouvelle édition sur laquelle les profs vont travailler cette année. Un livre qui vaut à peu près vingt mille francs (20.000 kmf).
Le même cas se pose aussi au collège avec les parents qui se trompent de version au moment d’acheter le Bled. On écrirait un livre s’il fallait lister tous les maux auxquels le parent est confronté à la rentrée des enfants. Ce n’est qu’une vue d’ensemble pour montrer combien la situation est gravissime. On s’intéresse moins à cette question et pourtant les enjeux sont énormes. La majorité des élèves ne bénéficient pas d’un enseignement de qualité en partie, à cause du manque cruel d’outils d’apprentissage. Bien sûr qu’on ne va pas tout mettre sur cela, mais c’est une raison parmi tant d’autres. Les frais de scolarité posent aussi problème dans la mesure où il arrive que ce soit à la rentrée même que des parents règlent des écolages de l’année précédente. Si l’école publique n’était pas agonisante, littéralement, on allait conseiller à ces parents « pauvres » de revoir leurs ambitions. Dans le public, on demande juste des fascicules souvent bâclés de mille cinq cents francs (1500kmf). Alors que les écoles privées exigent des fournitures complètes afin que l’enfant soit en mesure de suivre le programme, un programme de qualité, entendons-nous.
[/ihc-hide-content]