Du 18 au 19 février, l’Ambassade des États-Unis a organisé une formation intitulée : « Journalisme aux Comores, défis, engagements et techniques ». L’animateur de la formation nous en parle. Propos recueillis par Idjabou Bakari
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Masiwa – Vous venez d’assurer une formation à des journalistes radio. Pourquoi le choix de la radio ?
Daniel Brown – À mon niveau, il me semble qu’une formation pour des journalistes radio découle de ma propre carrière : grâce à mes 22 ans d’activité à RFI (principalement en tant que grand reporter pour les rédactions magazines et le service anglophone), j’ai acquis une longue et profonde connaissance de ce médium. Cela représente le gros de mes 36 ans dans ce métier.
En ce qui concerne les Comores, la radio est toujours le moyen le plus efficace et populaire pour atteindre la population, malgré l’impact grandissant de l’Internet. Elle rayonne dans toutes les îles, elle ne dépend pas de l’électricité, elle peut s’écouter à tout moment (surtout lorsque l’on effectue des tâches mécaniques : conduire une voiture, travailler les champs, nettoyer la maison, etc.). De plus, elle modernise et amplifie une vieille tradition de culture orale qui est toujours fortement ancrée dans la société.
Masiwa – Combien de participants à la formation ?
Daniel Brown – 10 journalistes en tout, neuf hommes et une femme – ce qui est dommage vu l’importance d’une parité homme-femme dans ce milieu. J’ai bien apprécié la jeunesse et dynamisme de la plupart des reporters présents. Ceci donne espoir pour l’avenir du métier.
Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?
Daniel Brown – Les principaux défis : convaincre les journalistes de faire honneur à leur profession et produire du journalisme de qualité malgré les différentes formes de répressions qu’ils connaissent (autocensure, censure, arrestations, intimidations, emprisonnement) et les mauvaises conditions de travail (surtout les salaires qui sont honteusement bas). En large partie, ceci s’explique par la dégradation des rapports entre les médias et les autorités comoriennes ces dernières années. Elle a largement contribué à une dégradation dans la qualité de reportage dans la radio et la presse écrite. Ceci est dommageable à l’image des Comores.
Je pourrais ajouter qu’il y a une timidité et un respect du formateur (moi) qui des fois peuvent ralentir les exercices, car les participants ont eu du mal à se libérer au départ, et donc à accomplir toutes les tâches proposées dans le cadre de la formation.
Masiwa – Quels ont été les thèmes abordés ?
Daniel Brown – Structurer un reportage radiophonique.
- Analyse des réalités et des défis déontologiques et pratiques du journalisme comorien et africain.
- Les règles du journaliste éthique, ce qui reflète sa position de contre-pouvoir, ce que l’on appelle le Quatrième État.
- Les sources : son authentification, les précautions à prendre, sa fidélisation.
- Le journalisme d’investigation, en comparaison avec le journalisme d’actualités.
- L’art de l’interview, surtout d’un politicien.
- Les richesses que recèle l’Internet et ses réseaux sociaux y incluent les citoyens journalistes et leurs sites.
- Les dangers potentiels de ces réseaux, coupables de nombreux reportages bidon (des « Fake News »).
- Le Data journalisme, nouveau sacré Graal pour les journalistes passionnés des chiffres et de la Toile.
- Comment écrire pour le Net : création d’un blog, son alimentation, le pour et contre.
Masiwa – Que retenez-vous de cette expérience ?
Daniel Brown – Je retiens une grande satisfaction personnelle et professionnelle. Les participants ont fait preuve d’enthousiasme, de perspicacité et de compréhension des enjeux, nécessaire pour une professionnalisation du métier ici à Ngazidja. Ils sont conscients de leur responsabilité envers la population dans les domaines de l’éducation, de la responsabilité civique et de l’indépendance envers les personnes au pouvoir. Ils ont soif de connaissance, car ils sont conscients des lacunes qui existent dans de nombreux domaines du journalisme comoriens, notamment : l’indépendance, la rigueur, les vérifications des faits et des sources, etc. Ils font preuve de courage et d’engagement dans un environnement où ils sont attaqués de plus en plus par le gouvernement.
Masiwa – Au vu des besoins, d’autres formations sont-elles prévues ?
Daniel Brown – Je préfère que l’organisateur et le sponsor de ce programme les États-Unis dans la personne d’Alexandre Cottin (AC) vous réponde.
AC : Un des objectifs principaux de l’Ambassade américaine est de mettre en avant des programmes concrets qui respectent les droits humains et avance les relations entre les États-Unis et les Comores. Dans ce cas, il s’agit de promouvoir la liberté de la presse et de fortifier les relations avec les journalistes des Comores qui jouent un rôle primordial dans l’avancement de leur société. Comme nous l’avons fait à Madagascar, nous continuerons d’évaluer les besoins afin de trouver des moyens réalistes d’approfondir cette formation de base et de construire des liens de plus en plus forts avec les Comores.
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