Présidente du Collectif du Patrimoine des Comores, structure associative militant pour l’inscription des sites « Sultanats historiques des Comores » sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, Fatima Boyer a décidé de prendre la plume pour nous faire revivre un pan de l’Histoire des Comores de l’immédiat, postindépendance, à travers un roman très instructif publié en janvier 2023 à Paris.
Par Faïssoili Abdou
« Sur la route de l’espérance ». Tel est le titre de ce roman passionnant que signe Fatima Boyer, présidente du Collectif du Patrimoine des Comores. Cette association, basée en France, réunit en son sein des Comoriens, des Français, mais aussi des amis des Comores de divers horizons, tous animés par la même ambition, celle de la valorisation et la sauvegarde du patrimoine comorien. Les actions menées jusqu’ici par ce Collectif lui ont valu la reconnaissance du ministère français de la Culture, qui lui a décerné en 2018 l’Ordre de Chevalier des Arts et de la Culture.
Publié aux Éditions Kalamu des Îles, « Sur la route de l’espérance » se déroule entre 1975 et 1978, une période très mouvementée de l’Histoire du nouvel État comorien. Cette phase est la source de beaucoup d’espoirs, de promesses et de déceptions. C’est durant cet intervalle de notre Histoire qu’Ahmed Abdallah Abderemane a déclaré, le 6 juillet 1975, l’indépendance unilatérale de l’archipel des Comores. Parallèlement, l’île de Mayotte décide de s’éloigner de ses sœurs. Quelque temps après, le 3 août 1975, Ali Soilihi fomente un coup d’État et met en place un régime révolutionnaire. Cette aventure sera à son tour, interrompue par un contre coup d’État, le 13 mai 1978.
Au milieu de ces soubresauts politiques, une jeune fille anjouanaise, née à Mutsamudu est séduite par les idées révolutionnaires visant à libérer des carcans de la tradition la société en général et la femme en particulier. Elle aspire à s’engager dans la vie politique, voyant dans ce nouvel élan une aubaine pour les femmes. C’est dans la peau de cette jeune femme prénommée Raisha, personnage principal du roman Fatima Boyer a entrepris de nous faire revivre les péripéties de cette période charnière de l’Histoire des Comores.
Comme le précise l’écrivain Dini Nassur dans la Préface du livre « Ce roman est le témoignage de Raisha, jeune révolutionnaire hésitant à s’engager totalement dans la nouvelle politique socialiste, période postindépendance, afin de contribuer à l’amélioration du statut et au bien être des femmes ». Il s’agit « d’un récit historique et autobiographique qui relate, entre autres, la vie des femmes », complète, l’auteure dans un entretien en marge de la présentation de son ouvrage, en janvier 2023 à Paris.
À travers les aventures de Raisha, Fatima Boyer, nous replonge dans l’histoire de l’archipel, décrit certains aspects de la culture et la tradition des Comores. On y retrouve les sonorités locales, mais aussi les parfums de l’ylang-ylang et du jasmin, fleurs qui font la notoriété d’Anjouan, surnommée « l’île aux parfums ». « Les îles Comores connaissent des spécificités culturelles ancestrales enrichies de particularités locales et régionales propres à chaque île nécessitant une importante valorisation », fait-elle observer. « Au même titre que la sauvegarde du patrimoine, notre Histoire doit-être connue de la jeune génération et vulgarisée », ajoute l’auteure qui constate que les jeunes de l’archipel des Comores, aussi bien ceux de Mayotte que ceux des trois îles, « ignorent leur propre Histoire ».
Fatima Boyer remarque aujourd’hui qu’il existe un réel un déficit de communication entre les acteurs politiques de l’archipel et la population. Il en a résulté beaucoup de déconvenues au cours notre Histoire. Avec le recul, elle porte un jugement nuancé sur la période d’Ali Soilihi : « Si l’on peut déplorer les actes dictatoriaux et violents qui ont marqué cette époque, on doit reconnaître qu’elle a connu une tentative de constitution d’une nation équitable, concernant particulièrement les femmes. Malheureusement, elle ne fut ni expliquée, ni planifiée et surtout ne fit pas appel à la participation de ces dernières », soutient-elle.
« Aujourd’hui encore la place des femmes en politique est toujours minime. Le gouvernement ne comporte qu’une femme. Les mouvements de défense des droits de la femme sont inaudibles sinon inexistants sur l’archipel », déplore-t-elle relevant toutefois que dans le domaine économique « l’on constate un réel progrès du statut de la femme ».
Un roman autobiographique passionnant, à lire et à faire lire.
Fatima Boyer, Sur la route de l’espérance, Kalamu des îles, 138 p., 17 euros.