« Sultwani » est un film historique produit par Mwangaza dont les faits se déroulent à Domoni (Ndzuani) au 18e siècle. Il met en scène le destin du futur sultan Abdallah Ier, nommé Gouverneur à Mutsamudu alors qu’il est encore jeune, après que le Sultan Saïd Ahmed ait arrangé son mariage avec Mwana Amina, car seul le mariage pouvait faire du jeune Abdallah un homme accompli.
Propos recueillis par Noussaïbaty Ousséni Mohamed Ouloubé
Idrisse Moussa, Docteur en Lettres et Sciences humaines est l’auteur de ce moyen métrage qu’il a réalisé avec Hortense Belhôte. Les acteurs principaux ne sont autres que Tacquidine Soubira qui interprète le rôle d’Abdallah Ier, Fatima Bacar qui joue le rôle de Mwana Amina, Farid Rachad qui joue le rôle de Said Ahmed et Warda Ridjali jouant le rôle de Halima. Nous nous sommes entretenus avec Idrisse Moussa afin de connaitre plus de détails sur la réalisation de ce film.
Masiwa – D’où vous est venue l’idée de ce film ?
Idrisse Moussa – En 2013, j’ai fait partie d’une ONG qui prévoyait à un moment de faire un film sur l’histoire des Comores, mais malheureusement, le projet n’a pas abouti. L’idée est néanmoins restée dans ma tête, car j’ai toujours été passionné par l’histoire et en particulier celle d’Anjouan. Une fois au Maroc, j’ai commencé à écrire l’histoire de Sultwani qui avait à l’époque un tout autre titre. De retour aux Comores en 2018, j’ai proposé le projet à Farid Rachad et il m’a présenté à Hortense avec qui j’ai réalisé ce premier film qui sera bientôt sur les écrans.
Masiwa – Avez-vous toujours eu l’envie de devenir scénariste et qu’en est-il du choix de la langue, car il faut dire que le film a été tourné en shiNdzuani sachant que le public comorien est habitué au cinéma étranger en langue étrangère qui est souvent le français, lui-même langue officielle de l’archipel.
Idrisse Moussa – J’ai toujours eu une passion pour l’écriture et j’ai d’ailleurs écrit plusieurs sketchs pour N’gome. J’ai écrit également un roman publié chez Cœlacanthe et j’ai écrit plusieurs articles en ShiKomori dans la revue universitaire Hashirisha dont j’étais à l’époque le directeur de publication. Le cinéma ne faisait pas partie de mes projets à l’époque, mais en écrivant l’idée est venue d’elle-même. Le ShiKomori a toujours occupé une place importante dans mes écrits comme peuvent en témoigner mes articles dans Hashirisha ; cependant, « Sultwani » a été d’abord écrit en Français et c’est finalement Hortense qui a eu l’idée de faire le tournage en comorien afin de faciliter le travail des acteurs qui allaient pouvoir, en parlant leur langue, s’imprégner un peu plus des émotions. Ayant beaucoup milité pour notre langue, j’ai tout de suite embrassé l’idée qui sonnait en moi comme un devoir de patriote.
Masiwa – Entre l’écriture et la production de ce film dans un pays où le septième art reste naissant malgré les efforts des quelques Comoriens qui évoluent dans ce milieu de par le monde.
Idrisse Moussa – Il m’a fallu plus d’une année pour écrire Sultwani donc je suis tenté de dire que l’écriture est la partie la plus difficile. Au début, c’était un divertissement qui me permettait de m’évader du climat universitaire. Dans les moments où je me sentais mélancolique, écrire ce récit m’aidait à mettre des couleurs sur l’histoire de mon île que j’avais quittée depuis plus de trois ans. Une histoire qui pour moi restait en noir et blanc pour ne pas dire floue, car il est difficile pour les jeunes comoriens de connaître leurs sources. Il ne m’a donc pas été facile d’essayer d’écrire une fiction tout en me basant sur une réalité que les gens sont sur le point d’oublier.
Il faut savoir que ce n’est pas facile de réaliser une œuvre artistique, peu importe sa nature et particulièrement ici aux Comores où le public lui-même n’est pas au rendez-vous, sans compter les ressources nécessaires à la production d’un moyen métrage. Pour les acteurs, j’ai d’abord été obligé de travailler les amis avec qui on a joué dans la même troupe de théâtre, car il était très difficile de mobiliser un budget. Dieu merci, grâce à l’Alliance française, j’ai pu avoir le soutien de l’Ambassade de France. Ensuite, le Collectif du Patrimoine des Comores, la Direction régionale de la Culture et la Mairie de Mutsamudu m’ont apporté mains fortes, mais c’est surtout avec l’expertise du CNPA (Conseil National de la Presse et de l’Audiovisuel) et son financement que j’ai réussi à réaliser ce projet. Toutefois, chaque étape de la réalisation d’un projet reste délicate et si nous comptons le nombre d’années qu’il m’a fallu pour arriver à produire ce film, nous arriverons à la conclusion que rien n’a été facile ou difficile dans la condition où je voulais simplement arriver au bout de mon projet.
Masiwa – Sultwani a donc été réalisé, la bande-annonce est disponible sur YouTube et Facebook et il ne reste plus qu’à le mettre à l’écran. Comment appréhendez-vous la réaction du public, surtout comorien.
Idrisse Moussa – Je reste très confiant parce que jusqu’ici le projet est bien accueilli. Ce film est destiné d’abord aux Comoriens qui méritent de ne pas oublier d’où ils viennent et il n’y a pas meilleur que le cinéma pour sauvegarder notre patrimoine. Je crois qu’ils sauront apprécier ce premier travail qui n’est que l’aube de cette aventure que nous allons vivre tous ensemble. Je tiens à rappeler que nous avons pensé au public qui ne parle pas le ShiKomori, un public qui inclut des Comoriens nés ailleurs et qui ne parlent pas bien ou du tout leur langue d’origine. Pour cela, nous avons sous-titré le film en français, un sous-titrage qui a été facilité par le fait qu’à l’origine le récit avait été écrit en langue française.