Le 3 septembre, Aboubacar Saïd Salim, un des pionniers de la littérature comorienne, un enseignant merveilleux, nous a quittés. Il était, aux Comores, l’image de l’écrivain engagé.
Par Abdouroihmane Ibrahim
Aboubacar Saïd Salim est l’auteur de « Et la graine… », un roman dans lequel il fait revivre l’histoire de la grève des élèves comoriens de mars 1968. Il a également écrit : « Le bal des mercenaires », dans lequel il raconte une histoire d’amour entre deux adolescents « Miloude » et « Mkaya », le poids de la tradition et des ethos villageois qui imposent aux jeunes filles d’épouser un homme qui serait choisi par les aînés. Il y évoque aussi la période où des mercenaires avaient pris notre pays en otage avec la complicité des hommes politiques au pouvoir.
Il est aussi l’auteur de « Mutsa, mon amour », un recueil dans lequel il a mis ses poèmes. À travers ce recueil de poésie, on ressent une sorte d’amour-haine qu’éprouve le poète envers cet archipel qui l’a vu naître. Mutsa est le diminutif de la ville de Mutsamudu (Anjouan). Mutsa évoque son amour-haine pour cette ville d’où a émergé l’une des formes les plus tragiques du séparatisme comorien.
« La révolte des voyelles » est une de ses nouvelles les plus connues. Un homme a décidé de ne pas rester en France et revenir dans son pays, malgré la misère, pour partager son savoir et militer aux côtés des siens pour libérer la patrie de ses oppresseurs blancs.
Aboubacar Saïd Salim était aussi connu comme romancier, professeur de littérature et critique littéraire. Il était un vrai poète, dans sa manière d’être, comme dans ses écrits.
« Abou était ce prof de lettres dont les connaissances, la sensibilité et l’aura faisaient l’admiration de tous ses élèves et le froncement de sourcils de certains collègues un tantinet jaloux », a posté son collègue et ami Mohamed Toihiri sur sa page Facebook. C’est dire qu’il était respecté. Dès sa jeunesse, il aimait la lecture et l’écriture. Ses immenses connaissances en littérature en témoignent. La richesse de ses œuvres également. Selon ces élèves, c’était un grand enseignant et pour son ami et collègue Mohamed Toihiri, « le meilleur d’entre nous. »
Il ne s’était pas seulement distingué dans la littérature. Pendant sa vie d’étudiant, il a été un révolutionnaire et un engagé politique. Il militait pour une société moins inégalitaire, pour un pays souverain et pour la justice sociale. Il a lutté contre les mercenaires. Et même quand il a été emprisonné et torturé, il n’avait pas renoncé à sa lutte.
Aboubacar Saïd Salim était un homme qui prêtait main-forte à qui en avait besoin. Surtout un confrère ou un militant. Il soutenait les jeunes écrivains et les aidait à trouver leur voie.
« Notre relation était fondée sur l’amour de l’écriture et de la poésie. Nous étions, en quelque sorte, complices pour de l’art engagé, en vue de briser les chaînes de l’ignorance et de l’exploitation. Nous partagions la même vision pour le changement de notre pays en vue d’une vie d’ensemble autrement », explique son ami Dini Nassur.