Avec l’opération Wuambushu qui signifie « provoquer », la France officielle, continue à montrer son vrai ADN : la violence. Parce que l’histoire entre la France et les Comores s’est construite sur une base caractérielle de sang, de mépris, de violences verbales et physiques. Elle constitue la mémoire collective de ce jeune pays. Les comportements et agissements de la France coloniale dans cette partie du monde soulignent sa détermination à s’implanter et exploiter la terre, la mer et les braves gens de ces quatre îles dès le XVIe siècle. L’esclavage, instrument de domination morale et physique, y fit son apparition surtout au XVIIe siècle. Son extraordinaire particularité de traite et d’exploitation des hommes a réellement explosé à partir de l’installation des Européens dans l’océan Indien. Ils déportaient hommes, femmes et enfants vers les Mascareignes où ils étaient vendus comme du bétail (Yahaya S., 2013 ; Toibibou I., 2014). L’empire colonial ne s’est jamais bien porté. Mieux encore, n’a jamais bien instauré ses diverses puissances de culture de l’effacement dans cette atmosphère de haine de l’autre, d’invisibilisation et de séparation. Ce qui est appelé par les historiens, les « Politiques de l’inimitié » (Mbembe, 2016).
Par A. A. Bassur Ismael
Du transfert du chef-lieu
Les manœuvres et décisions, comme le transfert du chef-lieu de l’archipel de Dzaoudzi à Moroni, ont dissimulé les vices et malices de l’administration française suivant des trajectoires politiques de déstabilisations programmées. Ce transfert du chef-lieu considéré par les Maorais comme le point de rupture avec les autres îles a été imputé à Said Mohamed Cheick. Alors que les historiens parlent d’une volonté de l’administrateur supérieur (Mattoir, 2004). Les Maorais ont cru à cette version partielle de leur histoire. La rupture politique avec l’ensemble de l’archipel fut consommée. L’organisation de la consultation du 22 décembre 1974, puis la départementalisation de 2009, concordent avec ce que les partis politiques Maorais revendiquaient déjà à savoir, leur continuum administratif colonial. La question principale de cette consultation concernait la prise de l’indépendance ou non pour l’ensemble de l’archipel. Mais celle-ci a subi une transformation profonde pour concerner uniquement le suffrage exprimé dans chaque île. La session ordinaire du Sénat 1974-1975 n° 388 présentait ce scénario.
Déterminée à s’implanter au carrefour du canal de Mozambique où les grands pétroliers transitent, la France trouve un point stratégique pour s’agrandir territorialement et s’enrichir. Car, celui « qui tient la mer tient le commerce du monde, tient la richesse, tient le monde ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même » (Royer, 2014).
Les exactions à Zanzibar et à Madagascar
Cependant, dans les années 1950-1960, la migration comorienne était beaucoup plus dirigée vers Zanzibar. Elle représentait 1.1 % de la population locale. Soit, environ 15.000 âmes composées en majorité de fonctionnaires et de commerçants. En 1964, une révolution menée par le mercenaire Ougandais John Okello éclata. Elle amena au pouvoir Amani Abeidi Karume. 600 freedom fighters faisaient régner la terreur et attaquaient les communautés dites musulmanes, notamment la communauté comorienne considérée à la fois comme arabe et française. Le nouveau gouvernement invita les Comoriens de Zanzibar à prendre la nationalité zanzibarite et renoncer à la citoyenneté française. Dans cette ambiance particulière, 15 Comoriens ont trouvé la mort et 30 autres blessés dans la seule nuit du 11 au 12 janvier 1964 sans compter le nombre important de prisonniers (Toibibou, 2006). La France a été saisie par le ministre des Affaires étrangères d’alors pour organiser urgemment le rapatriement de ses concitoyens (106 personnes). La réponse n’était pas satisfaisante. Alors, les disparitions devinrent constantes et des menaces pesèrent sur les prisonniers. Des jeunes torturés en prison se défenestrèrent pour en finir avec leurs souffrances.
La proclamation de l’indépendance en 1975 sans l’accord réel de la France n’a pas facilité les relations diplomatiques entre les deux pays. L’arrivée au pouvoir du Mongozi Ali Soilih dans la même année et la rupture définitive avec Paris toucha l’orgueil français. La Françafrique a pris son bâton de pèlerin. Matignon l’a organisée et déployée dans ces îles : coup d’État chronique, assassinats permanents et érection de frontières par l’instauration injuste du visa Balladur qui aurait fait plus de 10.000 morts dans le bras de mer entre Anjouan et Mayotte. Le pogrome anti Comoriens de 1977 à Madagascar a été qualifié par le gouvernement révolutionnaire malgache de manœuvre perpétrée par l’impérialisme et ses valets de l’intérieur, une provocation pour semer définitivement la division entre les Comoriens de Mayotte et ceux des autres îles (Le Monde, 01 janvier 1977). Le gouvernement comorien a pu dénombrer 1974 tués et des centaines de blessés sans compter les milliers de rapatriés.
L’histoire se répète-t-elle à Mayotte ?
Souvenez-vous qu’entre 1940 et 1944, la France a collaboré avec l’Allemagne nazie pour des actes antisémites. André Larané les nomme, « Les années noires de la collaboration ». L’histoire ne nous aide pas aujourd’hui. Elle nous permet de constater et de nous poser les questions suivantes : pourquoi ? Qu’est-ce que la France vise ? Elle vise à déporter un peuple de ses terres ? Un peuple avec qui elle a des liens de sang, d’amitié et de culture ?
Rappelons qu’en 1975, le ministre comorien de l’Économie, M. Said Athouman a déclaré que « la France et l’Archipel ont un passé commun qui doit influer sur l’avenir. L’un est le père, l’autre le fils. Le maintien d’une étroite coopération va dans l’intérêt des deux pays ». En 2019, le ministre des Affaires étrangères, Mohamed El-Amine Souef, signe des accords-cadres avec la France pour stopper les migrations provenant des trois autres îles des Comores vers Mayotte.
Cet état d’esprit alimente les relations entre ces deux nations. Telle est la vision des gouvernants d’hier et d’aujourd’hui qui n’est pas forcément celle du peuple en phase de son temps, formé, en quête de paix, et de sérénité. Celui-ci aspire comme tous les peuples du monde à la vie, et au respect de la dignité humaine. Ce peuple est jeune. Il a moins de 40 ans et vit dans le monde, vit avec le monde surtout il suit l’actualité africaine.
Le rejet de la France dans beaucoup de pays africains peut avoir un écho retentissant dans la société comorienne d’aujourd’hui. Mais cette société refuse les amalgames parce qu’ils sont les soupapes constitutives d’un environnement semblable à la jungle et qui institue la loi du plus fort et autres lois injustes. Saint Augustin a dit : « à une loi injuste, nul n’est tenu d’obéir ». Ce qui veut dire que le peuple comorien a le droit et même le devoir de résister. Priez pour qu’il choisisse cette solution.