Depuis plus d’un an, sur le réseau social Facebook, notamment dans la sphère comorienne, on assiste à la naissance d’un mouvement dénommé UWANGA (« Renaissance »). Ce mouvement met en avant la culture comorienne et veut faire revivre le meilleur de celle-ci. Propos recueillis par Natidja HAMIDOU
Masiwa – D’où vient l’initiative de créer ce mouvement de « Renaissance comorienne », UWANGA ?
Soilahoudine Saandi – L’association Uwanga, qui est par ailleurs un mouvement, un esprit à adopter, a été fondée à l’issue d’un appel lancé par notre frère Abderemane Wadjih. Il organisait seul des directs culturels et des ziara (NDLR : visites dans des lieux historiques) dans nos villes et villages comoriens pour permettre au plus grand nombre de découvrir les richesses culturelles de notre pays ainsi que les rouages de notre culture (au sens anthropologique).
Le mouvement Uwanga existe depuis plus d’un an, mais en tant que structure associative, c’est seulement depuis un mois.
Masiwa – Pourquoi le concept UWANGA ?
Soilahoudine Saandi – Uwanga est d’abord un simple verbe utilisé à Ngazidja pour parler de l’éclosion d’un œuf. Il signifie tout simplement « éclore » comme dans Le djwayi liwanga. Ce verbe renvoie donc à l’idée de naissance.
C’est ce même terme Uwanga qui est repris, cette fois en tant que concept, pour désigner ce mouvement. Cet esprit nouveau qui consiste à partir à la recherche de notre histoire, de notre identité, de notre culture pour mieux les connaître, se les approprier afin de mieux nous préparer à appréhender le présent comme le futur.
Uwanga, dont l’appellation adéquate devrait être ndo uwanga, s’inscrit donc, à quelques égards, dans la même démarche que la Rinascita italienne ou la Renaissance française ou la négritude dans la mesure où, il prône, ouvertement l’idée d’une remontée aux sources et celle d’un renouveau, d’un nouvel essor de la culture comorienne dans sa globalité et dans tous ses composants au premier rang desquels l’homme lui-même tant il est vrai que la culture n’est pas une réalité autonome que l’on peut considérer indépendamment de ses acteurs. Tout renouveau culturel implique indéniablement un renouveau de l’homme lui-même, une prise de conscience de ce qu’il est, un examen de son passé, de son histoire, de sa culture, de ses traditions afin de les préserver ou parfois, les « éliminer », tout au moins les extirper de tous les facteurs de nature à entraver son épanouissement et son implication au monde.
Masiwa – Quels sont les objectifs principaux ?
Soilahoudine Saandi – Les objectifs à atteindre sont de rechercher, sauvegarder et promouvoir la culture comorienne. En filigrane, il y a l’idée de voir éclore un nouveau Comorien qui maîtrise son destin, et qui, après avoir expurgé sa culture de toutes aberrations inhérentes, se sert du meilleur de celle-ci. Il ne s’agit pas de s’enfermer ni de prôner un monde révolu.
Masiwa – Est-ce que vous n’avez pas peur qu’on vous reproche de vouloir vivre dans le passé et de considérer que celui-ci est forcément mieux que le présent ?
Soilahoudine Saandi – Nous reprocher de vouloir vivre le passé, c’est d’une part ignorer l’essence même de notre mouvement, c’est ignorer le nom que nous portons. Le mot « Uwanga » ne renvoie pas au passé, mais toujours au présent voire au futur. « Uwanga », c’est « éclore », « naître ». Comment peut-on (re)naître au passé ? D’autre part, désirer connaître son passé ne signifie pas vouloir le revivre. Sinon, cela signifierait que toutes les recherches menées pour connaître le passé de Jules César ou Hitler seraient l’expression d’une forme de nostalgie des guerres sanglantes qu’ils ont menées. Ce serait une vision très réductrice de l’histoire. Vouloir connaître son passé, c’est tout simplement manifester le désir de mesurer le chemin parcouru, tirer les écueils du présent pour pouvoir envisager un avenir amélioré. Il ne s’agit pas de modèle du passé dans un contexte temporel, voire spatial, différent. Enfin, nous sommes conscients que par ignorance, on a tendance, partout, à magnifier le passé et répéter « avant c’était mieux ». C’est une simple vue de l’esprit. En effet, de même que tout le présent n’est pas parfait, le passé ne l’est pas. Cependant, il n’est aucun doute qu’un certain nombre de savoirs du passé puissent toujours être utiles ou, tout au moins, constituer une base à partir de laquelle on peut évoluer. Le passé, tant qu’il n’est pas connu ou étudié, nettoyé de certaines aberrations, restera un poids qui empêchera le présent de s’accomplir. Continuer à ignorer la question de l’esclavage aux Comores et ne pas assumer ce passé reste, par un exemple, un facteur trouble et troublant aujourd’hui. C’est dire que cette vision d’un « passé merveilleux » est absolument à combattre.
Masiwa – Quelles sont les activités réalisées depuis la fondation de ce mouvement ? Quels sont les projets en cours ?
Soilahoudine Saandi – Nous avons identifié certains sites et monuments historiques. Nous avons un répertoire sur les variétés de poissons, plantes, bananes, maniocs,… Il y a eu une réhabilitation d’une digue à Mohéli. Un travail de sensibilisation a été mené toute l’année. Quant aux projets en cours, nous envisageons d’une part la réhabilitation de la tombe de Ntimbe Mlanao, les tombes de Masimu et Mtsala,…), d’autre part concevoir un livre des proverbes comoriens ainsi que la création d’un orchestre national de toirab sans oublier le Projet Djahazi. Pour ce dernier, il s’agira de la production des Djahazi, mais aussi leur réhabilitation.
Masiwa – Où se trouve le siège d’UWANGA ?
Soilahoudine Saandi – Le siège se trouve en France. Une antenne est en train d’être mise en place à Ngazidja et nous prévoyons de le faire dans les autres îles, voir même dans d’autres pays comme le Maroc…
Masiwa – Quels sont les critères exigés pour devenir membre d’UWANGA ?
Soilahoudine Saandi – Il y a trois critères : la volonté d’en faire partie, prendre sa carte d’adhésion et savoir que l’association est apolitique.