Après la mort d’une femme enceinte et du bébé qu’elle portait, la Diaspora de Tsembehou (Bambao Mtrouni) se mobilise pour équiper les Centres de santé de sa localité d’une ambulance. Sans aucune aide du gouvernement. Par Nezif-Hadj Ibrahim
L’on meurt ! Et la raison en est que le centre de santé de Tsembehou et celui de Chandra ne sont pas dotés d’une ambulance pour mieux accomplir leurs missions. Pourtant, la santé fait partie des charges de l’État et le gouvernement est censé s’en occuper. Malheureusement, ce n’est pas le cas et c’est ce qui a amené la Diaspora de Tsembehou à se mobiliser pour pallier la défaillance des autorités publiques après qu’un médecin de Bambao Mtrouni a lancé sur Facebook un appel à l’aide.
Le service public hospitalier forme un ensemble. Il ne s’agit pas seulement de prodiguer des soins. Il y a aussi la question des conditions de la prise en charge qui implique que le service doit être mieux équipé. Et c’est le rôle des responsables politiques de déployer les moyens nécessaires pour l’hôpital public afin d’offrir des soins de qualité.
À Tsembehou et Chandra, l’absence d’une ambulance rend difficile le fonctionnement des établissements publics de santé jumelés de Bambao Mtrouni.
L’absence d’une ambulance.
L’équipement est déterminant pour le service hospitalier, indispensable pour que son activité s’exerce efficacement. C’est ce que souligne un médecin originaire de la localité, souhaitant garder l’anonymat. « Les capacités de l’hôpital sont limitées. Le fait que l’hôpital ne dispose pas d’une ambulance engendre des difficultés notamment dans l’évacuation des malades. Non seulement on utilise des voitures de particuliers pour transporter les malades soit à Hombo soit à Bambao Mtsanga, ce qui est déjà problématique, mais aussi que la police arrête ces véhicules, ce qui ralentit le processus d’évacuation. L’état de santé du malade est toujours en danger ». La situation est préoccupante pour l’usager-citoyen de la commune. Cependant cela ne semble pas attirer l’attention des autorités puisque, selon le même médecin, « ça fait plus de dix ans que l’hôpital ne possède pas d’ambulance alors que les appels à l’aide ont été lancés à l’endroit de l’État sans succès ». Alors que c’est un facteur non négligeable pour la gestion du service public de la santé, peste-t-il. Toutefois, machinalement, c’est encore d’une initiative communautaire que semble venir le salut.
La diaspora de Tsembehou au secours de son hôpital
Les autorités publiques étant indifférentes aux peines que cause le manque d’ambulance, un médecin qui travaille au centre de santé de Tsembehou a lancé un cri de détresse vers les ONG, associations et à la Diaspora. C’est cette dernière qui s’est saisie avec un vif enthousiasme de la plainte. Pour Assitaoui Toibourani, membre de la commission de la diaspora chargé du projet d’achat de l’ambulance pour l’hôpital, c’est d’abord une question morale et d’humanité puisque c’est dans une profonde tristesse qu’il a appris récemment le décès d’une femme enceinte à l’hôpital de Hombo et de son bébé. La femme avait été transportée dans un véhicule privé qui ne bénéficiait pas du statut de véhicule d’intérêt général prioritaire grâce auquel certains véhicules ont un droit de passage prioritaire. Le transfert étant ralenti en cours de route, et souvent par la police, la femme enceinte est arrivée à l’hôpital de Hombo avec déjà des complications liées au retard. Elle n’a pas survécu. Assitaoui Attoumani déclare alors dans un ton ému « il est temps de sauver nos concitoyens, et il ne faut plus attendre les gouvernements parce qu’ils se succèdent à la tête de l’État sans qu’aucun daigne prêter attention à cette situation macabre ». Il rappelle que cette démarche n’est pas isolée puisque même dans l’île sœur de l’archipel, à Ngazidja, ce sont les communautés des villes et villages qui se préoccupent plus des questions essentielles de la vie sociale sans attendre que l’État s’acquitte de ces tâches qui relèvent de ses missions élémentaires. Cela pour rappeler que le problème est plutôt national.
Pourtant, un cadre légal accompagne l’action de l’Etat. La loi fondamentale met à sa charge une obligation de moyens dont la finalité est d’inciter le gouvernement à s’organiser afin de répondre à des droits-créances reconnus à ses citoyens.
Dans tous les cas, la diaspora de Tsembehou est déterminée à procéder à l’acquisition de l’ambulance. L’équipement est attendu dans les prochains jours aux Comores. S’annonce alors un répit après des décennies de drames.
Quid des droits-créances en faveur des citoyens qui oblige l’État à satisfaire des besoins essentiels comme la santé ?
La question semble s’imposer en ce sens que le droit à la vie, à la santé, à la sécurité implique que l’État s’évertue à les satisfaire, puisque c’est l’essence même de son existence. On peut dire que l’article 42 de la Constitution de l’Union des Comores le dédouanerait de cette charge dans la mesure où il est disposé que les autorités publiques peuvent « encourager et soutenir la participation de la communauté aux différents niveaux des services de santé » sauf que le même article prévoit que l’État doit « assurer un service national de santé généralisé ». Ce qui nous amène à nous questionner sur la responsabilité des autorités comoriennes par rapport aux morts qu’occasionne l’absence d’ambulance dans les Centres de Santé de District de Tsembehou et de Chandra.
La question se pose surtout au regard du comportement du gouvernement depuis quelques années. Il organise des évènements dépensiers que l’opinion publique considère davantage comme des coups de communication que des cérémonies répondant à l’exigence qui lui demande d’assurer l’intérêt général. Le sujet vient encore d’être soulevé sur le réseau social Facebook quand on voit les autorités s’afficher en jubilant à l’expo de Dubaï 2020 en nombre alors que la réalité des Comoriens est matraquée par la dureté de la vie chère. Les autorités dansent pendant que les citoyens meurent.