L’avocat est un auxiliaire de justice, dont la mission consiste à assister et à représenter en justice une personne qui se présente à lui et à défendre ses intérêts devant les différentes juridictions. Mais il est par-dessus tout, un professionnel du Droit qui exerce une profession libérale, c’est-à-dire une profession exercée de façon indépendante, une activité qui a pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mis en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou de déontologie professionnelle.
Aux Comores, le métier d’avocat est régi par la Loi N°08/AU du 23 juin 2008 portant organisation de la profession d’avocat en Union des Comores. En vertu de cette loi, n’est pas avocat celui qui le souhaite. Des conditions bien définies sont préalablement exigées. Pour pouvoir enfiler le costume d’avocat et avoir le privilège de plaider des affaires devant les différentes juridictions de l’Union des Comores, il faut passer par des étapes qui ne sont pas des moindres. Tout d’abord on doit en principe être une personne intègre faisant preuve d’une bonne moralité ; la profession tient compte de l’intuitu personae. Ensuite, posséder un « vrai diplôme » de Droit, Maitrise ou Master1 pour pouvoir postuler au précieux sésame qu’est le CAPA (Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat). Sans lequel, il faut oublier le rêve de se tenir debout devant un Magistrat pour défendre quelqu’un. Faire une croix sur le rêve de ressembler à Harvey Specter (pour les amateurs de la série). Ce sont les articles 14 et 15 de cette loi qui le disent. Mais comme tout trésor, ce certificat ne se ramasse pas dans un coin malfamé de la rue d’à côté, c’est par un examen qu’on l’obtient. Un examen (rarissime dans la pratique) est en principe organisé par le ministère de la Justice sur proposition du conseil de l’Ordre (toujours selon l’article 14 de ladite Loi). Le législateur a aussi préconisé un examen d’aptitude au stage au début de l’année judiciaire à défaut de celui du CAPA. Cela, c’est la théorie bien entendu.
D’un point de vue général, les examens ou concours d’accès à un certain nombre d’emplois, libéraux ou publics confondus sont d’une grande rareté en Union des Comores. Mais, il n’est pas toujours nécessaire de passer par les dispositions précédentes pour brandir le glaive de la justice du côté des « innocents ». Les juristes le savent, car on leur apprend cela depuis la première année de fac: le Droit est fait de principes et d’exceptions. Ainsi, un ancien magistrat peut demander à être inscrit au Tableau de l’Ordre s’il remplit bien sûr les critères édictés par la loi. Cette dernière dispose dans son article 25 ceci : «Les anciens magistrats des cours et tribunaux ayant au moins cinq ans et au plus dix ans d’exercice effectif de leur profession peuvent demander, sans condition de stage et sans avoir le CAPA, leur inscription au Tableau de l’Ordre ». Un docteur en Droit peut lui aussi devenir avocat sans passer par l’examen d’entrée au Barreau ni stage s’il a exercé pendant trois années effectives. (Article 16).
Par ailleurs, le métier d’avocat fait souvent l’objet, à tort, d’une controverse. Beaucoup de gens pensent que l’avocat ne pense qu’à ses honoraires quitte à mépriser la loi. Ils le confondent même à un homme de main. Ce qui n’est pas tout à fait le cas. En tout cas, au regard de son serment. « Je jure de remplir dignement et loyalement ma mission en veillant au respect strict des règles de mon ordre et de ne jamais m’écarter du respect dû à la justice et aux institutions » (Article 17). L’avocat n’a pas comme mission de gagner à tout prix. Il doit aussi et surtout respecter la loi, l’éthique et la déontologie de sa profession. C’est d’ailleurs dans ce cadre-là que le Conseil de l’Ordre trouve l’une de ses principales missions. Il sanctionne tout avocat qui manque à ses obligations. « Le Conseil de l’Ordre siégeant comme Conseil de discipline poursuit et sanctionne les fautes commises par les avocats inscrits au Tableau et sur la liste du stage » (Article 48). Le conseil siège d’office pour la sanction ou à la demande du procureur général près la Cour d’Appel (Article 48). Les sanctions disciplinaires qu’encourt un avocat à qui on reproche un écart peuvent être : l’avertissement, la réprimande, l’interdiction temporaire, laquelle ne peut excéder deux ans, la radiation du tableau des avocats ou de la liste du stage (Article 49).
L’actualité juridique et judiciaire nous offre un cas d’école. Le procureur général près la Cour d’Appel a demandé à l’Ordre des avocats de sanctionner Me Mahamoud pour motif de non-respect de la justice. On reproche à l’avocat de l’ancien Rais, Ahmed Abdallah Mohamed samedi un mépris envers l’appareil judiciaire. Il aurait remis en cause l’intégrité, l’impartialité et l’équité de celui-ci. Pour ce qui est de la demande du procureur, c’est son droit. Comme on l’a dit ci-dessus, il peut saisir l’Ordre s’il estime qu’un avocat ne s’est pas conformé à la loi. Quant à ses motivations, c’est à l’Ordre d’apprécier. Par contre, il y a hic dans la requête du procureur général. Pour établir le bien-fondé de sa demande, il a cité l’article 37 de cette loi. Or, ce fameux article qui contient en tout 11 points dispose dans le neuvième que le Conseil de l’ordre a pour attribution d’exercer la discipline dans les conditions prévues par les articles 48 à 51(des articles du chapitre V consacré à la discipline) de la présente loi ; les décrets pris pour son application et le règlement intérieur. Et il se trouve qu’il n’existe pas un règlement intérieur du Barreau. Plus encore, le Conseil de l’Ordre qui était composé de 9 membres est maintenant réduit à 5, après la démission de 4 membres, sans qu’aucune élection ne soit organisée pour le compléter. À se demander comment, diminué qu’il est, il peut statuer sur quoi que ce soit. Après, tout est possible selon la direction du vent.
Il convient également de dire que parmi les obligations de l’avocat, il y a la loyauté envers son client. Dans les règles. Ceci dit, les difficultés de l’affaire ne doivent en aucun cas le démotiver. Le dossier aura beau être complexe, une fois qu’il s’est engagé, il doit au mieux défendre les intérêts de la personne qu’il représente. Même par rapport à ses propres intérêts ou ceux de ses confrères, le client prévaut. Sans oublier le fait qu’il peut aussi se séparer de son client en cas de désaccord sur les positions à tenir ou tout simplement pour une perte de confiance. Des règles sont également à observer dans ce cas de figure.
Pour finir, le métier d’avocat s’observe selon la personne qui l’exerce. Comme disait Mario Puzo (Le Parrain) : « Un avocat avec sa serviette de cuir peut rafler plus gros que cent truands avec leurs révolvers ».
Par Mounawar Ibrahim, juriste