Le XXIe siècle, siècle des avancées et des innovations est marqué par les révélations de nombreux viols partout dans le monde. Certains osent même justifier de tels actes de barbarie ou même défendre ou tenter d’expliquer des comportements aussi ignobles, à l’exemple de l’affaire de Mazan. L’idée même que l’on puisse droguer une personne pour l’exploiter de manière aussi abjecte révèle à quel point une part de notre éducation collective a échoué.
Par HOUDAIDJY SAID ALI? Juriste Publiciste et Internationaliste, Paris – France
Le viol n’est pas une tragédie limitée à une région spécifique. Il est un fléau mondial, affectant chaque coin du globe. Il existe bien d’autres atrocités dont il faudrait parler.
L’émancipation des droits de la femme
Les Comores, un État africain de tradition musulmane, possèdent une riche culture et des coutumes ancestrales. Le gouvernement comorien s’efforce depuis plusieurs années de hisser le pays au niveau des standards internationaux en matière de gouvernance, notamment en mettant l’accent sur les libertés fondamentales. Une série d’instruments juridiques, tels que la Charte des Nations Unies, la Charte de l’Union africaine et le Protocole de Maputo de 2003, ont été signés et ratifiés. Toutefois, il faut reconnaître qu’il existe une grande distance entre l’adoption de ces textes et leur mise en œuvre effective. Il est essentiel, dans ce contexte, d’examiner comment le viol est perçu et combattu aux Comores, un pays profondément attaché à ses traditions et à sa culture.
D’abord, il est nécessaire de souligner la pression à laquelle l’État est soumis dans cette lutte contre le viol. Certains peuvent reprocher aux autorités de ne pas accorder assez d’attention à ce fléau. Cependant, de nombreux mécanismes juridiques garantissent déjà la protection des droits des femmes. Le véritable problème ne réside pas tant au niveau de l’État qu’au sein de la population elle-même. Il s’agit d’une responsabilité partagée : l’État ne peut imposer de manière trop brutale l’application des lois et des réformes. L’histoire nous enseigne d’ailleurs que l’ancien président Ali Soilihi, bien qu’étant un visionnaire, a échoué en voulant imposer des changements à une population qui n’était pas prête, ce qui a conduit à sa chute. Aujourd’hui, le gouvernement comorien avance avec prudence, ne pouvant pas imposer brutalement ses réformes à une société ancrée dans des normes morales défaillantes et une ignorance presque totale des droits humains.
Ainsi, les Comores, bien que dotées d’un cadre légal moderne, doivent encore composer avec une population majoritairement attachée à sa religion, sa culture et ses traditions, parfois au détriment des droits fondamentaux.
Un grand nombre de Comoriens manquent de respect envers les femmes, certains allant même jusqu’à tenir des propos déplacés à leur égard. Avant d’aborder la condition féminine en général, il est essentiel de revenir sur la place qu’occupe la femme dans la société comorienne.
On se rappelle que le gouvernement a été vivement critiqué lorsque la diva Samra a été invitée à interpréter l’hymne national lors de la fête de l’indépendance. Cette initiative a été répétée plus tard avec la chanteuse Malhat, et a provoqué une vive réaction de la part des religieux et des esprits fermés, souvent misogynes, qui n’ont pas hésité à associer le président Azali à cette décision. Pourtant, ce dernier, engagé dans la promotion de la représentation féminine, n’a cessé de mettre en lumière la présence des femmes dans l’administration et la politique du pays. Ainsi, nous avons vu des femmes occuper des postes clés tels que celui de gouverneur, avec Sitti Farouata Mhoudine à la tête de l’île de Ngazidja et Chamina Ben Mohamed à Mohéli. De même, Loub Yacout Zaidou a été ministre de la Santé, sans oublier Fatima Ahamada, la toute Première ministre de la Promotion du genre, de la Solidarité et de l’Information, et porte-parole du gouvernement. Cette progression s’inscrit dans la vision du Président Azali Assoumani, qui a souligné, lors du concours national de chant “Nyora”, la capacité des femmes comoriennes à se distinguer. En effet, parmi les trois dernières éditions, deux des finalistes étaient des femmes, preuve de leur potentiel remarquable.
Du sexisme au viol
Cependant, malgré cette avancée au sein des institutions, la situation des femmes au sein de la population comorienne demeure préoccupante, notamment dans le cadre du mariage. Aux Comores, la femme a souvent une influence limitée, et sa valeur semble parfois réduite à son rôle de future épouse et mère. Les parents perçoivent souvent leur fille comme une source de revenus. Dès son plus jeune âge, elle est surprotégée non par souci de son avenir, mais pour préserver sa virginité, qu’ils considèrent comme un capital à offrir à son futur mari. Bien que cela puisse être perçu comme honorable selon les normes religieuses et culturelles, ces pratiques restent inhumaines. Une grande partie de ces mariages sont forcés, la jeune fille n’ayant pas son mot à dire. Ce qui intéresse surtout les parents, c’est l’image qu’ils renverront et l’argent que leur apportera le prétendant. Ils ne se soucient guère du bien-être de leur fille ni de savoir si elle sera heureuse dans son futur foyer. Cette indifférence conduit souvent à des violences conjugales, car la femme, privée d’amour, refuse parfois de se soumettre à son mari. Au lieu de valoriser le bonheur de leurs enfants, certaines familles ne se préoccupent que de l’honneur et de l’argent, ce qui constitue une forme de “viol organisé”. Aujourd’hui, un véritable affrontement oppose les jeunes plus progressistes aux tenants d’une culture patriarcale qui justifie de telles pratiques, s’inscrivant dans une sorte de culture du viol.
La société ne peut tolérer qu’à Moroni, une jeune femme s’habille selon ses envies, bien que certaines tenues puissent déroger aux convenances sociales. Cependant, cela ne justifie en aucun cas le sexisme dont elles sont victimes. C’est un véritable fléau. Les femmes doivent se restreindre, éviter certains quartiers, certains chemins, car elles sont inévitablement soumises au jugement. Le Comorien, par ses propos, tend à sexualiser tout comportement, et cela n’épargne pas les jeunes femmes, même de la part d’hommes d’âge mûr, pères de famille.
En outre, il est nécessaire de dire que plusieurs de ces pères de famille ont commis des actes ignobles, violant parfois même leurs propres enfants. La femme comorienne subit des comportements inacceptables de la part de frères, d’oncles et d’autres figures masculines proches. La société ne peut tolérer qu’à Moroni, une jeune femme s’habille selon ses envies, bien que certaines tenues puissent déroger aux convenances sociales. Cependant, cela ne justifie en aucun cas le sexisme dont elles sont victimes. C’est un véritable fléau. Les femmes doivent se restreindre, éviter certains quartiers, certains chemins, car elles sont inévitablement soumises au jugement. Le Comorien, par ses propos, tend à sexualiser tout comportement, et cela n’épargne pas les jeunes femmes, même de la part d’hommes d’âge mûr.
En outre, il est nécessaire de dire que plusieurs de ces pères de famille ont commis des actes ignobles, violant parfois même leurs propres enfants. La femme comorienne subit des comportements inacceptables de la part de frères, d’oncles et d’autres figures masculines proches. Pourtant, que peuvent-elles faire ? La majorité des viols sont étouffés par ces mêmes familles, sous prétexte que la dénonciation apporterait la honte. Ainsi, on demande à la victime de se taire, de rester silencieuse, suivant les mauvais conseils de son entourage. Et même lorsque la justice est saisie, ces affaires sont souvent classées sans suite, laissant les victimes dans une profonde détresse, parfois exposées à la honte publique, au point que certaines, fragiles, choisissent de mettre fin à leurs jours.
Aux Comores, une mentalité persiste : certains hommes considèrent la femme comme leur propriété. Ce paradigme est enraciné dans l’idée que leur statut social ou leur argent leur permet de tout se permettre. Ils se permettent d’aborder des femmes en public, affichant ostensiblement leur voiture, leur smartphone, et leur vie de luxe superficielle. Pire encore, une fois mariées, les femmes se voient souvent privées de leur droit de refuser des relations sexuelles. Le Comorien peine à comprendre qu’une femme puisse ne pas désirer son mari à un moment donné, car, dans son esprit, le mariage lui donne droit à des rapports selon son bon vouloir. Cette vision archaïque doit évoluer. Une femme n’est pas un objet sexuel. Elle a le droit de donner librement son consentement, et le refus de cet acte intime est un droit qui doit être respecté. Le mariage implique des obligations, certes, mais un refus légitime de la part de l’épouse et peut donner lieu à un divorce, si le mari le souhaite. Cependant, il est clair que le viol, même dans le cadre conjugal, est inacceptable. Sans consentement, il s’agit d’un viol, peu importe la situation.
Il est crucial de reconnaître que la femme n’est pas un objet inanimé et que le silence qu’elle garde face aux abus est souvent motivé par la peur, non par l’approbation. La société comorienne, en rendant difficile la situation des femmes divorcées, les enferme parfois dans des foyers où elles sont maltraitées, violées ou battues. Pour y remédier, il faut encourager leur émancipation, notamment en abolissant les mariages forcés et en favorisant les unions basées sur le consentement mutuel. De plus, une meilleure interprétation des préceptes de l’islam s’impose pour promouvoir l’équité et le respect entre homme et femme : le Coran valorise la femme et n’accorde aucun droit à l’homme de régner en tyran. La force physique de l’homme le désigne comme protecteur, non comme oppresseur, tandis que la douceur de la femme assure l’harmonie familiale. Cette complémentarité naturelle est le fondement d’une cohabitation équilibrée et respectueuse, que l’islam appelle de ses vœux et que la société doit préserver.
Éduquer pour l’égalité
Pour bâtir une société comorienne juste et égalitaire, il devient essentiel de réaffirmer l’importance de l’éducation et de la sensibilisation. Et cela commence à l’école.
L’une des initiatives marquantes peut-être l’imposition du fait que chaque garçon soit assis à côté d’une fille. Cette simple mesure peut contribuer à forger une génération d’élèves conscients de l’égalité et du respect mutuel, préparés à rejeter les discriminations de toutes sortes. Par ailleurs, des œuvres littéraires telles que « Sous l’orage » de Seydou Badian peuvent également enrichir notre compréhension des valeurs humaines.
Plus récemment, lors d’un entretien avec Fatima Ahamada, ministre de la Promotion du Genre, j’ai pu constater la détermination et l’engagement de son ministère dans la lutte contre les violences faites aux femmes et la promotion de l’égalité des sexes. Cette ancienne journaliste s’est lancée dans une campagne de sensibilisation destinée aux écoles comoriennes, afin de promouvoir les valeurs humaines et l’égalité dès le plus jeune âge. Ce programme, en plus de sensibiliser, vise à renforcer l’enseignement civique pour transmettre aux jeunes une éducation qui les prépare à vivre ensemble avec respect et justice.
Les efforts doivent aller au-delà de l’école. Il s’avère nécessaire de sensibiliser les parents aux pratiques éducatives qui valorisent l’égalité et de renforcer le soutien de la justice pour les femmes victimes de violences. Le mariage forcé, une pratique qui persiste dans certaines familles, doit être banni en affirmant l’importance du consentement libre. L’autonomisation des femmes représente également un pilier de cette démarche : chaque femme doit savoir que la liberté et l’indépendance sont des clés essentielles pour vivre dignement et selon ses propres choix.
C’est ainsi qu’il est possible de mettre en place une société où chaque femme, chaque homme est respecté pour ce qu’il est, où les violences et les discriminations n’ont plus leur place. Les Comores peuvent aspirer à un avenir où l’égalité n’est plus une aspiration, mais une réalité vécue au quotidien. Il est possible de mettre en place cette éducation pour les générations futures.