Située dans le centre de l’île d’Anjouan, Tsembéhou compte une population estimée à plus de 12 472 habitants. Elle fait partie des cinq grandes villes de l’île d’Anjouan. Sa situation géographique la rapproche des lieux touristiques les plus prisés d’Anjouan, par exemple la nouvelle route nationale passant par Dindri et allant jusqu’à Lingoni, le mont Tringi et le lac Dzialandzé. Elle est donc bordée par l’une des plus grandes rivières de l’île. Plusieurs ruisseaux se forment lorsqu’arrive la saison des pluies, et ils recomposent le paysage hydrologique d’Anjouan. Ce qui favorise l’agriculture, même celle qui est saisonnière, comme celle des litchis et des pois d’angole.
Par Naenmati Ibrahim
Une localité devenue un pôle économique
La ville se trouve à près de 20 km du chef-lieu de l’île d’Anjouan, Mutsamudu. Sa position est devenue stratégique depuis le régime d’Ikililou Dhoinine, lorsque son colistier, vice-président, était issu de la ville. À la tête du ministère de l’Aménagement du territoire, Nourdine Bourhane a initié la réhabilitation de l’axe de la route nationale menant de Mutsamudu jusqu’à la région du Nyumakele pour réintégrer sa région dans les enjeux économiques de l’île. Cet axe se coupe à un endroit appelé M’sakini, la porte d’entrée de la région de Bambao M’trouni, région dans laquelle Tsembéhou se situe et joue le rôle de chef-lieu entourée et relayée par Chandra et Ndindri. Cet axe de M’sakini prolonge cette route nationale en traversant la ville de Tsembéhou jusqu’à la partie sud de l’île, depuis que le régime actuel décida d’ouvrir le reste de la route jusqu’à Lingoni, premier village qu’on rencontre en quittant la cuvette vers cette partie de l’île. Le Vice-Président Nourdine Bourhane a influé, comme toute autorité comorienne l’aurait fait, pour le développement de sa localité afin d’obtenir ou d’entretenir ce que nous appelons en politique locale, le fief du politique.
Une urbanisation grandissante sans plan d’avenir
Tsembehou grandit de jour en jour, cependant la collectivité ne s’inscrit pas dans cette dynamique. Toutes les grandes villes d’Anjouan ne connaissent pas le développement physique que connaît Tsembéhou. Toutefois, la ville n’est pas à envier comme l’est la ville de Bazimini. Un village qui se situe sur la même route nationale, quelques kilomètres avant d’arriver sur l’axe de M’sakini en partant vers le chef-lieu, Mutsamudu. Le petit village est devenu une petite ville commerçante et fait de l’ombre à Tsembéhou. Alors qu’il n’y a pas si longtemps ce sont les gens de Bazimini qui venaient acheter les produits manufacturés auprès des commerçants de Tsembéhou.
Tsembéhou est un ancien gros village par sa superficie et son nombre d’habitants. C’est au début des années 2000 que le village accélère son urbanisation en abandonnant malheureusement la propriété rurale, dont l’agriculture vivrière telle que celle d’ambrevade, du riz paddy et du manioc comme moyens essentiels de substance. En effet, bien que saisonniers, ces produits pouvaient couvrir presque toute l’année en usant de techniques de séchage et de transformation artisanale afin de pouvoir permettre leur consommation durant les autres saisons. La récolte des litchis fait également depuis jadis la réputation de la région. Avec l’existence du Centre d’Appui au Développement rural, l’agriculture était florissante dans la région de Bambao Mtrouni avec l’introduction d’arbres fruitiers comme le litchi.
Avec l’urbanisation, l’agriculture est mise au second plan alors que la localité possède ce qui est nécessaire pour devenir un des greniers d’Anjouan.
Une position de la ville mal exploitée
Depuis l’ouverture de la route vers Lingoni, le trafic à Tsembehou a doublé. À cause du mauvais état de la route Pomoni/Sima/Mutsamudu, la majorité des véhicules de transport passent par le centre pour se rendre à Mutsamudu. Malgré cette opportunité, la ville ne saisit pas l’occasion, pour au moins partager avec Bazimini, Mirontsi et Mutsamudu l’activité économique. Contrairement à ces villes qui bordent la route nationale, Tsembehou peut faire valoir une politique économique axée non seulement sur les produits importés manufacturés, mais aussi sur les produits agricoles locaux. Donc la position stratégique est mal connue, car cette ville au climat agréable et aux sols favorisés par la fraicheur de la rivière est incapable de développer une agriculture maraîchère ou d’impulser une activité commerciale en chaine comme le font les gens de Bazimini. Le manque de connaissance en matière de gestion de la ville et la capacité à animer un équipement hautement stratégique comme son marché situé sur une route incontournable en matière de trafic, afin d’améliorer son économie médiocre, explique le quotidien d’une ville au potentiel gâché. Nous passons d’une pauvreté visible à une pauvreté invisible, mais vécue au quotidien, mais que les maisons en briques maquillent.
Une conscience économique encore à la traîne
La ville s’urbanise à vue d’œil. La population est guidée par une compétition qui se caractérise par l’idée de vouloir sortir de la maison en tôle ou de la maison en feuilles de cocotiers. Cela repose sur le projet matrimonial que porte chaque famille ayant au moins une fille. Une nouvelle maison en briques pour les filles fait partie des indispensables pour un mariage.
Cet état d’esprit a fait passer la ville de la ruralité à une zone urbaine avec toutes ses conséquences, notamment les besoins économiques. Ce changement de situation a été possible grâce à une immigration massive vers Mayotte.
D’un autre côté, les jeunes de la ville ont pris conscience de l’image de la ville puisqu’ils se réunissent et entretiennent la ville en plantant des fleurs, donnant un coup de peinture à toutes les maisons situées vers l’extérieur de la ville. Tout est beau, mais aucune avancée économique n’est engendrée par cette activité. Toutefois cette transformation n’apporte pas une valeur ajoutée concrète, étant donné que le volet économique n’est pas exploité. Pourtant, les atouts sont bien présents. D’ailleurs, on en est arrivé au stade où même le marché n’est plus opérationnel alors qu’il est positionné à quelques mètres de la route nationale qui, depuis l’ouverture de la route de Lingoni, est davantage fréquentée. C’est que l’économique n’est pas pensé au mieux pour nos localités.