Ancien professeur au Lycée Saïd Mohamed Cheikh, ancien Directeur de l’ENES de Mvouni et ancien ministre de l’Éducation nationale, Sultan Chouzour est aussi le beau-frère de marhem Ali Mzé. Pour Masiwa, il a accepté de parler de l’homme qui vient de nous quitter et de sa principale œuvre pour le pays, son école, le Groupe scolaire Fundi Abdoulhamid (.
Propos recueillis par MiB
Masiwa – le GSFA, quels objectifs marhem Ali Mzé avait-il en créant cette école. Quels souvenirs avez-vous gardés de sa création ?
Sultan Chouzour – Sous Ali Soilihi, une équipe pédagogique à laquelle j’appartenais avec d’autres d’excellents pédagogues comme Jaffar El Macéli, Damir Ben Ali et d’autres, on avait mis l’accent, notamment, sur les problèmes de la formation de la petite enfance, parce que, pédagogiquement, cela est clairement établi que les premières années de formation de l’enfant sont capitales pour son développement intellectuel futur. Et du temps même d’Ali Soilihi, on avait mis en place quelques écoles-pilotes modernes qui reprenaient des éléments de l’école coranique traditionnelle enrichis par une approche pédagogique rénovée. Certaines de ces écoles d’ailleurs existent encore.
Donc, au départ de la création de l’école Abdoulhamid, l’objectif était d’abord et surtout d’offrir à la petite enfance et aux jeunes enfants les meilleurs outils de base pour leur permettre de mieux réussir dans le système éducatif classique.
Je n’ai pas été associé à la création de l’École, mais je sais que les pères fondateurs avaient à cœur de développer un enseignement rénové de qualité dont les bases avaient été développées sous le régime du Président Ali Soilihi.
Lorsque l’école a ouvert ses portes, c’était dans le foyer Aouladil-Comores à Magoudjou, à Moroni. On avait alors utilisé des tables-bancs qui y étaient entreposés. Il se trouve que c’est moi qui avais demandé et obtenu de la Mission catholique de Moroni ce mobilier scolaire dont elle n’en avait plus besoin suite à la décision qu’elle avait prise d’arrêter ses activités d’enseignement après l’accession des Comores à l’indépendance. J’avais aussi hérité des manuels scolaires stockés dans le même local que le mobilier, dans l’intention de créer un jour précisément une école privée. Mais le destin en a décidé autrement.
J’ajouterai que plus tard, avec les responsables de l’école, nous avons obtenu l’accord de la Mission catholique pour installer dans ses salles de classe les élèves dont les effectifs étaient en croissance continue grâce à l’ouverture des classes du primaire et du secondaire.
Après quelques années, le père de la Mission avait demandé au Directeur, Ali Mze, de libérer ses locaux qui allaient être affectés à des activités de formation professionnelle. De fait, ce n’était encore qu’un projet. Très contrarié et quelque peu désemparé, Ali Mzé était venu me trouver pour renouveler la démarche faite précédemment pour obtenir le prêt des salles de classe. Je lui ai proposé une autre approche. Je lui ai dit : actuellement, l’esprit œcuménique souffle parmi les grandes religions monothéistes, porté par l’Église chrétienne. Je pense qu’une délégation des notables de Moroni conduite par le Grand Moufti, Saïd Mohamed Abdourahmane à l’époque, nous avons plus de chance d’être entendus par le Père de la Mission que si nous allions seuls.
Le Père nous reçut dans ses appartements privés, et au terme des entretiens, il accepta de laisser à l’école Abdoulhamid la possibilité de continuer d’utiliser ses salles de classe jusqu’à ce que cette dernière parachève la construction en cours de ses propres locaux.
C’est ce qui permit à l’école de continuer à occuper les locaux de la mission catholique jusqu’à ce que l’établissement ait pris possession de ses nouveaux bâtiments, construits non loin du Palais du Peuple.
Masiwa – Qu’est-ce qui explique le succès de cette école privée, selon vous ?
Je pense que tout est dans le sérieux et la rigueur du Directeur qui d’abord a su imposer une discipline sans faille, acceptée et par les élèves, et par les parents d’élèves et par les enseignants. Et tout le mérite revient au Directeur qui devait alors agir avec tact connaissant les susceptibilités et l’indiscipline caractéristiques de nombre de nos concitoyens. Hélas ! malheureusement.
Ensuite, c’est grâce à un encadrement très étroit des élèves qui ont un devoir d’assiduité, de ponctualité, de propreté, exigé de tous les enfants qui étaient sanctionnés au moindre écart et rappelés à l’ordre au moindre écart. Le tout en concertation étroite avec les parents, les enseignants et d’une manière générale avec toute l’équipe pédagogique.
Il y a aussi le soin et le sérieux mis dans les critères très sévères de recrutement des enseignants, choisis parmi les meilleurs. C’est aussi cela qui a assuré la qualité de l’enseignement dispensé et d’atteindre les excellents résultats de l’École dans les examens et concours nationaux.
Il y a enfin cette vision à long terme qui a permis au Directeur d’anticiper l’évolution de son école qui s’est toujours trouvée en capacité de remplir ses missions pédagogiques à la grande satisfaction de tous, grâce à des locaux de mieux en mieux adaptés, de plus en plus accueillants et des enseignants de plus en plus motivés.
Masiwa – Que vous inspirent tous les hommages qui défilent dans les réseaux sociaux depuis l’annonce du décès de marhem ?
Les hommages qui sont rendus au Directeur sont largement mérités. J’aurais pu développer sur les qualités personnelles, les qualités humaines, les qualités administratives et pédagogiques du Directeur. Tous ceux qui parlent de lui aujourd’hui parlent en connaissance de cause parce qu’ils ont un fils, une fille, un neveu, une nièce qui ont bénéficié de cette qualité d’enseignement dispensé par l’école Abdoulhamid et qui doit en grande partie son succès aux qualités personnelles du Directeur.
Masiwa – L’école est-elle en danger avec la disparition de son fondateur ?
Je pense qu’en bon gérant, en bon gestionnaire, en bon pédagogue, Ali Mze avait travaillé en collaboration avec d’autres collaborateurs, avec d’autres partenaires, de sorte que même si depuis quelques années, la maladie l’a éloigné de l’école, ses collaborateurs qui sont restés fidèles à ses engagements, à sa pédagogie et à ses orientations ont su maintenir l’école dans la bonne direction. Il n’y a pas de raison que cela change. En tout cas, c’est mon souhait le plus cher.