Depuis quelque temps, les tambours de nos îles vibrent des sons alarmants, entremêlés d’autres « Hayasa », pour reprendre le tube musical popularisé par la chanteuse Rilloi Mchangama. À Ngazidja se consumait, à cause du Anda, le riz éperdument. À Ndzuani, la disette, à cause de la carence de l’État, atteignait son firmament.
Par Nourdine MBAE DJAE
Cependant, j’ai eu du mal à intégrer l’idée d’une famine dans mon pays. J’ai cru à une manipulation de la vérité, des hyperboles portant sur la souffrance, particulièrement venues de Ndzuani. Là où les injustices les plus lourdes de ce régime ont laissé de sinistres références. Et des flambeaux qui se nomment Dr Salami, Hakim Bapale et Ahmed Abdallah Sambi.
Je croyais que mon pays devait être protégé et par l’émergence, et par les duâ, et par le « revenu intermédiaire ». Ce dernier point fut même validé par une institution internationale. Histoire de nous affliger avec autorité.
Sauf que, première désillusion, on ne mange pas des revenus, ni des devises, ni des billets de banque, mais des productions alimentaires. Autrement dit, Monsieur Kabaila, Madame Mdjomba et la jeune Karima peuvent expédier des dollars, du yen, des euros depuis l’extérieur du pays à leurs mamans, papas et frères vivant en terre Komori. La banque mondiale peut même tabler – avec son intelligence acclimatée au milieu des offices bien aérés – le revenu intermédiaire du Mkomori avec estime et mirage séduisants. Mais nos familles ne pourront pas consommer à volonté, et pour cause ! la faillite de la production. Elle entraîne indubitablement des prix élevés à même de tarir rapidement ce pouvoir d’achat expédié, sans étancher ni la soif ni la faim ambiantes.
J’ai dû, deuxième désillusion, prendre acte du cataclysme pour avoir vu Moustadroine Abdou propulsé à l’Assemblée nationale et Houmed Msaidie, également hissé au gouvernement d’Assoumani Azali, en parler, l’air toujours indolent, le ton toujours bavard, la fatuité toujours criante au regard de l’abysse du résultat et du bilan.
Donc, la famine est vraiment là , sans hyperbole.
Cependant, je suis surpris du fait que le gouvernement qui s’accroche au pouvoir n’ait décliné aucune mesure de réquisition à la hauteur de l’urgence, afin de renforcer une production interne et cibler une sécurité alimentaire efficiente.
Il est vrai, l’innovation n’est pas le point fort de l’équipe dirigée par Assoumani Azali, bien que de l’audace, ce dernier nous la fait voir et vivre dans toutes les couleurs de la haute trahison ; putsch, constitution taillée sur mesure pour se prolonger, mascarades électorales, emprisonnement politique massif… Je ne saurais jamais être exhaustif.
La réquisition comme monopole de l’autorité administrative est la seule qui vaille pour faire face à une situation d’urgence sur la forme et le désir de cheminer vers une action résolue, loin de la littérature et de la poésie, quand bien même celles-ci conservent une beauté estimable et enviable.
Sur le fonds, on attend voir si elle se décide à se hisser du jonglage qui la caractérise et de l’incompétence qui la colle. Il s’agira de signifier les terres cultivables choisies, le budget, les semences à mettre en pratique, la temporalité de l’action et les moyens humains mobilisés. Les militaires ont un rôle majeur à jouer. De l’exemplarité surtout. La première fonction de l’armée n’est pas d’opérer des putschs, ni d’écraser des manifestations citoyennes, ni d’opprimer la vérité des urnes .
Une clarté au passage. La bourgoisie capitaliste et les aristocrates du nid commercial risquent de ne pas approuver. Du moins tergiverser par de sempiternels jonglages. Simulation et dissimulation. Du lobbing au véto , les sirènes de l’investissement par le secteur privé exclusif feront le manège habituel.
Sans doute ses inspirations de lécher les aides et allègements fiscaux ne vont pas tarir, non sans effacer la réalité de l’urgence à laquelle les initiatives du libéralisme patronal n’ont pas réussi à déjouer.
Aussi, le sursaut nécessaire par l’État doit se motiver. Les points d’appui sont nombreux. Le besoin nous tente de les lui rappeler pour le booster. Nous en déclinons deux pour éviter la digression.
Primo. L’État a refusé de céder au monde capitaliste l’entièreté des clés de l’éducation. L’école publique à toute sa place pour former et éduquer la masse et les orientations du présent et de l’avenir. Et d’ailleurs, quand l’école publique faillit, c’est l’avenir du pays qu’on incendie.
Deuxio. L’institution judiciaire n’a pas été libéralisée pour éviter qu’elle bascule dans la cupidité mercantiliste. Autant pour dire la nécessité d’arbitrage efficient sur des thématiques fondamentales et vitales. Quoi de plus vital pour la vie commune que la survie par l’alimentaire ? Nous touchons l’indispensable question de la sécurité alimentaire dans notre pays. Il a été d’ailleurs surprenant, l’irresponsabilité touchant l’un de ses summums, de constater que même la vente du riz, monopolisé par l’État, n’a pas été distribué, équitablement entre les îles avec une ferme volonté d’empêcher la consommation par gaspillage dont le Anda et l’île de Ngazidja ont signifié la faillite de la solidarité, avec une rare insolence.