Dimanche 16 juin, le corps de Mohamed Soilihi a été mis en terre au cimetière de Mtsapere vers 15h30, après une dernière prière dans la grande mosquée de la même ville.
Par MiB
Celui que ses proches appelaient affectueusement Momo avait été admis au Centre hospitalier de Mamoudzou (CHM) depuis le mois d’avril. Il est décédé samedi après-midi. Sa fille et sa sœur étaient attendues avant l’enterrement et elles arrivèrent au matin du dimanche.
Le refus de la dictature Azali
Après la dernière prière dans la mosquée de Mtsapéré, deux éloges funèbres ont été prononcés donc celui du député Bacar de l’Assemblée nationale des Comores. Ce dernier qui était une connaissance du défunt a loué sa personnalité et ses actions. Il a également indiqué qu’il était envoyé par le chef de l’État comorien, Azali Assoumani, ainsi que Houmed Msaidié, ministre de l’Agriculture et Mohamed Youssouffa dit Belou qui l’ont accompagné jusqu’à l’aéroport. Pourtant, quiconque a fréquenté ces derniers temps le défunt sait qu’il était en rupture totale avec ces personnalités et avec le gouvernement en place actuellement aux Comores.
Dès l’annonce de sa mort, Houmed Msaidié, ministre de l’Agriculture et Porte-Parole du gouvernement Azali, présente ses « condoléances les plus attristées » à « ses proches » en désignant le défunt comme son « frère et ami ». Le lendemain c’est aussi par un simple post sur twitter qu’Azali Assoumani a présenté ses condoléances « à sa famille et au monde agricole ».
Ces derniers temps Mohamed Soilihi a participé à des réunions des opposants comoriens à l’extérieur du pays pour dénoncer les dérives dictatoriales du gouvernement Azali. C’est peut-être pourquoi ce n’est pas une personnalité de haut rang, comme le ministre de l’Agriculture qui est venue représenter le gouvernement comorien, mais un simple député qui n’a même pas reçu mandat de l’Assemblée pour la représenter.
Mohamed Soilihi, natif de Mtsapere, fils d’Ahmed Soilihi, un de ceux qui sont appelés les « Serrer-la-main » à Mayotte et qui fut proche de Saïd Mohamed Cheikh puis d’Ahmed Abdallah. Il a hérité de son père l’amour de l’unité des quatre îles de l’archipel et il a servi le pays dans son ensemble.
L’autosuffisance alimentaire
Cela peut sembler contradictoire, et pourtant, Mohamed Soilihi fut aussi partisan d’un rapprochement sans ambiguïté avec la France, un peu comme les anciens hommes politiques de Saïd Mohamed Cheikh à Ahmed Abdallah en passant par Prince Saïd Ibrahim.
Comme il a été rappelé à plusieurs occasions depuis samedi, Mohamed Soilihi a beaucoup aidé à la structuration des agriculteurs comoriens et au financement de plusieurs projets, notamment la mise en place de la Chambre d’agriculture dont il a été président.
Il avait repris à son compte cette volonté du révolutionnaire Ali Soilihi qui était de parvenir à l’autosuffisance alimentaire en développant l’agriculture. C’est aussi ce que rappelle l’un de ses proches, Thoihir Youssouffa, sur son mur Facebook : « Pour lui, en effet, la souveraineté alimentaire d’un pays était un préalable à la souveraineté tout court, considérant qu’un territoire qui ne peut pas nourrir ne pouvait pas être autonome. »
Et le commandant Abdallah Rafick, sur le même mur, égrène les réalisations de Momo en faveur des agriculteurs comoriens : « Momo, c’est la ferme de Sangani avec feu docteur Kassim. Momo, c’est le marché agricole sur la Corniche. Momo, c’est le poulailler d’Oussivo. Momo, c’est enfin son dernier chef-d’œuvre : faire signer à Azali la création de la Chambre d’Agriculture ».
Avec le durcissement du régime Azali, les tortures et les exécutions extrajudiciaires, Mohamed Soilihi a commencé à prendre ses distances. Et lorsqu’il s’est senti en danger, il a quitté la Grande-Comore en y laissant ses biens. Et il n’est jamais revenu, comme il l’espérait, après le départ d’Azali. La Chambre d’Agriculture est d’ailleurs restée sans président, avant que l’année dernière, le Vice-Président, Hassane Msaidié, ne se fasse élire à la tête de l’institution qui végète depuis le départ de son fondateur, sans ambition et sans apporter aux agriculteurs le soutien qui pourrait leur permettre d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dont le pays a besoin.
Si tout le monde reconnait que Mohamed Soilihi fut proche des paysans, il avait aussi ses entrées parmi les puissants et pas seulement aux Comores. Ainsi, un médecin qui le connaissait très bien et qui est venu dimanche présenter ses condoléances à la famille racontait à une petite assemblée que lors de la visite du président Hollande aux Comores, ce dernier fâché que le président Ikililou ait parlé de Mayotte alors qu’il y avait un accord pour que la question ne soit pas évoquée, aurait annulé le déjeuner prévu et aurait mangé son sandwich chez le défunt.