Les notables de la ville de Maweni, flanqués de leur avocat, ont convoqué la presse le lundi 22 août pour livrer leur version sur la récente tragédie survenue dans la ville de Ntsoralé qui a particulièrement endeuillé la région de Dimani ya Washili.
Par Hachim Mohame
« Nous ne sommes pas dans cette rencontre pour sortir la hache de guerre, mais pour l’enterrer de façon à préserver la paix et la concorde entre les deux villes. Nous demandons à tout le monde de la sagesse dans les prises de parole », a prévenu par précaution l’avocat des victimes de Maweni, Me Moudjahidi Abdoulbastoi.
Mouigni Athoumane, victime de la violence
La ville de Maweni est en deuil de Mouigni Athoumane qui, avec huit autres, a été victime à Ntsoralé le 8 août d’actes de violence qui ont atteint un niveau de barbarie sans nom.
L’ombre de feu Mouigni Athoumane a plané pendant la conférence de presse. L’homme était un personnage public de premier plan dans le Dimani et dans la ville de Maweni. Il fut commissaire de l’île de Ngazidja pendant des années. C’est une tragédie d’une ampleur inimaginable, un trauma collectif qui a marqué au fer rouge les occupants du bus « Kuchua » en partance à Koimbani.
Les gens de Maweni et quelques victimes qui étaient dans le bus gardent encore ancré dans leur âme ou dans leur subconscient le souvenir d’une expérience amère, les séquelles des déceptions d’un État comorien qui a failli à sa mission régalienne et de traumatismes encore imparfaitement surmontés.
Une violente altercation verbale a servi de détonateur au conflit.
Tout a commencé avec un jeune de Mboudé ya Dimani qui a eu dans sa ville une violente altercation verbale avec un autre de Maweni pour une histoire de voiture. Les gens de Maweni qui ont appris l’histoire sont tombés par hasard sur ce personnage de Mboudé à une soirée « twarab » à Ntsoralé. C’était l’occasion pour eux de lui « donner une leçon », loin de sa ville. Mais les natifs de Ntsoralé se sont interposés dans la rixe et n’ont pas accepté cela. Ils ont demandé aux jeunes de Maweni d’aller se battre à Mboudé ou chez eux.
Lorsque les notables de Maweni ont eu vent de ce qui s’était passé à Ntsoralé, ils ont dépêché la police municipale de la ville pour arrêter leurs « enfants » et les mettre entre les mains de la gendarmerie. L’affaire était presque réglée pour la population de Maweni. Mais, le problème a recommencé quand des jeunes de Ntsoralé se sont mêlés à des histoires qui ne les regardaient pas en allant brûler des maisons et des voitures de gens de Maweni dans la nuit du dimanche 7 août.
Après le délit, ils ont insulté la population de Maweni en les narguant avec des propos désobligeants tels que : « on vous a battu 4 à 0 ». Pour riposter à ce qui est arrivé à leur ville, les jeunes de Maweni sont allés à leur tour brûler maisons et voitures à Ntsoralé dans la nuit du dimanche au lundi 8 août.
Attaque planifiée et calculée
Géographiquement, la ville de Maweni est située dans une zone très enclavée de la région de Dimani. Au point que les habitants qui veulent se rendre à Moroni, il n’y a qu’une route carrossable.
Après les maisons et voitures brulées, des responsables de deux villes qui ont été arrêtés par la gendarmerie de Komibani.
Au départ, les de pyromanes de Ntsoralé ont proféré des menaces, en plus de la volonté de faire régner la terreur dans la région. Avec les tensions entre les deux villes, les notables ont estimé que pour aller s’enquérir de la situation de leurs proches emprisonnés à Koimbani, il fallait la couverture de l’armée déployée dans la région. Cette visite était nécessaire, car des notables qui avaient été trouvés sur place pendant la situation explosive ont été emmenés de force à la gendarmerie. Ces personnes âgées avaient passé la nuit du dimanche au lundi dans la prison.
Pour la visite, un déplacement sous escorte d’une unité de l’armée a été envisagé et une demande a été adressée par le maire de la commune au commandant de l’unité régionale. Après pourparlers, un accord a été trouvé. Les notables de Maweni, à bord d’un bus, seraient escortés par les militaires jusqu’à la sortie de la ville de Ntsoralé.
Parmi les neuf personnes à bord, il n’y a que le chauffeur qui était un jeune et le reste des occupants du bus était de personnes âgées. En partant, le pick-up de l’armée était devant et le minibus suivait derrière jusqu’à la place publique « Latrilhayat » qui se situe à l’entrée de la ville de Ntsoralé. Là, le commandant a discuté avec les jeunes de la ville qui étaient assis. Lorsqu’il a terminé l’entretien, il a dit aux gens de Maweni : « Ok, pas de problème ». Ils peuvent continuer le déplacement vers Ntsoralé sans l’escorte de pick-up de l’armée qui est reparti sur sa « base ».
Pendant que le minibus roulait vers la ville, les occupants se sont rendu compte que les jeunes qui parlaient avec le commandant étaient à leurs trousses. Arrivés à la hauteur du croisement de Dimani, ils trouvèrent un barrage érigé par les jeunes pour empêcher tout Mawenien de passer. Et ils se sont précipités sur le bus qui avançait quand ils ont reconnu la voiture qui portait le nom de Kuchua.
Ils ont commencé à caillasser le minibus qui voulait rebrousser chemin, mais s’est retrouvé cerné par ces voyous. Ils ont immobilisé le véhicule et enlevé le portail de ses gongs. Les occupants ont été harcelés à coups de pierres. Quatre d’entre eux ont été forcés à sortir du bus et ont été passés à tabac.
C’est dans ces circonstances que Mouigni Athoumane a été atteint gravement et en est mort à l’hôpital, après avoir été trouvé par ses bourreaux dans une cachette. Tout, dans cette affaire, a été orchestré. L’attaque sur le minibus avait été intentionnellement planifiée et calculée.
Des textes qui datent de 1974.
Une plainte de la ville de Maweni a été déposée au parquet depuis vendredi 19 août.
Sept personnes se sont constituées partie civile dans cette affaire.
À en croire l’avocat des victimes, le Code de procédure pénale de Comores contient des dispositions qui datent de 1974. Les acteurs clefs du procès pénal sont le procureur et l’accusé, mais la partie civile est considérée comme accessoire, un maillon faible n’ayant pas de marge de manœuvre dans la procédure. Par exemple, devant son, « bourreau » libéré par la justice, elle ne peut pas faire appel ou s’opposer à une décision du juge.
« Dans le recours administratif, nous voulons que l’État décline sa responsabilité dans ce qui s’est passé. En deuxième lieu, nous demandons réparation. À ce sujet, on va déposer une requête où on va évaluer les préjudices subis par mes clients. Quand le dossier sera enrôlé, on en saura davantage. Nous ne portons pas plainte ni contre la gendarmerie, ni contre l’armée, car nous estimons que cette unité était en service commandé de l’État comorien. La responsabilité de l’État est entièrement engagée dans cette affaire », affirme Maitre Moudjahidi.
Pour la simple et la bonne raison que si un juge décide d’accorder une liberté provisoire selon la robe noire, il doit tenir informer l’avocat de la partie civile 48 avant la libération, quitte à tenir une séance d’observation avec lui avant de passer à l’acte.
Un autre aspect de taille de la procédure c’est de tenir compte de la part d’un juge le fait que la personne libérée provisoirement ne constitue pas une menace pour l’ordre public.