L’augmentation des prix des denrées alimentaires a enflammé les débats sur les réseaux sociaux, comme sur les places publiques, jusqu’à ce que les gens s’en lassent et acceptent leur sort avec fatalisme, tout en sachant qu’ils jouent eux-mêmes un rôle important dans l’amplification de cette crise qui peut à la longue anéantir l’économie du pays. La nature humaine poussant les masses populaires à chercher plus à trouver des coupables au lieu de penser à chercher des solutions fait que le gouvernement et le peuple veulent que cela soit la faute de l’autre. Étant donné que les citoyens n’ont jamais vu les pouvoirs publics apporter des solutions à leurs soucis du quotidien, beaucoup préfèrent pointer le peuple du doigt, car comme dit la sagesse populaire comorienne, « le seul qui peut savoir qu’un toit fuit est celui qui dort à l’intérieur de la maison ».
Par Noussaïbaty Ousséni Mohamed Ouloubé
L’augmentation des prix des denrées alimentaires a enflammé les débats sur les réseaux sociaux, comme sur les places publiques, jusqu’à ce que les gens s’en lassent et acceptent leur sort avec fatalisme, tout en sachant qu’ils jouent eux-mêmes un rôle important dans l’amplification de cette crise qui peut à la longue anéantir l’économie du pays. La nature humaine poussant les masses populaires à chercher plus à trouver des coupables au lieu de penser à chercher des solutions fait que le gouvernement et le peuple veulent que cela soit la faute de l’autre. Étant donné que les citoyens n’ont jamais vu les pouvoirs publics apporter des solutions à leurs soucis du quotidien, beaucoup préfèrent pointer le peuple du doigt, car comme dit la sagesse populaire comorienne, « le seul qui peut savoir qu’un toit fuit est celui qui dort à l’intérieur de la maison ».
Le manque de produits agricoles
La diminution de la production agricole est vue par un grand nombre de personnes comme étant la première cause de l’insuffisance des produits alimentaires, et ce, bien avant la crise dont tout le monde parle désormais. L’offre étant plus petite que la demande, les marchands ont toujours fixé les prix à leur guise, et les consommateurs n’ont jamais eu de choix que de se soumettre à leur volonté puisqu’aucune police ne protège celui qui a faim et qui est prêt à payer le prix cher pour manger. En raison des faibles récoltes, beaucoup de légumes qui étaient autrefois abondamment cultivés aux Comores sont, ces dernières années, importés de Madagascar et de Tanzanie.
Nombreux sont ceux qui disent être choqués de voir que des Comoriens partent acheter des tomates fraîches à Madagascar pour les revendre à plus de 1.500 francs comoriens (KMF, 3 euros) le kilogramme alors qu’il s’agit d’un légume qui pousse facilement et que quelques années auparavant, les producteurs locaux criaient à la surabondance des récoltes de tomates. Le kilo dépassait rarement les 500 KMF (1 euro). Le risque de voir leurs marchandises pourrir en cas de retard sur les dates de départ des bateaux est grand, et cela est arrivé trop de fois sans que les acheteurs ne se découragent, comme s’ils préféraient perdre de l’argent que travailler dur pour en gagner.
Commerce extraverti
Les jeunes Anjouanais sont travailleurs, et bien souvent leur seule source de revenus est la nature. Certains feront de l’agriculture, d’autres iront à la pêche… et dès qu’ils accumulent une somme d’argent importante, ils abandonnent ces boulots pour partir acheter des choses à vendre à l’extérieur et ne pensent en aucun cas qu’ils peuvent investir cet argent dans le même domaine et devenir ceux auprès de qui ils achètent à l’extérieur. Un jeune qui gagne de l’argent grâce à l’agriculture ou à la pêche et qui part acheter des produits alimentaires en Tanzanie ou à Dubaï contribue à la crise alimentaire au sein de son propre pays, et c’est ce que beaucoup de personnes semblent vouloir dénoncer.
La plupart des gens accusent la jeune génération d’être responsable de la baisse de la production agricole, car elle abandonne les champs pour les bureaux de la Fonction publique. Cependant, les cultivateurs identifient d’autres causes plus ou moins naturelles, comme les animaux qui ravagent les cultures, la sécheresse ou même les fortes pluies.
À Mirontsy, sur l’île d’Anjouan, plusieurs personnes tiennent les animaux responsables du fait qu’elles ne cultivent plus certaines choses. La ville était connue pour sa grande production de pois de bambara connu localement sous le nom de « nkundre za uzimu », mais, désormais, quelques personnes seulement prennent le risque d’en planter, et tout le monde peut constater la diminution de ce produit, pourtant très apprécié.
Les rats, les souris ou même les hérissons se plaisent à creuser les champs pour consommer les tubercules de manioc, mais il a été constaté que les pois de terre sont leur produit favori. Les cultivateurs n’oublient pas toutefois de préciser que, quand ils étaient nombreux à en planter, les rongeurs mangeaient un peu chez chaque personne et à la fin, chacun avait sa récolte. Comme la plupart des champs sont désormais abandonnés, car les jeunes ne veulent plus se salir les mains, ceux qui ont le courage de le faire ne plantent souvent que du manioc, car les rats et autres animaux ne peuvent pas le ravager totalement.
L’argent appelle l’argent
Les cacahuètes font partie des produits qui ne sont plus autant produits sur l’île, que donc beaucoup d’enfants risquent de ne jamais vivre le plaisir de voir ou faire un épouvantail pour protéger les champs d’arachides des corbeaux. Les gens ont fini par se rendre compte que l’oiseau n’avait plus peur de ce gardien de bois. Si certains commençaient à penser que les oiseaux sont devenus plus intelligents, d’autres se sont rappelés des habitudes qui ont été abandonnées après la mort des vielles femmes qui faisaient vivre des longues années de tradition. Une femme nous a confié que quand elle voyait les vieilles femmes mettre du riz sur la plage pour les esprits, elle les prenait pour des personnes mentalement instables, car les corbeaux étaient les seuls qui venaient manger ce riz. La génération moderne, trop « éclairée » pour croire aux forces invisibles, a cessé de nourrir les corbeaux, et ces derniers ont envahi les champs, poussant la plupart de ceux qui plantaient les arachides à les abandonner. Désormais, les cacahuètes viennent généralement de la Grande Île, et il suffit que les bateaux prennent du temps à arriver pour que le « shihondro » commence à disparaître du marché.
La rapidité avec laquelle les Comoriens se sont adaptés à la crise d’une grande ampleur montre à la fois leur force et leur courage à faire face sans trop se plaindre aux problèmes auxquels ils se sont depuis longtemps habitués, mais aussi leur manque de volonté dans la lutte pour leur bien-être, se contentant de solutions éphémères qui nourrissent la précarité de la vie. Si pour certains, le temps est de l’argent et que « l’argent appelle l’argent », pour le peuple comorien, c’est la crise qui appelle l’argent. Partout dans le monde, les gens savent que leurs malheurs rendent les autres heureux et que la flambée des prix appauvrit les pauvres et enrichit ceux qui dorment sur la fortune.
Ainsi, les pays vers lesquels les Comoriens partent acheter tous les produits nécessaires à leur existence ont-ils augmenté les prix ? Le gouvernement comorien a-il augmenté les taxes ? Dès lors, les commerçants n’ont pas trouvé de moyen de riposte que d’augmenter brutalement le prix de chaque chose. Les paysans, qui ne comptent que sur leurs récoltes pour vivre, ont compris que la meilleure défense restait l’attaque, et fixent des prix hors normes tout en criant qu’ils veulent aussi survivre et que cela n’est pas de leur faute. Il est donc étonnant de voir que des milliers de personnes décident de prendre le risque de s’entretuer en nourrissant la crise alimentaire au lieu de faire face à un gouvernement de quelques personnes qui ont été « élues » pour servir le peuple et qui doivent leur rendre des comptes. L’inaction des uns et l’envie des autres de montrer qu’ils font leurs propres lois font que chaque semaine, les prix augmentent comme si chaque jour, le gouvernement faisait monter les taxes ou que chaque jour les commerçants se rendaient à Dubaï.
Le manque de produits agricoles
La diminution de la production agricole est vue par un grand nombre de personnes comme étant la première cause de l’insuffisance des produits alimentaires, et ce, bien avant la crise dont tout le monde parle désormais. L’offre étant plus petite que la demande, les marchands ont toujours fixé les prix à leur guise, et les consommateurs n’ont jamais eu de choix que de se soumettre à leur volonté puisqu’aucune police ne protège celui qui a faim et qui est prêt à payer le prix cher pour manger. En raison des faibles récoltes, beaucoup de légumes qui étaient autrefois abondamment cultivés aux Comores sont, ces dernières années, importés de Madagascar et de Tanzanie.
Nombreux sont ceux qui disent être choqués de voir que des Comoriens partent acheter des tomates fraîches à Madagascar pour les revendre à plus de 1.500 francs comoriens (KMF, 3 euros) le kilogramme alors qu’il s’agit d’un légume qui pousse facilement et que quelques années auparavant, les producteurs locaux criaient à la surabondance des récoltes de tomates. Le kilo dépassait rarement les 500 KMF (1 euro). Le risque de voir leurs marchandises pourrir en cas de retard sur les dates de départ des bateaux est grand, et cela est arrivé trop de fois sans que les acheteurs ne se découragent, comme s’ils préféraient perdre de l’argent que travailler dur pour en gagner.
Commerce extraverti
Les jeunes Anjouanais sont travailleurs, et bien souvent leur seule source de revenus est la nature. Certains feront de l’agriculture, d’autres iront à la pêche… et dès qu’ils accumulent une somme d’argent importante, ils abandonnent ces boulots pour partir acheter des choses à vendre à l’extérieur et ne pensent en aucun cas qu’ils peuvent investir cet argent dans le même domaine et devenir ceux auprès de qui ils achètent à l’extérieur. Un jeune qui gagne de l’argent grâce à l’agriculture ou à la pêche et qui part acheter des produits alimentaires en Tanzanie ou à Dubaï contribue à la crise alimentaire au sein de son propre pays, et c’est ce que beaucoup de personnes semblent vouloir dénoncer.
La plupart des gens accusent la jeune génération d’être responsable de la baisse de la production agricole, car elle abandonne les champs pour les bureaux de la Fonction publique. Cependant, les cultivateurs identifient d’autres causes plus ou moins naturelles, comme les animaux qui ravagent les cultures, la sécheresse ou même les fortes pluies.
À Mirontsy, sur l’île d’Anjouan, plusieurs personnes tiennent les animaux responsables du fait qu’elles ne cultivent plus certaines choses. La ville était connue pour sa grande production de pois de bambara connu localement sous le nom de « nkundre za uzimu », mais, désormais, quelques personnes seulement prennent le risque d’en planter, et tout le monde peut constater la diminution de ce produit, pourtant très apprécié.
Les rats, les souris ou même les hérissons se plaisent à creuser les champs pour consommer les tubercules de manioc, mais il a été constaté que les pois de terre sont leur produit favori. Les cultivateurs n’oublient pas toutefois de préciser que, quand ils étaient nombreux à en planter, les rongeurs mangeaient un peu chez chaque personne et à la fin, chacun avait sa récolte. Comme la plupart des champs sont désormais abandonnés, car les jeunes ne veulent plus se salir les mains, ceux qui ont le courage de le faire ne plantent souvent que du manioc, car les rats et autres animaux ne peuvent pas le ravager totalement.
L’argent appelle l’argent
Les cacahuètes font partie des produits qui ne sont plus autant produits sur l’île, que donc beaucoup d’enfants risquent de ne jamais vivre le plaisir de voir ou faire un épouvantail pour protéger les champs d’arachides des corbeaux. Les gens ont fini par se rendre compte que l’oiseau n’avait plus peur de ce gardien de bois. Si certains commençaient à penser que les oiseaux sont devenus plus intelligents, d’autres se sont rappelés des habitudes qui ont été abandonnées après la mort des vielles femmes qui faisaient vivre des longues années de tradition. Une femme nous a confié que quand elle voyait les vieilles femmes mettre du riz sur la plage pour les esprits, elle les prenait pour des personnes mentalement instables, car les corbeaux étaient les seuls qui venaient manger ce riz. La génération moderne, trop « éclairée » pour croire aux forces invisibles, a cessé de nourrir les corbeaux, et ces derniers ont envahi les champs, poussant la plupart de ceux qui plantaient les arachides à les abandonner. Désormais, les cacahuètes viennent généralement de la Grande Île, et il suffit que les bateaux prennent du temps à arriver pour que le « shihondro » commence à disparaître du marché.
La rapidité avec laquelle les Comoriens se sont adaptés à la crise d’une grande ampleur montre à la fois leur force et leur courage à faire face sans trop se plaindre aux problèmes auxquels ils se sont depuis longtemps habitués, mais aussi leur manque de volonté dans la lutte pour leur bien-être, se contentant de solutions éphémères qui nourrissent la précarité de la vie. Si pour certains, le temps est de l’argent et que « l’argent appelle l’argent », pour le peuple comorien, c’est la crise qui appelle l’argent. Partout dans le monde, les gens savent que leurs malheurs rendent les autres heureux et que la flambée des prix appauvrit les pauvres et enrichit ceux qui dorment sur la fortune.
Ainsi, les pays vers lesquels les Comoriens partent acheter tous les produits nécessaires à leur existence ont-ils augmenté les prix ? Le gouvernement comorien a-il augmenté les taxes ? Dès lors, les commerçants n’ont pas trouvé de moyen de riposte que d’augmenter brutalement le prix de chaque chose. Les paysans, qui ne comptent que sur leurs récoltes pour vivre, ont compris que la meilleure défense restait l’attaque, et fixent des prix hors normes tout en criant qu’ils veulent aussi survivre et que cela n’est pas de leur faute. Il est donc étonnant de voir que des milliers de personnes décident de prendre le risque de s’entretuer en nourrissant la crise alimentaire au lieu de faire face à un gouvernement de quelques personnes qui ont été « élues » pour servir le peuple et qui doivent leur rendre des comptes. L’inaction des uns et l’envie des autres de montrer qu’ils font leurs propres lois font que chaque semaine, les prix augmentent comme si chaque jour, le gouvernement faisait monter les taxes ou que chaque jour les commerçants se rendaient à Dubaï.
Noussaïbaty Ousséni Mohamed Ouloubé