Une querelle autour de la pêche a fait éclater un conflit entre Mirontsi et Ouani ce jeudi 21 novembre 2024. La saisie de filets de pêche par les habitants de Ouani a provoqué une vive réaction de Mirontsi, entraînant des barrages routiers et perturbant la circulation sur l’axe principal entre les deux localités. Ce différend met en lumière des tensions latentes liées à l’exploitation des ressources maritimes.
Par Mouayad Ahmed
Jeudi matin, aux environs de 10h15, une crise éclatait entre les villes voisines d’Ouani et de Mirontsi. Le point de départ de cette tension remonte à un financement octroyé à Ouani pour un projet de développement marin. Dans le cadre de ce projet, la ville d’Ouani a décidé de restreindre l’accès à ses littoraux pour la pêche amateur, notamment celle utilisant des filets, en conformité avec des conventions locales et internationales interdisant cette pratique.
Cependant, cette interdiction n’a pas été acceptée par certains pêcheurs de Mirontsi. Ces derniers, estimant que ces restrictions nuisent à leurs moyens de subsistance, ont ignoré les règles établies. Ce jeudi, deux vedettes remplies de pêcheurs mirontsiens se sont rendues dans les eaux territoriales d’Ouani pour y jeter leurs filets. En réponse, les pêcheurs d’Ouani, furieux de cette violation, se sont mobilisés pour contraindre les pêcheurs mirontsiens à retourner chez eux, allant jusqu’à saisir leurs filets.
L’impact environnemental de la pêche au filet
La pêche au filet est une pratique controversée en raison de son impact sur les écosystèmes marins. En effet, ces filets capturent non seulement des poissons adultes, mais également des petits, menaçant ainsi le renouvellement des ressources halieutiques. Selon les conventions internationales, notamment celles établies par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), cette méthode est strictement réglementée, voire interdite dans certaines zones protégées. Les tensions entre Ouani et Mirontsi illustrent donc un conflit classique entre préservation de l’environnement et subsistance économique.
Une escalade vers la violence
Le refus des pêcheurs mirontsiens de respecter les restrictions et la réaction des pêcheurs ouaniens ont entraîné une réaction en chaîne. De retour dans leur ville, les pêcheurs de Mirontsi, indignés, ont décidé de manifester leur mécontentement d’une manière peu orthodoxe. Ils ont bloqué la route nationale reliant Mutsamudu à Ouani, perturbant ainsi la circulation pendant plusieurs heures. La situation est rapidement devenue incontrôlable. Entre 11h et 17h, les habitants d’Ouani étaient ciblés, certains étant victimes d’agressions verbales ou physiques. Les conducteurs de taxis et autres véhicules immatriculés à Ouani ont également été pris pour cible, accentuant le climat de peur et de tension.
Une absence préoccupante des forces de l’ordre
Le manque de réaction des forces de l’ordre a aggravé la situation. De nombreux témoins, dont Nada, un agent de la SONEDE, ont exprimé leur étonnement face à cette absence. « La circulation aurait pu être rapidement rétablie si les forces de l’ordre étaient intervenues », a-t-il déclaré. Pendant plusieurs heures, les habitants de Ouani n’avaient d’autre choix que d’emprunter des itinéraires détournés via Bazimini ou Nioumakélé pour rentrer chez eux. Cette inertie des autorités a laissé place à un sentiment d’abandon et a favorisé des actes de justice expéditive, mettant en péril la sécurité des citoyens.
Un conflit historique entre deux communautés voisines
Cette crise n’est pas une première. Selon Kamarzane Dhoiou, un habitant de Ouani, les tensions entre les deux villes à propos des pratiques de pêche remontent à plusieurs années. Sous le gouvernorat de Mohamed Bacar, des conflits similaires avaient déjà éclaté, alimentés par des incompréhensions et une mauvaise gestion des ressources maritimes. Cette fois encore, des incidents regrettables ont eu lieu, comme l’agression de Soulaimana Mansour, un fonctionnaire originaire de Ouani, qui a été attaqué alors qu’il se trouvait dans un taxi à Mirontsi.
La crise touche toutes les catégories d’habitants. En effet, elle n’a pas seulement affecté les pêcheurs, mais aussi des écoliers et d’autres travailleurs. Selon le proviseur du lycée de Ouani, plusieurs élèves en formation à Mutsamudu se sont retrouvés bloqués dans la ville. Heureusement, la vedette Rapide One a pu transporter certains d’entre eux, rassurant ainsi leurs parents inquiets. Pour d’autres, il a fallu attendre la fin des tensions vendredi après-midi pour reprendre leurs activités habituelles.
Les leçons à tirer de cette crise
Cette crise soulève des questions cruciales sur la gestion des ressources maritimes et le rôle des autorités. La pêche au filet, bien que lucrative pour certains, met en danger l’équilibre écologique et les moyens de subsistance des générations futures. Cependant, les restrictions imposées par Ouani devraient être accompagnées d’une sensibilisation des communautés voisines et d’alternatives viables pour les pêcheurs.
En outre, la récurrence des tensions entre les deux villes met en lumière l’urgence à instaurer un dialogue intercommunautaire soutenu par les autorités locales. Les forces de l’ordre, quant à elle, doivent assumer pleinement leur rôle pour prévenir les débordements et garantir la sécurité et la libre circulation des citoyens.
À quand un respect des lois et des conventions ?
Alors que des négociations ont permis d’apaiser les tensions vendredi après-midi, la question demeure : ces accords seront-ils respectés dans l’avenir ? Et surtout, les citoyens ont-ils le droit de se faire justice eux-mêmes face à l’inaction des autorités ? Ce dernier point est particulièrement inquiétant, car il reflète une défiance croissante envers les institutions étatiques.
La crise entre Ouani et Mirontsi est le symptôme d’un problème plus profond, mêlant enjeux environnementaux, économiques et sociopolitiques. Pour éviter de nouvelles confrontations, il est essentiel d’instaurer des mécanismes clairs et justes pour la gestion des conflits, tout en renforçant la présence et l’action des forces de l’ordre. En attendant, la population reste sur le qui-vive, espérant que cette accalmie temporaire se transforme en une paix durable.
La situation critique qui a opposé Ouani à Mirontsi met en lumière les défis auxquels les Comores sont confrontées pour gérer leurs ressources naturelles et maintenir l’harmonie sociale. Au-delà des divisions, c’est une occasion de repenser les relations intercommunautaires et de promouvoir une gestion durable et équitable des ressources. Car au final, c’est l’unité et le respect mutuel qui permettront de surmonter ces crises récurrentes.