L’archipel des Comores est souvent touché par de fortes intempéries entre janvier et avril. C’est le cas actuellement. Ces dernières années, les spécialistes notent que la dégradation de l’environnement aggrave les effets des tempêtes.
Par Nezif Hadj Ibrahim
Habituées depuis toujours aux tempêtes tropicales entre janvier et avril, cette année encore, les Comores n’échappent pas à la règle. On pourrait même dire que les effets de cette période, souvent pluvieuse avec des vents forts, sont coutumiers. Cependant les éboulements, la montée des eaux, l’érosion du littoral révèlent un accroissement de ces conséquences, en raison du changement climatique. Ce qui, par les difficultés de contrer ce mouvement de dégradation de l’environnement, fait que les Comores sont à bien des égards dans une fragilité environnementale, dont certaines causes seraient exogènes.
Absences de mesures pour limiter les dégâts environnementaux
Les spécialistes l’annoncent depuis plusieurs années : le changement climatique rend les saisons plus rudes pour les pays. Pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’Évolution du Climat, les Petits États insulaires sont dans une fragilité environnementale et territoriale du fait notamment de la montée des eaux et de la tournure davantage violente des phénomènes météorologiques. Le dérèglement climatique génère tout au long de ce siècle une élévation du niveau de la mer. Pourtant, les Comores ne prennent pas les mesures adaptées pour minimiser, à leur échelle, les effets de ces phénomènes. Les littoraux sont en proie à la mer, des pertes qui devraient être évitées par la lutte contre la prise des sables marins par exemple. Certes les gens qui travaillent dans ce secteur n’ont pas de larges options en termes d’activités génératrices de revenus, mais c’est aussi l’État qui doit leur proposer les moyens de pouvoir se reconvertir dans d’autres activités. Après la dernière tempête tropicale, la mer a continué à détériorer le littoral, comme à Hoani, sur l’île de Mohéli, où une digue qui supporte la route nationale a cédé sous les vagues. À Bangoi Kuni, la mer a débordé sur le village, et à Ouani, la côte a subi des érosions.
Des gouvernants tournés vers les aides promis à la COP 21, à Paris
Pour permettre l’indispensable adaptation aux changements climatiques, le gouvernement a soutenu lors de la COP 27 en 2022 que les aides sont centrales. Les gouvernants disent être conscients de l’ampleur du changement climatique, à en croire le discours prononcé par Azali Assoumani : « Il est important de souligner qu’au niveau des États Insulaires en Développement, ces phénomènes climatiques et météorologiques sévères menacent l’existence même de nos pays, et freinent leur développement économique ainsi que l’épanouissement de nos populations ». Pourtant, son gouvernement ne semble pas être en phase avec ce constat alarmiste puisque, à part quelques campagnes de reboisement, une activité dont le pionnier aux Comores reste l’ONG Dahari, il ne fournit aucun effort palpable. L’État dispose de moyens politiques et juridiques pour intervenir dans la protection de l’environnement, notamment par rapport à la protection des littoraux, sachant que plusieurs localités sont côtières. Étant donné que par la configuration géographique de l’archipel, les populations sont plus côtières, des mesures d’urgence doivent être prises. Le renforcement des rivages en termes de solution doit être envisagé, et ce avant que cela ne soit trop tard. Puisqu’à terme, il faudra faire déplacer des populations vers l’intérieur des îles ; ce qui se fera au prix de sommes qu’on dit ne pas pouvoir mobiliser sans l’aide des bailleurs. Certainement, il est encore temps de s’occuper de la disparition des côtes.
Seulement le financement tant attendu par le gouvernement pour mettre en œuvre des politiques d’adaptation semble dépendre de son intervention. Pourtant tous les feux sont au rouge : l’archipel des Comores au milieu d’une zone cyclonique doit s’attaquer à des politiques de résilience écologique.
Des économies touchées, vers un mois de ramadan difficile
Le lundi 23 janvier, les usagers de la route nationale reliant la région de Bambao Mtsanga à celle de Bazimini, c’est-à-dire entre le pont de Tratringa et Gobeni, ont été confrontés à une coupure due à un gigantesque éboulement. Des cultures ont été anéanties. Les vents aussi ont beaucoup mis à mal les produits agricoles, qui étaient censés servir pendant le mois de ramadan. Caractéristique de l’agriculture vivrière aux Comores, à chaque approche du mois sacré dont la consommation est majoritairement portée vers des produits agricoles tels que la banane, le songe, le manioc, les Comoriens se préparent à la récolte. Mais, comme on compte beaucoup de dégâts sur les champs, cela aura certainement un impact sur le mois du ramadan. À cause des pertes occasionnées, on aura pendant le mois de jeûne des ménages dont les provisions ont été revues à la baisse. Ces pertes font partie des revendications de l’AOSIS, l’Association des Petits États Insulaires, lors de leur dernière conférence. Elle a défendu la reconnaissance d’une dette climatique qui fait porter aux pays dont l’industrie est responsable de la pollution mondiale pour qu’ils paient des dommages et intérêts des pertes des pays en voie de développement au lieu de tenter d’agir par la voie des aides publiques qui ne sont finalement que des promesses non tenues des pays développés.
Le pire reste à venir
Au rythme où les choses avancent, bientôt des localités vont voir leurs territoires se réduire, et des inondations ne sont pas à écarter. Pour le GIEC, les Petits États Insulaires vont être confrontés à davantage de cyclones tropicaux, à l’élévation du niveau de la mer, à la hausse des températures de l’air et de la surface de la mer. Du fait de cette vulnérabilité, l’État devra s’employer à la mise en place d’une situation de résilience qui ne se résume pas à des financements extérieurs. Ceux-là sont indispensables en raison de notre niveau de création de richesses. Avec plus d’implication et en mobilisant les ressources humaines et financières dont dispose l’État, on pourra avancer vers des solutions. Du côté des organisations non gouvernementales qui opèrent dans le domaine de l’écologie, dont Dahari, avec le financement de l’Australian High Commission in Mauritius, on a entamé depuis quelques jours le reboisement par 65.000 arbres, dans une approche participative qui fait intervenir les agriculteurs de certaines localités sur l’île d’Anjouan. Le programme vise à « restaurer 250 hectares des bassins versants » apprend-on sur sa page officielle.