Malgré leur coût élevé, le smartphone et l’internet s’introduisent à grande vitesse dans la société comorienne, côtoyant des instruments de production qui n’ont pas évolué depuis mille ans ou plus. Cela n’est pas sans conséquences sur les comportements, surtout des plus jeunes.
Par Noussaïbaty Ousséni Mohamed Ouloubé
Loin de l’époque où les gens se passaient les informations d’un village à un autre depuis le haut d’un cocotier, aujourd’hui les Comoriens communiquent avec des smartphones et sont pour la plupart et surtout les plus jeunes hyper connectés sur les réseaux sociaux. Si internet procure beaucoup d’avantages de par le fait qu’il donne accès à un nombre presque infini d’informations et facilite l’apprentissage ou du moins la communication, il a malheureusement une influence très négative sur la jeunesse qui suit les tendances du Net au détriment de sa culture et qui est prête à tout pour se procurer cet objet précieux appelé smartphone. Tous les moyens sont bons pour obtenir un smartphone dernier cri, même s’il s’agit d’une contrefaçon. En l’espace de quelques années, le téléphone cellulaire s’est multiplié de sorte que presque plus personne ne s’intéresse au téléphone fixe et les cabines téléphoniques sont pareilles à des ossements de dinosaures.
La machette, la houe et la pirogue
L’archipel des Comores, un pays entouré par la mer, a comme principales sources de revenus l’agriculture et la pêche, pourtant, ce sont les secteurs les plus pauvres et ils sont loin d’avoir connu le moindre signe d’évolution digne du siècle des grandes technologies. Sur l’île d’Anjouan, les collines sont sillonnées par des hommes et femmes armés de machettes et de houes pour aller dompter la terre mère en priant pour que le soleil, la pluie, le vent et les animaux ou maladies épargnent leurs plantations tandis que les hommes affrontent l’océan avec d’étroites pirogues à balancier ou des barques à moteurs pour les plus chanceux. Au 21e siècle, les familles et villages pleurent encore souvent leurs enfants partis pêcher avec leurs barques et qui ne sont jamais revenus quand les hautes mers sont affrontées par des bateaux de pêche géants venus d’ailleurs qui défient les déferlantes. Quand le poisson se fait rare et cher, les sardines du Maroc deviennent les stars des assiettes, car elles sont vendues à des prix plus abordables que le requin sec de Madagascar dans ce pays qui n’a pas pensé à une technique de conservation traditionnelle ou encore moins industrielle des produits de la mer.
Dans ce pays qui semble avoir été oublié par la divinité des technologies, l’internet fait pourtant des ravages, malgré son coût élevé par rapport au pays dont souvent les Comoriens se servent comme référence, soit l’ancien pays colonisateur, la France. Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui se servent de la hausse des prix en France pour justifier l’inflation sur l’archipel quand ils ne s’en sont jamais servi comme exemple pour aider le peuple en matière de santé ou d’éducation.
La domination des technologies de la communication
Pour les technologies de communication, les Comoriens sont prêts à dépenser encore et encore pour s’offrir Samsung, iPhone, techno ou huawei. Il y en a pour toutes les classes sociales et malheureusement beaucoup sont ceux qui veulent plus que ce que peuvent leur offrir leurs moyens. Parmi les produits qui coûtent le plus cher dans les magasins avec lesquels les plus aisés peuvent se vanter auprès des plus pauvres, les téléphones occupent une place importante, produits qui ne font qu’enrichir les pays producteurs.
Les seules nouvelles technologies qui dominent le territoire comorien sont visiblement les technologies de communication et ces dernières sont loin d’aider au développement socio-économique du pays. Les jeunes travaillent autant qu’ils peuvent pour s’offrir des téléphones et des beaux vêtements afin de faire bonne impression sur leurs stories Facebook et Instagram ou sur leurs statuts whatsApp. Les femmes courent derrière les dernières tendances emportées par l’ère des influenceurs ou simplement par les normes de la mode dictées par des émissions comme « Les reines du shopping » de Cristina Cordula.
Les réseaux sociaux permettent au commerce de bien fonctionner, car désormais les femmes ne veulent pas seulement se payer des téléphones et des vêtements, elles veulent aussi devenir belle par tous les moyens donc elles courent après le beurre de karité, l’huile de ricin et autres pour aider leurs cheveux crépus à pousser plus vite et en cas d’échec, elles s’offriront des extensions, des perruques, des postiches ou tout ce qui pourra les rendre aussi belles que les influenceuses sur YouTube. Beaucoup d’entre elles espèrent rencontrer l’amour et se marier grâce à Facebook de telle sorte que même les chansons de mariage en parlent et elles font d’énormes sacrifices pour plaire, car peu d’entre elles ont les moyens de se payer des datas et comptent sur leurs nombreuses conquêtes pour rester connectées.
L’influence d’internet
internet est un outil que beaucoup utilisent pour faire connaitre leur talent et dans les grands pays, il est accessible à tout le monde. Dans les pays pauvres comme les Comores, où le débit est faible, il coûte très cher et les gens l’utilisent de la mauvaise façon.
Les jeunes sont emportés par d’autres cultures et les femmes sont les plus touchées encore une fois. Le pays n’est pas à l’abri des prédateurs sexuels et les parents permettent aux jeunes filles d’utiliser internet tout en ignorant la menace qui les guette et en oubliant qu’aucune justice ne juge le cyberharcèlement.
Les nouvelles technologies de communication détruisent les mœurs, exposent des adolescents à une sexualité précoce malgré leur religion et poussent de jeunes femmes à la prostitution.
L’autre inconvénient est que les déchets résultant des outils électroniques de communication polluent les champs et les plages sur lesquels se rencontrent les mêmes houes, les mêmes pirogues, les mêmes barques.
Pourtant, avec les efforts de toutes les parties concernées, les outils de télécommunication modernes pourraient devenir des alliés pour l’éducation, la formation, si leur coût était à la portée de tous. Les nombreuses plateformes du net offrent des formations qui peuvent aider les agriculteurs à produire mieux, aider les jeunes à s’intéresser aux domaines techniques et apporter une ère industrielle sur l’archipel dans l’espoir de limiter un jour les importations.