L’Aïd-el-Kebir ou Aïd-el-Adha 2024 a été marquée par le siège et l’intervention violente de l’armée nationale dans la ville de Chindini, au sud-est de la Grande-Comore, dans le Badjini.
Par MiB
Cette année le gouvernement comorien, en accord avec le Mufti, a fixé la date de l’Aïd-el-Adha le lundi 17 juin et déclaré les deux jours suivants jours fériés.
Comme chaque année et à chaque aïd, cette date n’a pas fait consensus ni dans le monde ni aux Comores. Dans d’autres pays, comme en France, les musulmans ont fêté le dimanche.
Dimanche ou lundi, peu importe
Des savants en sciences religieuses s’accordent à dire que le vrai jour de l’Aïd el Adha était bien le dimanche 16 juin. D’autres montrent que les uns pouvaient prier le dimanche et d’autres avaient des raisons de prier lundi, comme le gouvernement comorien l’a préconisé. À Mayotte, par exemple, le cadi et les autorités ont préféré le lundi. Mais, comme à chaque fois, cela n’a pas empêché certains musulmans de prier l’Aïd el Adha dès dimanche, sans avoir à subir des conséquences désastreuses.
Cette année, pour éviter la répression du gouvernement d’Azali Assoumani observées les années précédentes, la grande majorité de la population et la quasi-totalité des villages ont obéi à la volonté des autorités et on fêté l’aïd lundi. Sauf, la ville de Chindini, située au sud-est de la Grande-Comore, dans la région du Mbadjini, une sorte de finister où partent et accostent toutes sortes de bateaux et de kwasa-kwasa qui se rendent dans la petite île de Mwali. Un endroit connu pour sa belle plage. Il semble que ce soit une habitude dans cette ville de prier et fêter l’Aïd el Adha un jour avant en suivant les prescriptions religieuses plus que celles des gouvernements.
Une répression militaire au lieu de la Justice
Mais, dans sa volonté de plier tous les musulmans des Comores à sa volonté, le gouvernement Azali a encore une fois utilisé les méthodes violentes et inhumaines en lançant ses militaires à l’assaut de Chindini. L’Armée nationale de Développement (sic) est intervenue dans cette ville quelques heures après la prière de l’aïd, dimanche 16 juin, vers 11 heures, sans vraiment avoir un objectif d’arrestation des récalcitrants.
Les militaires ont saccagé plusieurs maisons. Ils ont défoncé les portes et ont délibérément cassé et détruit les biens de valeur qui se trouvaient à l’intérieur, comme les écrans de télévisions. Des scènes habituelles, à chaque fois que l’armée intervient dans un village. Et comme à chaque fois, les militaires intervenus à Chindini sont accusés par les habitants de s’être emparés d’argent et autres biens personnels. C’est une accusation récurrente à chaque fois que des militaires interviennent dans un village et pénètrent dans les maisons. Pourtant, ni les chefs militaires ni le gouvernement n’ont demandé une seule fois qu’une enquête pour faire la lumière sur l’emploi disproportionné de la force ou sur les accusations de vols soit ouverte. Ils s’en accommodent, et installent ainsi une habitude qui peut être interprétée comme une autorisation à rançonner les habitants qu’ils devraient protéger.
Des jeunes qui défendent leur ville
À Chindini, c’est la jeunesse qui a décidé de résister pour défendre leur ville victime d’une injustice et de l’attaque injustifiée de l’armée, selon leur point de vue. De jeunes garçons ont fait face à l’armée pendant plusieurs heures, subissant des tirs de grenades lacrymogènes. Les militaires ont été contraints de faire appel à des renforts, surtout après avoir été nargués par les jeunes qui leur criaient : « Vous n’êtes pas suffisants ! Vous n’êtes pas suffisants ! » Il n’en fallait pas plus pour les militaires envoyés dans la région pour chercher à venir à bout de l’insouciance de ces jeunes, en multipliant les violences aveugles.
La situation était telle que certaines femmes sont montées dans des embarcations de fortune avec leurs enfants pour se rendre dans l’île de Mwali en face, malgré une mer démontée.
Plusieurs personnes ont été blessées dont certains dans un état très critique qui ont préféré rester dans la clandestinité et ne pas se rendre dans un hôpital pour ne pas être arrêté.
Ces jeunes amenés dans les camps militaires ont subi des tortures. Certains, libérés une semaine après, ont évoqué rapidement ces torturés, visiblement choqués et apeurés. Ils ont également remercié les militaires de leur avoir donné une leçon et ont appelé leurs co-villageois à toujours obéir aux autorités. Un discours qui semble leur avoir été dicté et qu’ils ont tenu à prononcer devant les médias dans les réseaux sociaux avant de rentrer chez eux.
Pourtant, depuis plusieurs jours, certains habitants de la ville accusent des co-villageois, membres du parti présidentiel, la Convention pour le Renouveau des Comores (CRC) de les avoir dénoncés auprès des autorités gouvernementales.
Le moins que l’on puisse dire c’est que le gouvernement semble avoir cherché à minimiser et même à ne pas évoquer les événements de Chindini. Il n’y a eu aucun communiqué du ministère de l’Intérieur ni du chargé de la Défense. Ce dernier, qui aime commenter avec largesse ce genre d’événement et qui est originaire de la région du Mbadjini, n’a pas parlé. Le porte-parole du gouvernement n’en a pas fait allusion non plus lors de son point de presse de mercredi 19 juin, comme si au cours conseil des ministres le gouvernement a pu ne pas parler de cette intervention de l’armée dans la ville de Chindini ou de l’enfermement de plusieurs jeunes.
Et curieusement, aucun journaliste parmi ceux qui disposent de moyens parce qu’ils sont dans les médias d’État ou parce qu’ils sont correspondants des médias étrangers ne s’est rendu dans la ville pour s’enquérir de ce qui s’est passé. L’intervention de l’armée a été transformée par le silence en un non-événement, malgré sa gravité.