Aux Comores, particulièrement sur l’île d’Anjouan, certaines maladies infectieuses graves semblaient sombrer dans l’oubli collectif. Pourtant, des données inquiétantes confirment leur présence et leur propagation dans la population.
Par Mouayad Ahmed
Le VIH/sida et l’hépatite, notamment les types B et C, sont des fléaux sous-estimés. Fahardine Alimo, infirmier diplômé d’État et major du service bloc opératoire à l’hôpital de Hombo, tire la sonnette d’alarme sur ces menaces persistantes, parfois reléguées au rang de mythes.
Le VIH : une menace réelle, mais négligée
Malgré des décennies de sensibilisation mondiale, le VIH/sida reste largement sous-estimé aux Comores. Pour certains habitants, il s’agit davantage d’une rumeur que d’une réalité palpable. Pourtant, selon des enquêtes locales, sur dix analyses effectuées, deux personnes se révèlent porteuses du virus. Cela reflète une prévalence non négligeable, exacerbée par le manque de sensibilisation et d’accès à l’information.
Cette ignorance favorise la propagation du virus, d’autant plus que l’archipel accueille des visiteurs venus de régions où le VIH est fortement présent. Selon les études, les hommes sont les plus touchés, souvent en raison d’un comportement à risque, notamment l’absence de protection lors de rapports sexuels.
Une sensibilisation encore insuffisante
Pour Fahardine Alimo, l’éducation et la prévention restent des piliers essentiels pour freiner la propagation du VIH. Il souligne que beaucoup de personnes infectées ignorent leur statut, faute de tests réguliers ou d’informations suffisantes. Par ailleurs, les tabous socioculturels découragent souvent les femmes de se faire dépister.
Un appel urgent est lancé pour renforcer les campagnes de sensibilisation et intégrer ces thématiques dans le système éducatif comorien. « Être porteur du virus ne signifie pas forcément montrer des signes apparents, ce qui rend les tests réguliers indispensables », précise le spécialiste.
L’hépatite : une menace silencieuse, mais dévastatrice
Si le VIH inquiète, l’hépatite B et C constituent des menaces encore plus graves, selon les professionnels de santé. Aux Comores, ces maladies affectent particulièrement les jeunes âgés de 17 à 35 ans, ce qui reflète une transmission souvent liée à des comportements à risque ou à un manque de vaccination.
L’hépatite B, la plus dangereuse des deux, est responsable de nombreux cas de mortalité dans l’archipel. La prévalence nationale de cette maladie est estimée à 5 %, avec environ 43 900 porteurs chroniques du virus. Ces chiffres traduisent une situation critique qui nécessite des réponses urgentes.
Les défis des dépistages et des traitements
Parmi les principaux obstacles au dépistage figurent la honte et les stigmates socioculturels. Les jeunes femmes, notamment, hésitent à consulter par crainte d’être jugées. Fahardine Alimo insiste sur l’importance d’éduquer la population pour combattre ces réticences.
Heureusement, un vaccin efficace et sûr contre l’hépatite B est disponible. Administré dès la naissance, il offre une protection durable aux bébés, enfants, adolescents et adultes. Toutefois, le taux de vaccination reste faible dans certaines régions, faute de sensibilisation et de ressources suffisantes.
Un appel à l’action collective
Pour lutter efficacement contre ces maladies, une approche collective et responsable est indispensable. Fahardine Alimo insiste particulièrement sur l’importance de la protection lors des rapports sexuels. L’utilisation systématique de préservatifs est cruciale non seulement pour se protéger, mais aussi pour protéger les autres.
Par ailleurs, il appelle les acteurs de la santé et les leaders communautaires à intensifier leurs efforts en matière de sensibilisation. Ces actions doivent inclure des campagnes pour encourager les tests réguliers, une meilleure compréhension des modes de transmission, et l’accès aux moyens de prévention, notamment les préservatifs et les vaccins.
La sensibilisation ne devrait pas se limiter à des initiatives ponctuelles, mais s’intégrer durablement dans les écoles, les familles et les lieux de rencontre communautaires. En éduquant et en responsabilisant la population, il est possible de limiter les comportements à risque et de réduire l’impact de ces maladies dans la société comorienne.
Repenser la santé publique aux Comores
Le VIH et l’hépatite, bien que souvent oubliés, demeurent des réalités alarmantes aux Comores. Les chiffres et témoignages, tels que ceux de Fahardine Alimo, soulignent l’urgence d’une réponse collective. Il est temps d’agir pour inverser la tendance et protéger les générations futures. Cela passe par une sensibilisation accrue, un dépistage systématique et une vaccination renforcée. Les Comores doivent relever ce défi sanitaire pour garantir un avenir plus sain et mieux informé à ses habitants.