Fahar Bachir, thésard à la faculté de médecine d’Antananarivo se lance dans l’accompagnement des patients dans cette ville très prisée par les Comoriens en quête de soins.
Par Nezif-Hadji Ibrahim
Depuis quelques jours, une affiche est partagée sur Facebook indiquant la mise à en place d’un service d’accompagnement des malades venus des Comores. Il s’agit d’une « maison d’accueil à Antananarivo », principale destination des touristes médicaux comoriens en partance pour la Grande Île. L’initiative vient de Fahar Bachir, natif de Tsinimoichongo, thésard en médecine à l’Université d’Antananarivo.
Des services essentiels
Madagascar est l’une des destinations les plus prisées par les touristes médicaux comoriens. Elle représenterait la plus grande part des voyageurs du fait du rapport qualité/prix du service de santé et aussi du fait de la présence d’une grande communauté d’origine comorienne, notamment estudiantine. Antananarivo n’est pas la seule destination qui attire les Comoriens pour des besoins de soins médicaux. Il y a l’île Maurice et l’Inde aussi. Seulement en termes d’accessibilité pour la classe moyenne dont le financement proviendrait généralement de la diaspora, la Tanzanie et Madagascar absorbent l’essentiel de ces malades, sachant que pour les plus dénués prendre l’embarcation de fortune s’est toujours imposé comme l’option la plus évidente, même si parfois l’urgence commande cette traversée pour Mayotte.
Le constat selon lequel beaucoup de Comoriens se soignent dans les hôpitaux publics d’Antananarivo et dans leurs cliniques est issu d’une enquête menée par Fahar Bachir. Cela a motivé le jeune thésard à mettre en œuvre son projet de « maison d’accueil ».
« L’idée m’est venue en 2019 quand j’ai réalisé une étude sur la migration sanitaire des Comoriens vers Madagascar. Au cours de cette étude, que j’ai réalisée au nom de l’association des étudiants en médecine à Tana, j’ai dû constater que beaucoup des patients ont été mal orientés, et nous savons tous qu’une mauvaise orientation entraîne une perte de temps et des ressources financières ».
Effectivement, la nécessité d’un « guide » s’impose. Comme dans tout voyage dans un pays étranger, on a besoin de renseignements pour connaître au mieux la destination. Et pour un déplacement médical, qui mieux qu’un futur médecin ayant les compétences et les connaissances du milieu hospitalier d’Antananarivo peut jouer ce rôle de « guide ». C’est à ce besoin que Fahar Bachir veut répondre pour ses compatriotes venus des Comores.
Un accompagnement nécessaire
Faciliter le séjour des patients comoriens constitue un volet important dans le projet de Fahar Bachir.
« La plupart du temps, dans le cadre du tourisme sanitaire, beaucoup des personnes se déplacent sans même l’avis d’un médecin (sur cela il y a plusieurs raisons évoquées par les malades dont je souhaite ne pas commenter) », soutient Fahar Bachir. Il est donc indispensable que ces malades qui partent à l’aveuglette puissent trouver un soutien. Parmi les services dont le but est de permettre un accompagnement adéquat aux patients, il y a le logement équipé, tout près des hôpitaux qui sont adaptés à leurs maladies respectives, l’orientation vers les services appropriés et la prise de rendez-vous, notamment. Le jeune thésard les accompagne aussi dans le suivi du traitement et des soins. Tout au long de ces étapes, le futur médecin se dit être présent aux côtés des patients pour surveiller l’évolution de leur état de santé.
La plupart des malades qui viennent des Comores sont accueillis par des étudiants dont le temps est davantage pris par leur formation. Ce qui rend la disponibilité de Fahar Bachir indispensable pour alléger la charge des hôtes de prédilection afin qu’ils puissent mieux se concentrer. Ce service d’aide et d’accompagnement évolue pour s’élargir sur le long terme comme le signale son initiateur. « C’est un projet pour lequel je prévois plusieurs phases à l’avenir », déclare-t-il.
Des prises en charge qui n’ont pas « été possibles aux Comores »
Il y a une évidence qui tape aux yeux dans ces déplacements continus, et importants, pour Madagascar à des fins de soin sanitaire. Aux Comores le service public hospitalier est précaire, il ne garantit pas l’efficacité. Non seulement il y a un manque de certains services dont les maladies touchent de plus en plus la population, mais aussi un déficit criant d’équipements médicaux. Cela occasionne un problème de prise en charge. Selon Fahar Bachir « certaines personnes viennent parce que leur pris en charge n’a pas été possible aux Comores ». Il ne cache pas d’ailleurs que cette situation lui provoque de la consternation.
« Ça me fait de la peine de voir des compatriotes se faire soigner à l’extérieur pour des pathologies, la plupart de temps « anodines », auraient pu être prises en charge au pays. Mais en raison d’un manque de confiance en notre système de santé, ils décident de partir et on ne peut pas empêcher les gens de se faire soigner où ils veulent. Le mieux que nous puissions faire c’est de les accompagner une fois la personne arrivée. Je regrette aussi que notre système de santé manque aussi des moyens pour la prise en charge de certaines pathologies comme les cancers, les polytraumatismes graves… obligeant les patients à se faire soigner ailleurs. »
La question de confiance au système de santé comorien ne semble pas préoccuper les autorités encore moins le manque d’équipements dans les établissements publics sanitaires. La vie, concrètement la santé, n’est pas une valeur essentielle dans la politique gouvernementale pour qui construire de grandes infrastructures pour marquer l’histoire est plus important. Alors qu’une politique publique de la santé repose sur plusieurs volets, à savoir « valoriser nos médecins et leur métier, améliorer notre système de santé serait des atouts majeurs pour redonner confiance à la population et ainsi limiter les déplacements inutiles », comme le relève Fahar Bachir.
L’investissement public dans le système sanitaire est quasi inexistant alors que la pauvreté aux Comores est de plus en plus grandissante. Le problème de capital humain dans l’hôpital public encouragé par cette négligence de l’hôpital public fait que des médecins privilégient le secteur privé avec les moyens à leur disposition. Cependant, ces initiatives privées, les cliniques médicales, ne retiennent pas les Comoriens de se faire soigner en dehors du sol national. Et du côté de l’État, aucune initiative concrète n’est mise sur la table. Peut-être que le gouvernement actuel croit que la solution passera par la reconstruction de l’hôpital El-Maarouf, sauf que l’hôpital de Bambao Mtsanga se présente comme une grande infrastructure, or il ne concentre pas la grande part de la migration sanitaire aux Comores.