La programmation de la quatrième édition d’« Octobre Rose 2022 » a été lancée le samedi 1er octobre. La campagne lancée par les femmes membres de l’Association comorienne contre le cancer féminin (ACCF) veut sensibiliser les femmes comoriennes et toute la société sur la prévention du cancer du sein.
La prévalence de cette terrible maladie dans le monde indique qu’il y a environ 50 000 cas par an, et qu’elle arrive en deuxième position après les cancers de la prostate (62 000 nouveaux cas par an). La multiplication des dépistages a permis d’arriver à cette conclusion.
Consultations gratuites
Comme l’année dernière, du 5 octobre au 5 novembre, soixante-dix consultations gratuites sont offertes par les gynécologues partenaires durant toute la période de la campagne.
C’est au CIM du Dr Soimihi à Moroni Hankunu et à la polyclinique de Dr Abdelkader Said Ali à Mutsamudu, que s’effectueront les mammographies.
« À Ngazidja, l’association a réussi à négocier avec les centres privés d’imagerie pour un prix abordable. Pour une mammographie qui coûte entre 35.000FC et 40.000FC, les malades paient maintenant 17.500FC. L’association vient aussi en aide aux femmes pauvres qui n’ont pas les moyens de payer la mammographie via les dons qu’elle reçoit de partenaires », affirme l’un de membres actifs de l’ACCF.
À Anjouan, selon Zahara Abdallah, la présidente de l’ONG, les frais de la mammographie à un prix réduit restent les mêmes que l’année dernière, plus précisément à hauteur de 25.000 FC. Elle a ajouté dans son discours que depuis le mois de mai l’ACCF avait mené des activités de sensibilisation dans les trois îles pour obtenir la meilleure diffusion des connaissances sur les moyens de dépister les cancers gynécologiques. Dans cette dynamique, les membres de l’association ont sillonné plusieurs localités de Ngazidja, d’Anjouan et de Mohéli.
De 29 mammographies en 2019, on en est presque à 900 en 2022
S’agissant de cette terrible maladie, on dénombre 1,3 million de nouveaux cas de cancer du sein annuellement dans le monde et pour près de 500 000 femmes qui en meurent, 311000 sont tuées par le cancer de l’utérus.
Aux Comores, de plus en plus d’enfants sont atteints de cette maladie. Chiffres à l’appui, la présidente de l’ONG a dressé pour « Octobre rose 2022 » le bilan des activités de l’ACCF depuis leur dernière campagne en 2021.
Après de séances de frottis cervicaux sur un échantillon de 200 femmes (Dr Halifa Youssouf, anatomopathologiste), 20,5% de femmes présentent de lésions précancéreuses de haut grade, c’est-à-dire 41 personnes et pour les lésions cancéreuses (carcinomes, adénocarcinomes) les statistiques font état de prévalence de 12%. Pour des patientes âgées de 40 à 50 ans, il y a 80,50% de tumeurs bénignes sur les 643 tests et 7 à fort potentiel de malignité. Depuis la première campagne en 2019, « Octobre Rose » a commencé avec 29 mammographies, avant de passer à 440 et arriver maintenant à plus de 600 mammographies par an.
En plus des dépistages, l’ACCF s’occupe aussi de démarches administratives en matière d’évacuation sanitaire pour les malades. En partenariat avec le ministère de la Santé, l’ACCF a évasané deux femmes atteintes de cancer sur l’île Maurice, selon sa présidente.
« J’avoue que sous les activités que nous avons menées, jusqu’à présent on est presque à 900 consultations. Par ce changement de perception sur le cancer de la part de nos compatriotes, nous sommes contents parce qu’on a réveillé les femmes, nous nous réjouissons aussi parce qu’on a réveillé l’État comorien. Et nous pensons aller plus loin avec nos autorités pour les malades qui ont été évacués à l’extérieur et qui ont besoin d’être suivis une fois de retour », a expliqué une membre active de l’ACCF.
Par le passé, l’association a connu trois campagnes « Octobre Rose » sans l’implication des autorités sanitaires et il a fallu attendre l’édition 2022 pour qu’il y ait un changement de regard sur les activités de l’ACCF, notamment par la présence de la représentante du ministre de la Santé, Fatouma Hadji Abdallah.
ACCF, premier à être au chevet de femmes malades aux Comores.
À la question d’un journaliste qui ne comprenait pas trop le fonctionnement de l’association, sa présidente a rappelé l’aspect formel du rôle de l’ONG, dans la mesure où il est du ressort de l’État de s’occuper du secteur de la santé. La mission de l’ACCF, a-t-elle insisté, c’est amener les autorités à mettre en place une stratégie de lutte contre les cancers gynécologiques et prendre conscience de la gravité de la maladie.
« Aux Comores, il n’y a jamais eu auparavant de programme pour le cancer, il n’y a jamais eu de journée pour le cancer. Pas de stratégie, pas de service dévolu aux soins du cancer. Pour nos compatriotes qui en souffraient, elles devaient se battre seules », a-t-elle recadré.
Au niveau des acquis de l’ACCF entre autres, trente membres ont été formés par l’OMS sur la gestion financière et administrative et l’introduction dans la conception de projets et d’ateliers de réflexions sur les cancers gynécologiques, comme ce fut le cas de l’atelier organisé du 12 au 13 mai 2022.
La présentation de bilans financiers et techniques sur les activités, mais aussi la transparence ont permis à l’ACCF d’obtenir la confiance des partenaires.
Les hommes meurent aussi du cancer
Selon les indiscrétions scientifiques, même si une femme sur 8 présente le risque d’être atteinte du cancer du sein, si la maladie est dépistée assez tôt, les patientes n’auraient pas à subir de mammectomie. Au même titre que le cancer de la prostate, qui est encore tabou, mais qui peut être guéri s’il est détecté et traité précocement.
Pendant l’ouverture de la campagne annuelle d’« Octobre Rose 2022 », un technicien de la mairie de Moroni s’est invité à l’événement. Il a surpris plus d’un en évoquant avec justesse les enjeux de la lutte contre le cancer.
« Savez-vous que la maladie tue 200 Comoriens par an ? C’est plus que les 161 compatriotes morts de covid-19. Il ne se passe pas un mois sans qu’un avion n’atterrisse avec deux ou trois corps rapatriés de nos compatriotes décédés, notamment du cancer de la prostate. Avec les activités de l’ACCF qui sont féminisées et une maladie qui touche aussi avec la même ampleur les hommes, j’aurais souhaité que l’association s’arrête sur ce qui arrive à cette autre catégorie dont la plupart, comme les femmes, ignorent le danger de cette maladie », a-t-il regretté.