Les étudiants à la faculté de médecine d’Antananarivo et ceux de la faculté des Sciences ont organisé une conférence pour informer sur la place de l’alimentation aux Comores dans la prévention des Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC).
Par Nezif-Hadj IBRAHIM
Le 4 août dernier, l’Association des Étudiants et Chercheurs Comoriens à la Faculté des Sciences d’Antananarivo en collaboration avec le Rassemblement des Étudiants Comoriens en Médecine à la même université a organisé une conférence dont le thème était « la place de l’alimentation dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux » avec la particularité de s’intéresser au système alimentaire des Comores.
Il s’agissait de regards croisés sur l’hygiène alimentaire, selon une approche médicale et nutritionnelle. Du côté des étudiants issus de la faculté des Sciences, on retrouvait Hachim Abdoulfatahou, étudiant en Master II en physiologie Spécialisée en nutrition et de Lihadji Cynthia qui est en Master II de Biotechnologie. À côté d’eux, siégeait Hachimia Soule, interne des hôpitaux et Toihir-eddine Mirihane également interne. L’auditoire était composé essentiellement de Comoriens venus s’informer sur les causes des accidents vasculaires cérébraux aux Comores, des accidents trop fréquents dans l’archipel.
L’alimentation au centre de la réflexion
Hachimia Soule a présenté la maladie, ses causes et donné des éléments pour les prévenir. Selon l’interne en médecine, les accidents vasculaires cérébraux sont de plus en plus nombreux aux Comores avec une prédominance féminine. « Il s’agit de la deuxième cause de mortalité dans les pays émergents », rappelle-t-elle. Pourtant on a longtemps considéré que ces maladies étaient liées à la forte urbanisation dont les corollaires sont le déplacement par les moyens de transport et la sédentarité, qui ne favorisent pas les exercices physiques.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit l’AVC comme « le développement rapide de signes cliniques localisés ou globaux de dysfonction cérébrale avec des symptômes durant plus de vingt-quatre heures pouvant entraîner la mort, sans autre cause apparente qu’une origine vasculaire ». Aux Comores, il n’y a pas de statistiques officielles des personnes victimes de cette maladie chaque année. Cependant, il est avancé que de 2009 à 2019 on est passé de 64 à 209 cas et des plus jeunes en font aussi les frais. Ce ne sont pas des chiffres représentatifs sachant que les urgences de ce genre sont souvent évacuées vers Mayotte ou en Tanzanie quand la famille a les moyens. Il est tout de même légitime de se référer à ces chiffres pour prendre conscience de la montée en puissance de l’AVC aux Comores. Pour Hachimia Soulé des facteurs de risques contribuent à cette croissance de la maladie, certains modifiables et d’autres non. On impute pourtant les facteurs modifiables comme principales causes de l’AVC : l’hypertension qui est la principale cause, l’obésité abdominale, l’alcool, le tabagisme, la sédentarité. Ce sont des facteurs de risques qui demandent tout simplement une vie saine.
Mieux se nourrir pour prévenir les accidents vasculaires cérébraux.
L’alimentation occupe une place primordiale dans la prévention des AVC. Les nutriments contenus dans les aliments jouent un rôle important dans la motricité du corps. Hachim Abdoulfatahou n’hésite pas à relever le facteur déterminant de la bonne alimentation pour prévenir l’AVC. « Il faut savoir se nourrir selon la pyramide alimentaire », conseille-t-il. Le jeune étudiant en physiologie en a profité pour vanter les bienfaits d’aliments à base végétale dont l’apport nutritif est essentiel pour être en bonne santé et prévenir toutes sortes de maladies. Manger sain n’a pas seulement vocation à lutter contre les maladies comme l’AVC. Il est aussi important de faire attention à son hygiène alimentaire post-AVC, surtout pour éviter les récidives et limiter le plus possible les séquelles qui sont souvent irréversibles. Le futur nutritionniste privilégie la consommation de légumes tout en modérant les aliments riches en graisse saturée telle que la viande ou riches en sucre et en sel. Or ce sont les aliments qui garnissent nos assiettes.
Une culture alimentaire favorable aux accidents vasculaires cérébraux
« Culturellement le Comorien mange trop gras, trop salé et trop sucré », constatent Toihir-eddine Mirihane et son collègue Hachim Abdoulfatahou. On a aussi adopté des pratiques propices à la prolifération des AVC. Le premier cite l’exemple du « fukare », une période de quarante jours pendant laquelle la femme qui a accouché est retenue dans son lit et alimentée de nourriture riche en cholestérol et en sucre afin qu’elle grossisse. Après cette durée de sédentarité « culturelle », le plus souvent, ces femmes développent une obésité abdominale. Pour le jeune interne des hôpitaux, c’est l’une des causes qui fait la prédominance des femmes parmi les victimes de l’AVC aux Comores. Par ailleurs, dans notre pays, les femmes ne sont pas actives physiquement, elles restent à la maison en s’occupant de la famille. Les hommes aux contraires sortent et en profitent pour faire de la marche.
Pour Hachim Abdoulfatahou, l’illustration encore plus notable de notre mode alimentaire comme favorisant les AVC se sont les plats lors des mariages. Durant les mois de ces festivités, les Comoriens consomment quotidiennement des plats contenant tous les éléments nocifs. Notre mode alimentaire est donc aussi responsable de la prolifération des AVC. Cependant si auparavant il y avait moins d’AVC c’est que la population était moins sédentaire.
La hiérarchisation alimentaire et le marketing mondialiste
Avec la démocratisation de l’accès aux réseaux sociaux, la culture occidentale est prégnante. La pizza, le hamburger, le tacos, le kebab sont devenus des produits phares de la mondialisation. Avec eux les boissons gazeuses dépassent les frontières. Ce phénomène influe négativement dans les modes alimentaires. C’est la position défendue par l’un des doyens de l’Association des étudiants dans la faculté des Sciences, El-Farouk Mohamed Abdallah. Effectivement, un autre modèle alimentaire gagne le pays avec son lot de fast-foods où un cocktail de nourritures sucrées, salées, grasses se vend. Et les plus jeunes en raffolent. La façon de se nourrir de nos grands-parents, qui était plus saine, n’a plus de valeur.
Aux Comores, les produits importés sont plus abordables que les produits locaux. Les ailes de poulet sont par exemple pour une grande partie de l’année moins chères que le poisson et pareil pour les boissons gazeuses. Cette problématique du pouvoir d’achat fait qu’à l’échelle nationale la viande la plus consommée fait partie des produits surgelés qui ne sont pas des produits sains.
L’AVC n’est pas encore un problème de santé publique
Alors que l’AVC fait des ravages, les autorités politiques ne semblent pas prendre la mesure de son ampleur. La vie ne semble pas être une valeur essentielle dans la gouvernance de la population. Aucune campagne au niveau national n’est organisée alors que la sensibilisation est importante. L’hypertension artérielle constituant le principal facteur de risques, un dépistage sur les populations à risque s’avère indispensable. Pourtant l’État ne fait pas l’effort de porter ce problème dans son programme politique. Les médecins annoncent que l’AVC est une problématique de santé publique alors que les autorités compétentes ne se donnent pas les moyens de s’en occuper. Et pendant ce temps, les morts pour cause d’AVC ne cessent d’augmenter.