C’est dans un hôtel de Mutsamudu que, mardi 25 mars, le parti Swauti a tenu une conférence de presse pour dresser le bilan de ses deux années d’existence, mais aussi pour faire le point sur les récentes élections législatives et municipales.
Par Naenmati Ibrahim
Malgré les obstacles et les irrégularités qu’il attribue au régime en place, le parti Swauti célèbre ses avancées, affichant une posture fière et rassurante pour une formation politique récemment créée. Il se félicite d’avoir obtenu des conseillers municipaux, ainsi que d’avoir présenté un candidat aux législatives à Ngazidja ayant su rassembler autour de lui.

Une conférence sous le signe du triomphe… et des doutes
Le président du parti, Housni Mohamed Abdou, fils de l’ancien Premier ministre Abdou Madi de Mjamawe — un ancien collaborateur de Mohamed Bacar, président de l’île autonome d’Anjouan exilé à Mayotte depuis 2008 — a affiché une satisfaction notable.
Il a même laissé entendre que son parti se prépare déjà aux élections présidentielles de 2029, un horizon pourtant incertain dans un pays où l’opposition est muselée et où le président en exercice, Azali Assoumani, a récemment évoqué l’idée de transmettre le pouvoir en héritage « à son fils », selon l’interprétation des journalistes, « à un fils » selon la rectification de ses services de communication.
Au-delà de l’autosatisfaction et des projections ambitieuses, plusieurs zones d’ombre persistent quand on considère le nouveau parti politique.
D’où viennent les moyens du parti Swauti ?
L’une des questions les plus intrigantes de cette conférence a été soulevée par des journalistes présents : comment Swauti finance-t-il ses activités politiques ? En effet, dans un contexte où de nombreux partis manquent de ressources et où l’opposition peine à exister, Swauti semble disposer de moyens nécessaires pour organiser une réunion dans un hôtel de Mutsamudu.
À cette interrogation, Housni Mohamed Abdou a répondu de manière laconique : « Ce sont nos cotisations. » Une réponse qui, bien que politiquement correcte, n’a pas dissipé les doutes. Comment un parti aussi jeune peut-il s’autofinancer à un tel niveau alors que la répression politique et économique empêche généralement l’opposition de prospérer ? Cette question reste ouverte.
Pourquoi Housni Mohamed Abdou ose-t-il parler quand les autres se taisent ?
Autre fait marquant de cette conférence : l’omniprésence d’Housni Mohamed Abdou sur la scène politique, alors que la plupart des figures de l’opposition sont réduites au silence. Lorsque Masiwa lui a demandé pourquoi il était le seul à oser s’exprimer à Anjouan alors que d’autres évitent la confrontation, il a répliqué sèchement : « C’est vous qui n’êtes pas bien renseignée. Il y a d’autres personnes qui font de la politique. »
Un argument qui ne recouvre pas une réalité sur le terrain, car en réalité, ceux qui critiquent ouvertement le régime le font depuis l’étranger. Sur place, la peur règne. Si quelques candidats déchus aux élections législatives et municipales ont tenté de dénoncer les irrégularités, leurs voix n’ont pas suffi à ouvrir un véritable débat politique. Le régime, régulièrement accusé de dérive dictatoriale tant à l’intérieur qu’au niveau international, ne laisse que peu d’espace à la contestation.
Alors, pourquoi Housni Mohamed Abdou, qui était jusqu’à très peu un diplomate à l’Ambassade des Comores au Maroc, peut-il s’exprimer plus librement que les autres ? Aurait-il des garanties ou une stratégie particulière qui lui permet de contourner les pressions ?
2029 : Un pari risqué ou une stratégie bien calculée ?
Housni Mohamed Abdou a affirmé que, tournante ou pas, Swauti présenterait un candidat en 2029. Une déclaration audacieuse dans un contexte où l’incertitude politique domine. Officiellement, la Constitution prévoit que la présidence reviendra à un Anjouanais, mais les déclarations d’Azali Assoumani laissent planer le doute sur le respect de la règle de la tournante.
Pourquoi, alors, cette assurance de la part de Swauti ? Est-ce une pure démonstration de force ou le signe d’un jeu politique en coulisses ?
En appelant à la création de nouveaux partis ou au ralliement à Swauti, Housni Mohamed Abdou semble vouloir structurer une opposition aujourd’hui désorganisée et désabusée. Mais son appel aura-t-il un impact réel dans un pays où même le multipartisme paraît vidé de son sens ?
Un engagement politique qui intrigue
Si cette conférence a permis à Swauti de marquer des points sur le terrain politique, elle a aussi soulevé de nombreuses interrogations. Entre l’assurance d’un avenir électoral dans un climat incertain, des financements qui intriguent et une liberté de parole inhabituelle dans une opposition réprimée, le positionnement d’Housni Mohamed Abdou mérite d’être scruté de près.
Est-il l’un des derniers à croire encore en un changement possible ou joue-t-il une carte qui nous échappe encore ? Dans un pays où la population a perdu foi en la politique et où les institutions démocratiques vacillent, une chose est certaine : la route vers 2029 sera longue et semée d’embûches.