Après avoir prêté serment conformément à la loi devant la Cour suprême et s’être installés dans leurs fonctions le 18 mai, le mercredi 24 mai, trois membres titulaires de la Commission nationale électorale indépendante (CENI), désignés par le président de l’Union des Comores ont convié les journalistes à leur siège sis au quartier de la Coulée à Moroni.
Par Hachim Mohamed
À huit mois des élections présidentielles et gubernatoriales, la CENI envisage une vaste campagne d’information, d’éducation et de sensibilisation sur les enjeux des scrutins. Pendant cette conférence de presse, ses membres ont surtout insisté sur la signature d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens avec les médias qui vont relayer et couvrir les événements.
En présidant cette première prise de contact de la nouvelle équipe de la CENI avec les journalistes, le secrétaire chargé de la communication et du règlement, Ahmed Saïd Mdahoma a mis l’accent sur les volets qui définissent clairement les rôles et les responsabilités des deux parties. Il a divulgué la date de lancement des opérations d’inscription dans le fichier électoral : le 28 mai.
Le rôle de la presse.
Les médias sont amenés à jouer un rôle pivot dans les événements à venir, comme à chaque élection.
« La population boude de plus en plus les urnes. Nous savons le rôle que jouent les médias pour une vaste campagne d’information, d’éducation et de sensibilisation pendant cette période cruciale pour notre pays. La couverture médiatique est un élément stabilisateur sur le terrain et dans le processus. », affirme Me Gérard Youssouf qui a loué le rôle éducatif de première importance de la presse.
Force est de constater que la CENI n’a pas présenté la stratégie qu’elle entend mener d’ici aux scrutins, avant éventuellement la signature d’un contrat avec la presse. Par contre, au cours des échanges, les affaires douteuses et secrètes de la CENI ont surgi du passé. Chacun pouvait également sentir la crispation non seulement de la situation politique, mais aussi au niveau de la couverture médiatique.
Les cadavres des placards de la CENI
Cette première prise de contact avec la nouvelle équipe de la CENI était l’occasion pour deux journalistes de mettre en lumière des clauses « illégales » ou abusives dans des contrats de prestation de service avec les médias. Sur ce volet, les cadavres cachés dans les placards ont été exposés, du moins en partie.
Le journaliste Ali Mtamou a mis en cause la gestion passée de la CENI et l’ardoise laissée lors des dernières élections, même s’il n’a pu chiffrer le montant de ce que la CENI doit à son organe de presse.
« Autant que faire se peut nous allons pondre un rapport sur ces éléments que vous avez livrés, notamment les doléances de médias et les transmettre à la hiérarchie », a soutenu Me Gerard Youssouf.
La question reste à savoir combien de temps il faudra avant que les médias actifs refusent de signer un autre contrat, si la CENI ne solde pas l’ardoise qui leur avait été présentée. Un autre journaliste a surpris l’assistance quand il a exigé une avance financière avant de signer quoi que ce soit. Une manière pour lui d’éviter la situation des précédentes élections pendant lesquelles des médias qui avaient signé des contrats avec la CENI ont été floués.
Des pans entiers d’archives publiques électroniques ne sont pas déclassifiés
Au-delà de cette patate chaude refilée aux nouveaux membres de la CENI, la question centrale était de savoir comment convaincre la population et l’inciter à aller voter malgré les errements évoqués.
À l’échelle de la CENI, Me Gérard Youssouf a expliqué que les archives sur les élections passées sont généralement fragmentaires.
« Le principal écueil à contourner est d’accéder au disque dur. Tellement nous sommes toujours à chercher le mot de passe… pour nous approprier et nous imprégner de ces pans entiers d’archives publiques électroniques qui ne sont jamais déclassifiées », s’est-il offusqué.
L’opacité totale
Pour une élection présidentielle aussi cruciale, accompagnée des scrutins qui permettront dans chaque île de choisir les gouverneurs, doit-on accepter et se résigner devant un tel modèle de gouvernance aux Comores ?
Fait aggravant, une totale opacité a toujours régné sur le comptage et le calcul des données fournies à la CENI et même sur son mode de fonctionnement.
À la question de savoir si les Comores connaîtront enfin des élections libres, régulières et pleinement démocratiques en 2024, la réponse n’est pas à chercher loin si l’on tire les leçons du passé proche.
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