Mdama Toihir Daoud, membre du Front Commun des Forces Vives comoriennes (FCFVC), chargé avec Zilé Soilihi du Comité de pilotage des commissions mises en place par l’organisation. Il a centralisé les demandes d’amendements du texte « Organisation de la Transition après la Chute du colonel Azali ». Il a accepté de répondre à quelques questions de Masiwa, après la rencontre autour de ce document ce samedi 8 octobre à Marseille.
Propos recueillis par MiB
Masiwa – D’où le Front commun des Forces vives tire-t-il sa légitimité à mener la sortie de crise aux Comores ?
Mdama Toihir Daoud – La crise politique, économique, sociale et institutionnelle que traversent les Comores exige un sursaut national pour faire chuter dans les meilleurs délais le régime tyrannique et dictatorial d’Assoumani Azali.
Lorsqu’on parle des Forces Vives comoriennes, c’est l’ensemble des organisations politiques et de la société civile qui luttent contre la Dictature et pour le retour à l’ordre constitutionnel et la consolidation de l’État de droit.
C’est légitime parce que populaire.
Masiwa – On s’attendait à la fin de votre document à trouver les signatures des chefs des partis ou organisations qui soutiennent la démarche…
Mdama Toihir Daoud – Le document que vous avez reçu était une projection soumise à l’ensemble des Forces Vives qui luttent contre le régime. Les organisations qui ont répondu à la proposition se sont réunies en séminaire le 8 octobre à Marseille pour l’adoption. Le processus d’adhésion reste ouvert aux autres organisations qui voudront s’y adjoindre.
Le séminaire a réuni outre le Comité de Suivi du Pacte de Montreuil (signé en juillet 2020 pour la défense de la Tournante et de la Bonne Gouvernance), l’ensemble des collectifs et une dizaine d’organisations sociopolitiques, soit une soixantaine de participants.
Le Front Commun de l’intérieur que nous représentons à l’extérieur nous a donné quitus pour organiser le séminaire de samedi. Il faut écouter son porte-parole, Razida, il y a quelques jours. Le Front Commun, c’est l’Union de l’opposition, le CNT et Wadzade wa yirumbi.
Masiwa – Quel a été le processus d’élaboration et de validation de ce texte ?
Mdama Toihir Daoud – Ce document est une projection initiée par le CDS. Ce Comité est la représentation des Forces Vives comoriennes à l’extérieur.
Le processus est déclenché. Il nécessite une démarche à la fois participative et pédagogique.
Masiwa – Pourquoi ce texte arrive maintenant ? Est-ce qu’il y a des signes d’affaiblissement du pouvoir Azali ?
Mdama Toihir Daoud – Certainement. Il n’y a aucun doute sur cela.
Masiwa – Le texte donne l’impression d’avoir réglé tous les problèmes d’une transition et pourtant le recours au futur laisse penser que tout se décidera au moment venu.
Mdama Toihir Daoud – On peut affirmer déjà un consensus pour cette période de transition qui est de douze mois, sans dépasser dix-huit mois.
Masiwa – La conférence constitutionnelle est l’organe central des institutions transitoires, quels sont les critères qui vont présider à sa composition ?
Mdama Toihir Daoud – Les critères qui président la composition des organes de la transition sont l’engagement dans la lutte, le consensus et l’équilibre des îles.
Masiwa – Sur le plan juridique peut-on imaginer qu’on rétablisse la constitution de 2001, mais qu’on applique uniquement ce qui nous arrange et qu’on modifie ce qui ne nous arrange pas ?
Mdama Toihir Daoud – La période de la transition est une période spéciale, non prévue par la Constitution. Donc, le recours au consensus s’impose comme règle chaque fois que nécessaire pour la mise en place progressive des institutions constitutionnelles. cf. jurisprudence de la Conférence nationale de 1990 après l’assassinat du Président Ahmed Abdallah Abdérémane. [NDRLR : En réalité, la situation n’était pas la même, parce qu’en 1990, le pays avait un président et un gouvernement d’intérim issus de l’interprétation des textes existants].
Masiwa – Toujours sur le plan strictement juridique, peut-on imaginer que la Constitution soit amendée par un organe non représentatif du peuple et sans aucune légitimité issue des urnes ?
Mdama Toihir Daoud – Effectivement, en période spéciale et non prévue dans la Constitution, c’est le consensus qui prévaut. C’est la raison pour laquelle, l’opposition plurielle et la société civile doivent se parler dès maintenant pour ne pas se trouver dans le « msadjadja » après la chute d’Azali. Pour éviter le « msadjadja », autrement dit le chaos, il faut le dialogue entre toutes les forces qui combattent la Dictature. Je suis dans cette ligne de conduite, au-delà des calculs politiciens des leaders politiques. Il faut se débarrasser de ce régime. Il faut l’union de tous et surtout l’unité d’action. C’est le sens de mon engagement et de ma détermination à poursuivre cette lutte.
Masiwa – Comment comptez-vous désigner les membres du gouvernement de Transition, de la CENI et les membres de la Cour constitutionnelle, tout en sachant qu’ils ne devront pas avoir servi le « pouvoir dictatorial » actuel ? Qui va les nommer ?
Pour ce projet de texte, nous avons fait une compilation des différents amendements. On a déjà le consensus pour la durée, la gouvernance (directoire avec un représentant de chaque île dont Mayotte), les structures pour les élections (CENI et Cour Constitutionnelle), les structures annexes (commission de réflexion sur les réformes, commission « Vérité et Réconciliation »). Tout doit être pensé avant et pendant la transition. Et l’exécutif qui sera élu continuera de mettre progressivement les institutions constitutionnelles pendant la Tournante d’Anjouan et de Mohéli.
On a validé des points de consensus. Le texte doit être retravaillé. La démarche de rassemblement et de consensus est l’objectif principal visé par ce texte. Je ne suis pas juriste ni politique politicien. Après le consensus sociopolitique, il appartient aux juristes de rédiger un texte conformément à la loi et au consensus trouvé.
Masiwa – Et il n’y a pas d’autres organisations avec d’autres projets ?
Mdama Toihir Daoud – Même COMRED a un projet. Hier, Dr Abdoulhakim était avec nous. On essaie de se parler et travailler sur les points de divergence. Par exemple, le COMRED veut une réforme constitutionnelle immédiatement. Et nous par souci de temps, on ne veut pas une transition qui dure longtemps. Pendant la transition, on peut mettre en place une réflexion sur les réformes nécessaires à la Constitution. Mais l’objectif principal de la transition c’est la préparation des élections pour la Tournante d’Anjouan et de Mohéli. Nécessité de préserver cette Tournante et surtout permettre l’autonomie large des îles. Ce sont les deux principes fondamentaux de l’Accord de Fomboni.