Critiquer le gouvernement, y compris le président Azali et ses ministres, est souvent un réflexe facile, mais cela ne reflète pas toute la complexité de la situation aux Comores. Il est simpliste de leur attribuer seule la responsabilité de la mauvaise gouvernance. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte pour soutenir cette affirmation.
Par HOUDAIDJY SAID Ali, Titulaire d’un master en droit public, Spécialité Relations internationales
D’abord, les Comores sont confrontées à une situation complexe qui nécessite une approche nuancée. Blâmer exclusivement le gouvernement pour tous les maux est réducteur. Les pratiques démocratiques, les valeurs religieuses, les traditions et les comportements de la population locale jouent également un rôle significatif.
Ensuite, avec une population d’environ 900 000 habitants, il est irrationnel d’attendre d’un gouvernement qu’il fournisse des services au-delà de ses capacités. Des domaines cruciaux tels que la fourniture d’électricité, l’éducation, les infrastructures routières et la rémunération des fonctionnaires exigent d’énormes ressources financières. Cependant, la population active, estimée à moins de 300 000 personnes, montre une faible propension au travail, ce qui aggrave les difficultés économiques.
De plus, les fonds publics proviennent principalement des recettes fiscales et des finances publiques, et une gestion budgétaire prudente est essentielle. Il est injuste de blâmer le gouvernement sans tenir compte de ses contraintes financières. Comment attendre de moins de 500 000 contribuables qu’ils subviennent aux besoins de 900 000 personnes ? Cette disproportion explique en partie les défis économiques persistants.
Certains suggèrent les partenariats public-privé comme solution, adoptant des méthodes capitalistes pour combler les déficits budgétaires. Cependant, cette approche nécessite une évaluation approfondie. Reconnaître les limitations financières de l’État est crucial pour comprendre les difficultés rencontrées. Bien que je ne discute pas ici des aides extérieures, faute de données précises, l’examen de l’organisation et de la composition de la population permet de tirer des conclusions pertinentes sur les défis structurels aux Comores.
Les traditions culturelles , un frein au développement des Comores
La problématique des familles comoriennes se manifeste par la cohabitation intergénérationnelle, où un seul membre, souvent le père, travaille pour subvenir aux besoins de toute la famille, y compris ses frères adultes qui ne contribuent pas financièrement, mais bénéficient des ressources partagées comme la nourriture, l’électricité et l’eau.
Cette dynamique économique met en lumière une question plus large : ceux qui ne contribuent pas financièrement critiquent souvent la gouvernance sans évaluer leur propre implication dans l’effort collectif. Cela soulève la responsabilité partagée dans la mauvaise gouvernance, plutôt que de la placer uniquement sur le président et son gouvernement.
Quant au développement économique des Comores, les défis culturels et traditionnels, comme le “Grand Mariage” (Anda), influencent la politique nationale. Ali Soilihi a tenté de réformer cette tradition coûteuse pour promouvoir l’autosuffisance alimentaire, mais a rencontré une résistance significative. Cette tradition continue de dicter les relations entre les gouvernements et les notables, influençant ainsi les décisions politiques et économiques sans nécessairement refléter les besoins plus larges de la population.
La question essentielle réside dans le rôle effectif des grands notables. Leur présence lors des discours présidentiels vise principalement à maintenir leur statut social, souvent acquis par des arrangements financiers. Ce cercle fermé garantit un accueil favorable au président sans jamais accorder d’attention aux jeunes, qui demeurent subordonnés à leurs parents. Les qualifications et compétences des jeunes sont souvent négligées au profit de la notabilité, généralement obtenue par le biais de mariages influents où l’argent et l’âge jouent des rôles déterminants.
Cette dynamique organisationnelle assure que les aînés, ou ceux dépensant le plus pour ces mariages prestigieux conservent le pouvoir, marginalisant ainsi la voix des jeunes. Toute tentative d’expression des jeunes face aux aînés est perçue comme un acte d’insolence, reflétant une société où les aînés sont toujours considérés comme infaillibles.
Cette situation pose problème, car la jeune génération, pleine de potentiel et de ressources, se trouve limitée par des parents souvent restreints dans leur compréhension et leurs capacités. Que savent réellement les notables comoriens des libertés fondamentales, du développement durable ou des finances publiques ? Les jeunes, mieux informés et éduqués, se retrouvent confrontés à des parents détenant le pouvoir malgré leur manque de connaissances.
La véritable difficulté réside dans les structures familiales elles-mêmes ; il est crucial de démocratiser la société en initiant une éducation des parents sur les besoins essentiels et les responsabilités de l’État. Une population instruite et consciente saura exiger de l’État la création d’écoles, d’universités et d’infrastructures comme un droit fondamental, et non comme une faveur.
Il est impératif de démocratiser nos familles, d’encourager les gens à contribuer activement, que ce soit dans les bureaux, sur la terre ou en mer. C’est ainsi que nous pourrons espérer voir émerger un changement authentique et un développement durable pour notre pays.
Une jeunesse qui ignore la démocratie et les missions de l’État
Il est crucial de souligner la problématique du non-respect des lois dans notre société, souvent motivé par des raisons religieuses ou traditionnelles, ce qui représente un grave danger pour la stabilité et le développement du pays. Dans un système où de telles pratiques sont répandues, il est concevable qu’une figure notable puisse intervenir auprès des dirigeants pour influencer une décision judiciaire en sa faveur, en invoquant des liens personnels ou des privilèges.
Un exemple marquant de cette dynamique s’est produit en 2018 à Iconi, lorsque des jeunes ont attaqué la douane comorienne à Moroni après que les autorités ont refusé de leur remettre les véhicules. Ils ont ensuite caché les voitures volées dans le sud de la ville d’Iconi, ce qui a conduit à un déploiement massif des forces de l’ordre et à un siège de la ville qui a duré jusqu’au deuxième jour de l’incident, un dimanche. C’est à ce moment que les autorités ont commencé leurs investigations pour retrouver les véhicules volés à la douane.
Cet événement a profondément marqué Iconi, entraînant la perte d’une vie et plusieurs blessés. Il a également suscité des débats intenses sur l’usage des armes à feu par les forces de l’ordre contre des civils non armés. Bien que la perte de vie soit tragique et inexcusable, il est important de comprendre que l’armement des forces de sécurité aux Comores est lié à des contraintes structurelles. En tant que pays à faibles revenus, les Comores ne disposent pas de structures spécialisées pour chaque domaine d’intervention, et les forces de gendarmerie remplissent souvent des fonctions similaires à celles de l’armée nationale de développement, utilisant les mêmes équipements et véhicules.
Cette dualité fonctionnelle explique pourquoi l’intervention armée peut être observée dans des situations comme celle d’Iconi, où les forces de l’ordre doivent faire face à des scénarios variés allant de la surveillance des matchs à la gestion de crises telles que des braquages. Cependant, ces circonstances soulignent également la nécessité d’une réforme institutionnelle pour clarifier les rôles et responsabilités des différentes branches de sécurité, afin de prévenir de tels incidents à l’avenir et de restaurer la confiance publique.
Le débat sur le déploiement des forces armées à Iconi a fait émerger plusieurs points cruciaux. D’une part, l’attaque contre une institution étatique est comparée à un acte aussi grave que le meurtre, étayée par l’incident préalable de braquage de la douane. Cela justifiait l’intervention militaire pour rétablir l’ordre, malgré les suggestions de recourir à des forces non armées.
D’autre part, la participation des jeunes d’Iconi dans ces affrontements soulève des interrogations sur leurs motivations et leur rôle dans la confrontation avec les forces de l’ordre. Leur implication imprudente a exacerbé la crise, mettant en lumière la nécessité de responsabilisation individuelle et du respect des lois pour prévenir de telles situations à l’avenir.
En rétrospective, une meilleure compréhension de l’impact d’une obstruction au service public aurait pu empêcher cette escalade. De plus, l’incident révèle un déficit démocratique apparent aux Comores, soulignant les tensions entre justice perçue et justice équitable.
Cet épisode semble avoir été exploité par des figures influentes d’Iconi pour des gains personnels, tirant parti de la situation pour bénéficier financièrement aux dépens du gouvernement.
Les discours des Comoriens parfois rappellent le comportement de Ponce Pilate, où ils ont tendance à rejeter la responsabilité de leurs actions sur autrui, cherchant à éviter d’assumer directement les conséquences de leurs décisions ou comportements.