Il y a presque deux mois que le Colonel Azali Assoumani a manu militari raflé l’élection présidentielle dès le premier tour. Il a par la même occasion fait passer ses « hôtesses de l’air », comme il les qualifie, à la direction des trois îles.
Par Me Mounawar Ibrahim
Toutefois tout ne s’est pas passé comme prévu. Tout a failli basculer et c’est une première depuis 2016. Le peuple a réussi à pousser ce régime à commettre ouvertement une faute : réprimer de façon meurtrière un soulèvement au vu de toute la communauté internationale qui n’a pas pu fermer les yeux. Mais pour la première fois aussi, Azali et les siens ont douté de leur contrôle total du pays. La peur avait en l’espace de vingt-quatre heures changé de camp. Le pouvoir a vacillé. La porte du départ du Colonel était entrouverte. Il suffisait juste de la pousser un tout petit peu et son sort était scellé.
Une occasion manquée
Mais, ses opposants n’en ont pas été capables. L’opposition n’a pas su saisir ce qui était vraisemblablement son unique occasion de réécrire le destin du pays. Ces candidats lésés ont déçu. Ces hommes qui ont tous eu à occuper des responsabilités de premier plan au sein de l’État excepté Dr Salim Issa Abdallah qui a tout de même l’immense avantage d’être le candidat du premier parti d’opposition. Ils devraient normalement être en mesure de proposer quelque chose de consistant au peuple qui n’attendait que cela. De plus, ils fanfaronnaient partout en martelant qu’ils iraient jusqu’au bout de ce combat quitte à y rester. Où est passée cette ferveur, cette énergie ?
Notons de surcroît que les caciques de l’opposition qui avaient refusé de participer à ce qu’ils ont qualifié à raison de forfaiture les ont rejoints. Sans parler de la jeunesse en colère et de la notabilité de Ngazidja molestée deux fois par les forces du régime lors d’une simple réunion qu’elle voulait organiser à Moroni, puis à Foumbouni. Et au lieu de capitaliser toutes ces ressources, tous ces atouts pour coordonner une action efficace, ils continuent à se pavaner partout avec un discours inaudible. Ils sont en manque total et flagrant de repères. Du moins, c’est ce qu’ils laissent penser.
Des déplacements à Addis-Abeba, à Mohéli pour dénoncer les fraudes perpétrées par la CRC, le parti présidentiel. Mais, in fine, c’est pour quel but ? Ils comptent obtenir quoi de ces tournées ? Ils ne peuvent pas commettre les mêmes erreurs et s’attendre à un résultat différent comme dirait l’autre. Ils ne peuvent pas combattre avec une arme blanche une personne munie d’armes lourdes et qui n’hésite pas à s’en servir. Une personne qui tient les militaires et les juges entre ses mains. Ils n’ont toujours pas retenu la leçon de 2019 ou bien ils mentent à la population.
Le temps est compté
Sur le plan diplomatique, la cause est perdue. De simples dénonciations ne suffiront pas. L’Union européenne et les États-Unis n’avaient pas reconnu la victoire d’Azali, non pas parce que les candidats l’ont demandé, mais à cause du soulèvement populaire qui a suivi. Il est certain que les chiffres présentés par Idrissa Saïd, le président de la CENI, les ont aidés, mais c’est surtout la voix de la rue qui a été concluante. Donc qu’on ne se méprenne pas. Les instances internationales ont horreur du vide. Il leur faut un interlocuteur pour leurs intérêts stratégiques. C’est factuel. Quant à L’Union africaine qui conforte son image d’une organisation inefficace, qui réunit les dictateurs solidaires du Continent, il ne peut rien en sortir de bon. Et malheureusement le temps est compté.
Lorsqu’une personne ne donne plus de nouvelles, les heures qui suivent sont déterminantes. Au bout d’un certain moment, l’espoir disparaît aussi. Il en est de même pour cette lutte. Plus le temps passe, plus les Comoriens se résignent. Ils acceptent l’inévitable. Ils l’ont déjà accepté d’ailleurs. Ils ont compris que les candidats de l’opposition sont dépassés par les événements. Ils n’avaient réellement rien préparé. C’étaient des paroles lancées sans réserve. Résultats des courses : rien n’est fait depuis.
Le 26 mai approche et Azali et ses gouverneurs seront investis. Mais, rien n’est définitivement perdu pour des personnes qui veulent réellement agir. Les opposants peuvent corriger le tir. Cette victoire d’Azali n’est pas encore gravée dans le marbre. Une forte mobilisation populaire qui aurait à sa tête tous les leaders de l’opposition changerait la donne. Le peuple a envie de voir ces gens se mettre en avant, en danger au même niveau que lui. La jeunesse n’a aucunement envie de se sentir utilisée par qui que ce soit. Une fois que ce lien de confiance sera créé sonnera le clap de fin pour ce régime qui joue sa survie tous les jours. Il ne faut pas oublier que pour un pouvoir qui a déjà franchi le Rubicon, toutes les possibilités sont sur la table. Comme ils l’ont fait jusqu’ici, les hommes au pouvoir ne se priveront d’aucun moyen de pression et d’action pour faire taire toute voix dissonante.
Nombreux sont donc ceux qui commencent à chercher une bouée de sauvetage pour le prochain quinquennat qui s’annonce rude pour celles et ceux qui ont désobéi avant ou après les élections et les résultats. Il est à parier que ce qui ne les a pas fait tomber, les a rendus plus féroces.