C’était la célébration de la journée de l’Afrique. Comme à l’accoutumée, le président en exercice fait un discours. Pour le coup, Azali Assoumani s’est voulu honnête avec lui-même et avec l’histoire qui l’a conduit à devenir président des Comores.
Par Naenmati Ibrahim
De l’amertume pour un président affaibli ?
Après les formules de politesse, l’allocution d’Azali Assoumani, président de l’Union des Comores et président de l’Union africaine, aborde la question des modifications constitutionnelles et institutionnelles pour se maintenir au pouvoir comme vecteur de l’échec de plusieurs pays du continent africain. Nous lisons dans les débuts de ce discours accessible sur le site de l’organisation panafricaine que « les changements anticonstitutionnels de pouvoirs se multiplient ces dernières années, les conflits inter et intra-africains, mais aussi le terrorisme perdurent et par conséquent, la paix, la sécurité, la démocratie et le développement de notre continent sont menacés, dans plusieurs de nos contrées », affirme Azali Assoumani du haut de la tribune de l’Assemblée générale de l’Union africaine. Ce discours met devant la scène continentale la situation actuelle et explosive des Comores. Elle leur expose le récit dramatique d’un continent condamné à l’échec, car l’on a placé à sa tête l’exemple type de ce qu’ils sont censés combattre pour sortir de leurs difficultés.
Une allocution qui situe les Comores face à son échec démocratique
Le président Azali Assoumani pointe du doigt « les changements anticonstitutionnels de pouvoirs ». Pourtant, son parcours depuis sa réélection en 2016 à la tête de l’Union des Comores est jonché de ces procédés dont le but final est de pouvoir se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible. Les scrutins qui se succèdent vont présenter des irrégularités criantes mettant en cause l’appareil électoral comorien et faisant l’objet de contestations menant à des tensions politiques contre lesquelles il a toujours eu recours à la répression.
Un début de discours qui fait le bilan de l’échec qu’il a causé dans son pays
Après la mort du Président Mohamed Taki, le 6 novembre 1998, en pleine crise séparatiste à Anjouan, le président du Haut Conseil de la République, Tadjidine ben Saïd Massounde occupe l’intérim, comme prévu par la Constitution. C’est « un Anjouanais modéré, plutôt de bon augure », écrivait à l’époque le journal « Libération ». Le chef d’état-major, Azali Assoumani, originaire de la Grande-Comore, le renverse six mois plus tard et devient président putschiste jusqu’en 2002. Il le restera quatre années de plus à l’issue d’une nouvelle constitution créant la présidence tournante d’une durée de quatre ans. Cela lui procurera une certaine légitimité, malgré son rôle joué lors de la répression des Anjouanais qui avait conduit des expulsions de ces derniers vers leur île d’origine. Il quitte le pouvoir en 2006 et en revient en 2016 après une alternance entre les autres îles indépendantes, en l’occurrence Anjouan et Mohéli. Cette alternance a installé la paix et la stabilité durant presque deux décennies. Elle est aujourd’hui remise en question et menacée par un régime devenu autoritaire, sanglant et avec une pauvreté causant une immigration massive vers l’île administrée par la France : Mayotte.
Un mauvais élève qui se veut donneur de leçon
Réélu, Azali Assoumani est investi le 26 mai. Dans la cérémonie, on a retrouvé le gouvernement sortant, dont certains membres déçus de la course aux présidentielles, mais aussi les alliés de poids du président Azali Assoumani tels que l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, ainsi que l’ensemble du corps diplomatique accrédité aux Comores. Le peuple comorien a élu Azali Assoumani en espérant retrouver un homme mûr politiquement et sage. Mais, très vite, apparaissent les signes de la naissance d’une nouvelle dictature aux Comores.
« Les conflits inter et intra-africains, mais aussi le terrorisme »
Lorsque l’actuel président de l’Union africaine continue son discours en affirmant que « les conflits inter et intra-africains, mais aussi le terrorisme perdurent et par conséquent, la paix, la sécurité, la démocratie et le développement de notre continent sont menacés, dans plusieurs de nos contrées », cela rappelle aux Comoriens les années 2018, puis 2019. Interrogé dans les colonnes de Jeune Afrique du 30 novembre 2018, Azali Assoumani avait affirmé que lui et les Comoriens avaient opté pour un régime présidentiel fort, dans lequel il assumerait les deux fonctions de chef de l’état et du gouvernement.
Le 30 juillet de la même année, il avait organisé un référendum constitutionnel jugé anticonstitutionnel par beaucoup, poussant à des actes terroristes comme une attaque à la machette d’un membre des forces de l’ordre dans un bureau de vote à Moroni. Il s’en est suivi un climat politique tendu surtout sur l’île d’Anjouan. Un mouvement rebelle prend les armes et investit la médina de Mutsamudu, signe d’une révolte contre le pouvoir central.
Des similitudes qu’on peut retrouver dans la crise séparatiste de 1997 à Anjouan, mais cette fois-ci, le peuple n’a pas suivi. En effet, depuis le 15 octobre 2018, des rebelles opposés au président Azali Assoumani et ses changements, révisions et modifications constitutionnels et institutionnels s’étaient retranchés dans la médina de Mutsamudu. Il a fallu l’intervention de l’AND pour en reprendre le contrôle le samedi 20 octobre 2018. Depuis, les exils, les arrestations arbitraires et les intimidations reformulent la politique de l’émergence des Comores. Portée comme slogan de campagne en 2019 lors d’une élection anticipée, cette politique maintient le Président Azal Assoumani, censé quitter le pouvoir en 2021 pour laisser la place à un Anjouanais dans le respect de l’alternance, à rester au pouvoir jusqu’en 2024 et de se représenter pour un autre mandat jusqu’en 2029. Il y a quelques semaines, une note émanant de Beit Salam sollicitait le retour des exilés.
Tout le reste de son discours s’accompagne de fantasmes propres aux vieilles dictatures africaines puisqu’il met en récit et transforme les échanges quotidiens de la misère entre les individus présents dans le territoire des Comores. En voici un extrait extravagant : « Notre Continent regorge de potentialités humaines et de ressources naturelles immenses qui, bien exploitées et mises en valeur, feront de notre Continent, l’une des puissances économiques du monde. Nous avons la possibilité, la capacité, mais aussi l’obligation de mettre fin aux crises de toutes sortes qu’il traverse, pour pouvoir nous atteler sereinement, au développement socio-économique ».