Née de la forfaiture commise par le président Azali Assoumani contre la Cour Constitutionnelle en avril 2018, la « section Constitutionnelle et Électorale » de la Cour Suprême chargée de trancher les litiges d’ordre constitutionnel demeure la « chose » de l’exécutif et depuis 2018 n’a pas su trouver sa place et son rôle de contre-pouvoir qu’elle devrait jouer.
Par MiB
Comment le pourrait-elle quand on sait que tous ses membres sont nommés par un seul homme, le chef de l’État, Azali Assoumani ? Comment Madame Harimia Ahmed et ses collègues pourraient émettre un avis contraire aux intentions du gouvernement du président Azali qui les a nommés ?
Le régime actuel se définit justement par la non-séparation des pouvoirs et l’intervention de l’exécutif dans les affaires judiciaires. Cela est évident quand on observe les arrestations et détentions des opposants, et même parfois leur jugement ou libération sans jugement. Nous rappelons qu’une ordonnance d’un juge ordonnant la libération provisoire de l’ancien président Sambi pour qu’il puisse aller se faire soigner a tout simplement été annulée par l’exécutif.
Lors du référendum de juillet 2018 et lors des élections présidentielles de mars 2019, la Cour suprême a joué, pour la première fois, son rôle de juge électoral. Elle a validé le référendum constitutionnel qui permettait au président Azali de prolonger son mandat et lui donne la possibilité de se représenter aux présidentielles de 2024, au mépris du fait qu’en 2022 c’est un Anjouanais qui devait prendre la présidence selon le principe de la tournante instaurée par la Constitution de 2001. Pourtant, les journalistes et les observateurs nationaux et internationaux ont rapporté que les urnes étaient vides et que la grande majorité des électeurs avaient suivi le mot d’ordre de l’opposition et n’étaient pas sortis pour voter. La Cour suprême a passé outre et validé l’adoption d’une nouvelle constitution avec des chiffres fantaisistes.
En 2019, alors que les urnes entreposées à l’Assemblée de l’Union (filmées après la proclamation des résultats par un journaliste proche du pouvoir, le fameux Nono) n’avaient même pas été ouvertes, la Cour suprême a validé des chiffres fournis par le gouvernement sans chercher à connaitre leur origine et leur sincérité.
Depuis, il nous semble que tous les recours, qui peuvent gêner le gouvernement, sont rejetés par la Cour suprême. Elle trouve toujours un détail pour dire qu’elle ne peut pas se prononcer.
Ainsi, après la signature, d’accords de jumelage entre la Mairie de Mamoudzou (Mayotte) d’une part et d’autre part Tsidje, puis Moroni (à Ngazidja) et enfin Mutsamudu (à Anjouan), le citoyen Ahmed Hachim Saïd Hassane demanda à la Cour suprême de constater une violation de la Constitution. Celle-ci s’est défaussée en se justifiant par le fait qu’Ahmed Hachim Saïd Hassane n’avait pas employé les bons termes pour l’interpeller. Heureusement, ce dernier a refait sa demande d’avis.
Entre-temps, le ministère de l’Intérieur a suspendu les Accords signés et a même interdit que celui qui devait être signé à Mwali soit organisé. Pour le gouvernement ces Accords n’étaient pas conformes à la Constitution.
Après cela, la section constitutionnelle et Électorale de la Cour suprême a confirmé les décisions du gouvernement en répondant au citoyen Ahmed Hachim Saïd Hassane que ces accords de coopération étaient bien anticonstitutionnels.
Quatre ans après sa mise en place, cette section de la Cour suprême à la tête de laquelle le président Azali a décidé de placer Mme Harimia Ahmed joue son rôle de supplétif du gouvernement, et elle ne peut rien décider sans l’accord ou l’impulsion de celui-ci.
Puisque le chef de l’État fait appel à l’opposition pour chercher des solutions à la situation économique et politique du pays, il faut prier pour que la mise en place d’une véritable Cour constitutionnelle, indépendante du pouvoir exécutif et libre soit aussi à l’ordre du jour.