Il y a un mois et demi que j’ai quitté Dakar pour m’installer aux Comores. Depuis mon arrivée, j’ai pris le temps d’observer attentivement la situation du pays, tentant d’en saisir les dynamiques profondes. Malheureusement, il m’apparaît de plus en plus évident que le pays est en proie à une crise inquiétante. La jeunesse, autrefois porteuse d’espoir et symbole de l’avenir, semble aujourd’hui s’enliser dans un marasme alarmant, au point qu’on pourrait la qualifier de « génération perdue ».
Par HOUDAIDJY SAID ALI, Juriste Publiciste et Internationaliste. Agent du Protocole d’État. Moroni – Comores
Ce constat se manifeste par une série de comportements inquiétants. Nombre de jeunes se détournent des études, affichant un mépris flagrant pour l’éducation. Ils se livrent à des actes de délinquance, roulent dans des véhicules luxueux sans source de revenus apparente et exhibent des smartphones de dernière génération. Cependant, l’aspect le plus préoccupant réside dans leur consommation excessive de substances dangereuses, une tendance qui ne fait qu’accentuer leur dérive. Bien que l’usage de tabac et d’alcool ne soit pas un phénomène nouveau aux Comores, la situation actuelle prend une tournure plus alarmante.
En effet, j’ai récemment découvert l’existence d’une nouvelle substance, le « snus », qui m’a profondément choqué par sa dangerosité et sa popularité croissante parmi les jeunes. Originaire de Suède, ce produit, qui contient une forte concentration de nicotine, arrive en toute discrétion aux Comores en provenance d’Europe, principalement de France. Contrairement aux autres formes de tabac, le snus se distingue par sa discrétion : il se présente sous forme de petits sachets que l’on place sous la gencive. Il ne nécessite ni mastication ni combustion, réduisant ainsi l’exposition au goudron. Cependant, ses effets sont suffisamment puissants pour provoquer une dépendance rapide.
J’ai été témoin des ravages que cette substance peut causer. J’ai vu un jeune homme, à peine âgé de 20 ans, en consommer en ma présence. En l’espace de six minutes, il a perdu le contrôle de son corps, transpirant abondamment, pris de vertiges, incapable de se tenir debout, jusqu’à vomir devant nous. Il a fallu lui faire boire du jus de mangue et de l’eau pour tenter de l’apaiser, et il a dû être raccompagné chez lui, bien qu’il n’habitait qu’à 300 mètres de là.
Face à cette expérience traumatisante, il me semble impératif de suivre de près la situation liée au snus aux Comores. Bien qu’il soit vendu à cinq euros en France, il est revendu ici à des prix exorbitants, jusqu’à vingt euros, ce qui laisse entrevoir un marché noir lucratif et inquiétant, surtout dans un contexte où les jeunes sont en quête de sensations fortes et de dépendance. Plus grave encore, ces produits passent par l’aéroport de Hahaya sans être soumis à aucun contrôle, ce qui facilite leur prolifération.
L’impact du snus sur la santé publique aux Comores
La situation de la jeunesse comorienne, déjà préoccupante, se trouve aujourd’hui aggravée par l’introduction de substances dangereuses comme le snus. Il est urgent d’agir pour endiguer cette menace avant qu’elle ne prenne des proportions encore plus dramatiques.
Les snus, bien que largement répandus en Norvège et en Suède, sont interdits dans de nombreux pays européens. Il serait prudent pour les Comores de s’interroger sur les effets potentiels de l’introduction massive de ces produits dans le pays, particulièrement au sein d’une génération déjà en proie à une forte dépendance. Une régulation stricte, voire une interdiction, de ces substances s’avère nécessaire, tout comme un contrôle rigoureux du marché du tabac.
Le snus induit une dépendance accrue à la nicotine, entraînant une addiction sévère. Cette addiction peut avoir des conséquences néfastes sur la santé bucco-dentaire, notamment en raison du placement du produit sous la gencive, ce qui peut conduire à un déchaussement dentaire. De plus, l’usage du snus est associé à des risques cardiovasculaires importants, tels que l’hypertension artérielle et les crises cardiaques, dus à l’action rapide et puissante de la nicotine. Il convient également de souligner que ces produits présentent des risques cancérogènes non négligeables. Par ailleurs, des études révèlent que le snus augmente le risque de diabète de type 2 et peut compliquer les grossesses, un point particulièrement préoccupant au regard de la consommation croissante de ces substances par les femmes comoriennes.
Face à ces dangers, le gouvernement doit impérativement se préoccuper de la santé publique et prendre les mesures nécessaires. Il est crucial de se concentrer sur cette problématique, d’autant plus que le pays est déjà confronté à de nombreux défis. Le ministère de la Santé et de la Protection sociale devrait se pencher de plus près sur cette question et élaborer une feuille de route pour la régulation de ces produits.
Entre régulation et opportunités fiscales, que peut faire l’État ?
Je souhaiterais également inviter le gouvernement et les institutions compétentes à suivre de près le marché du tabac aux Comores. Malgré le caractère musulman du pays, nous observons que l’alcool et les cigarettes continuent de circuler, malgré les contrôles en place. Il est essentiel que l’État approfondisse ses recherches sur ce marché et envisage des mesures appropriées pour en réguler l’accès. Si l’État ne souhaite pas interdire ces produits, il pourrait au moins en tirer des bénéfices par le biais de taxes supplémentaires. Il s’agit d’un secteur qui pourrait représenter une opportunité économique non négligeable.
Je propose que les institutions concernées mettent en œuvre des mesures visant à réduire la consommation de tabac et à mieux contrôler le marché. Il est important de sensibiliser les agents aéroportuaires à la détection des produits illicites et augmenter les contrôles des bagages en provenance de l’Europe et de Mayotte.
Une fois, un individu m’a demandé pourquoi les bagages sont minutieusement fouillés à l’aéroport. Voici une raison valable qui pourrait lui être fournie.
L’Union des Comores a la capacité de gérer ces produits en mettant en place une régulation stricte et une taxation élevée, ainsi qu’un contrôle douanier renforcé. Il serait pertinent de fixer des quotas et de vérifier la qualité des produits, notamment en ce qui concerne les snus, dont l’intensité varie. La qualité des produits, par exemple, dans les boîtes blanches comparées aux boîtes noires, doit également être surveillée. Il est également crucial de lutter contre la contrebande.
Une campagne de sensibilisation sur les dangers liés à la consommation de ces substances est nécessaire. Il est essentiel de faire comprendre à la jeunesse les risques encourus et d’intégrer ces programmes de sensibilisation dans le système éducatif. La vente de ces produits aux mineurs doit être strictement interdite.
Ainsi, nous pourrons progresser vers l’émergence souhaitée pour 2030, sous la direction de Son Excellence AZALI Assoumani, en comptant sur une jeunesse consciente, compétente et dynamique pour relever les défis et soutenir le développement du pays.