Anjouan a pris ces dernières années l’allure d’une île qui a perdu tout contrôle. Elle donne l’impression qu’il n’y a plus de responsables politiques dans l’île. Le marché noir a fait son apparition, même le riz commercialisé par l’État est vendu d’une façon mafieuse. Chacun fixe son prix et le trouver est un véritable problème. Pour les autres marchandises aussi, chacun met le prix qui l’arrange.
Par Naenmati Ibrahim
Au niveau social, les règles de conduite sont de moins en moins observées, ce qui fait qu’on entend souvent parler de criminalité. Une situation qui inquiète beaucoup la population. Le manque d’autorité des responsables étatiques renforce les actes des individus mal attentionnés qui cherchent à nuire aux plus faibles. Ce sont donc les plus forts qui font la loi.
Que penser de cette île ?
Les Anjouanais ont fini par perdre le sens du mot « politique » à cause de la mauvaise gouvernance dont ils sont victimes. La déception les a rendus « apolitiques » et cela a commencé depuis 2018 après l’arrestation du président Ahmed Abdallah Sambi. Il y a eu ensuite la question de la tournante en 2020 lorsque les Anjouanais ont vu leur tour de reprendre la magistrature suprême leur filer entre les doigts. Certes, la population anjouanaise n’avait pas réagi à ces événements, mais les gens ont pris cela comme un affront et un échec politique. La disparition de l’ancienne élite politique de l’île n’a pas réconforté le sentiment des Anjouanais vis-à-vis de la politique. Les responsables politiques qui détiennent les pouvoirs dans l’île n’ont pas l’air d’être gênés par les sentiments du peuple anjouanais, ce qui leur importe c’est de garder leur poste, donc cela ne les dérange pas de ne pas être à la hauteur des attentes de la population. Quand on demande à un Anjouanais ce qu’il pense des élections de 2024, il répond que cela ne le concerne pas parce que ces élections sont jouées d’avance puisqu’on sait déjà quel camp va les remporter. Il est persuadé que ce ne sera qu’une formalité afin de montrer qu’il y a eu des élections aux Comores. C’est la réponse donnée par de nombreux Anjouanais, ce qui démontre à quel point l’île est devenue « apolitique ».
Le silence des Anjouanais face à la mauvaise gestion du pays est toutefois alarmant, car on ressent une frustration et un désarroi de leur part. Le plus inquiétant c’est de voir qu’ils ont fini par se résigner. Dans l’île, à part le gouverneur, on ne voit aucun autre Anjouanais s’imposer sur la scène politique, en dehors de ceux qui vivent à l’étranger. Est-ce la peur qui les empêche de faire de la politique, ou est-ce tout simplement la lâcheté qui les pousse à garder le silence et subir, alors à la Grande-Comore et à Mohéli il y a des politiques qui réagissent et même des citoyens.
Anjouan, une île sans classe politique.
Pourtant, dans cette île, il y a eu des politiciens courageux et vaillants à l’instar du président Ahmed Abdallah, le père de l’indépendance des Comores. C’est triste de voir qu’aujourd’hui la nouvelle génération de l’île n’arrive pas à se forger une nouvelle élite politique afin de prendre la relève. La jeunesse a l’air de ne pas vouloir s’investir dans la construction de leur île. Pourtant, ils sont nombreux à rêver de postes politiques. La plupart des jeunes de l’île, déçus par la politique, préfèrent partir à Mayotte plutôt que de se confronter à l’État pour réclamer leur droit. Cependant avec « l’opération Wuambushu » la jeunesse anjouanaise commence vraiment à désespérer, car cette île était le lieu où les Comoriens allaient se soulager des problèmes que notre pays nous afflige.
Anjouan une île à problèmes.
L’île d’Anjouan est considérée par les autres îles de l’Union des Comores comme une île rebelle. Et cela à cause des revendications des Anjouanais qui ont toujours eu des effets désastreux et qui ont mené à des crises politiques. En effet, le désespoir a souvent poussé la population de l’île à réagir d’une façon révoltante.
Ce sentiment de désespoir n’est pas seulement ressenti par les Anjouanais, il est aussi ressenti par beaucoup d’autres Comoriens qui vivent dans l’Union des Comores. Toutefois, dans l’île d’Anjouan, les choses ont tendance à prendre une allure différente à cause de la gravité des situations dans l’île. Comme dans les autres Îles de l’archipel des Comores, l’île d’Anjouan a connu autrefois un régime féodal et une aristocratie qui a laissé des traces indélébiles dans notre société. Les différentes formes d’inégalités sont parmi les traces de cette période révolue. Ces inégalités renforcent l’injustice dans la société. Et c’est donc pour cela qu’il y a une forte migration à partir d’Anjouan. Beaucoup d’Anjouanais quittent leur île, émigrent vers les autres îles de l’archipel, même à Mohéli dans la plus petite de nos îles, dans l’espoir d’avoir de meilleures conditions de vie. C’est une situation alarmante, car cette immigration de masse fait que l’île reste la risée des autres. Étant donné que ni l’État ni les Anjouanais n’ont jusqu’alors pas cherché une solution à ce problème social, l’île reste aux yeux de tout le monde une île à problème. De ce fait, les Anjouanais ont du mal à défendre une cause en commun à cause de la disparité des statuts de chacun qui empêche l’esprit de fraternité dans l’île.