Lors des cérémonies, la femme comorienne défile avec ses plus beaux vêtements traditionnels. Sahare et subayiya, saluva, gauni, shiromani, leso, milles couleurs magnifient la femme comorienne, déterminant son statut social, son origine insulaire et véhiculant son identité à travers le monde. Par Nawal MSAIDIE
Une île, un tissu ? Une île, une tenue ?
Nous avons posé une première question à nos différentes interlocutrices « pour vous quel vêtement serait idéalement porté par une femme pour un concours miss Comores ? ». Leurs réponses divergent.
NAJPhotography , une photographe d’origine comorienne qui vit en région parisienne et qui consacre une partie de son formidable travail à ses story Instagram sur la connaissance et la valorisation du patrimoine des Comores, suggère que ce soit une femme qui serait parée comme une mariée de Domoni: « un gauni en mizline fleuri, une coiffure sublimée par de l’or et du jasmin ».
Pour Rasoamiaramanana Mireille, styliste de la maison Shiromani DESIGN à Ngazidja, une maison qui a fait du shiromani la pièce maîtresse de ses créations, imagine une Comorienne drapée dans un « shiromani rouge avec des formes géométriques ».
Quant à Vaya leso , styliste d’origine comorienne qui a sa boutique à Paris, elle partage une de ses créations, une jeune femme qui porte un saluva nabawani et leso composé par un camaïeu de bleu.
Anssifati Halidi, gérante de Maypat (structure œuvrant pour la valorisation du patrimoine de Mayotte), imagine une femme avec un saluva nabawani noir avec des motifs satin dorés représentant une fleur d’ylang agrémenté d’un body satin et doré.
Les vêtements cités sont des vêtements qui, pour la plupart, à l’origine étaient portés sur l’île de Ndzuani.
La reine shiromani
À Ngazidja, les femmes porteraient des robes faites à partir de sahare subayiya mkumi wa hariri, kanga mawuwa, kaplana, mawuwa, tafsida, plinki, djawa, de couleur rouge violet orange rose bleu vert. Ces derniers sont offerts en cadeau à la nouvelle mariée lors du mtriya dahoni (ou zifafa). Porter ces vêtements, en plus de bijoux spécifiques, illustre l’accès à la notabilité lors des différentes cérémonies où la femme mariée sera conviée. Les sœurs de bwana harusi qui ont fait le anda portent aussi le sahare et le subayiya lors du zifafa.
Cependant, on trouve aussi dans le vawo (toilette) de la Grande-Comorienne, un tissu qui est porté aujourd’hui quotidiennement sur les quatre îles : le shiromani. Le shiromani était d’abord porté sur l’île d’Anjouan, mais on le retrouve de plus en plus sur les quatre îles dans ses différentes déclinaisons de couleurs (rouge, noir, bordeaux, vert, bleu…) et de forme (carré, rond, fleur). Il permet à la femme comorienne de se couvrir le corps. Il est un élément qui sublime les tenues. Lors des cérémonies de mariage, il permet de maintenir le mystère sur l’apparence de la mariée jusqu’au moment où son futur époux la découvre.
À Ndzuani, on trouve aussi, le gauni la shindzuani composé de deux-pièces, le haut, le kandzu et le bas, le saluva. C’est le vêtement traditionnel principal que l’on observe chez les femmes. « Le gauni est porté presque tous les jours à Anjouan pour les grandes cérémonies, le vendredi, le mois de ramadan, etc. » (NAJ Photography). Il est en général cousu à partir de tissu en kanga, nabawani et leso. On peut aussi en trouver « en strass et en wax », mais on peut également croiser des gauni en sahare…
La mariée anjouanaise est parée de son plus beau gauni pour se démarquer des invitées lors des différentes cérémonies liées à l’accomplissement de son grand mariage.
Enfin, le saluva et kishali, que l’on porte beaucoup à Mwali et Maore. Tout comme pour le gauni, les tissus utilisés ont beaucoup évolué et s’adaptent à la mode. Autrefois, la megaline était privilégiée et aujourd’hui on peut en voir dans toutes les matières : nabawani, broderie, strass, wax.
Au-delà de la question insulaire ou encore du tissu, le vêtement de la femme comorienne illustre son élégance et son charme. La diversité des tissus démontre que les femmes rivalisent pour se démarquer en groupe ou de façon individuelle.
La mode à la comorienne
À Mayotte, est organisé depuis quelques années, le concours « Miss saluva » : la gagnante est la femme qui aura su se mettre en valeur par la qualité de son tissu, son body et les motifs qu’elle aura mis en valeur avec ses bijoux et son maquillage.
Il y a aussi les concours de danses traditionnelles où encore une fois les tenues tiennent une grande importance pour les résultats finals.
Les tissus portés par les Comoriennes sont importés et viennent pour la plupart du continent africain. Le sahare et le subayiya seraient originaires de Somalie par exemple. Les commerçants se rendent en Tanzanie pour se fournir en leso et nabawani. Autrefois, les tissus étaient personnalisés et on pouvait lire des adages en shikomori sur les tissus ou encore en temps de campagne des leso, gauni à l’effigie des candidats. De nos jours, les commerçants ont cessé de proposer ce type de produits et on peut regretter cette perte de notre folklore. Aux dernières élections, on voyait défiler des leso et châles de couleurs, une adaptation à une certaine uniformisation de la mode ?
À Mayotte, cette mode résiste pourtant, connaissez-vous le saluva Marine Le Pen ?
Les choses changent, mais pas la valorisation des tissus à la comorienne. Elle évolue et s’adapte à la modernité.
Mireille de Shiromani Design évoque de sa passion pour ce tissu : « le shiromani est un tissu qui m’a toujours plu depuis toute petite. Grâce à ses motifs, ses couleurs, et sa matière… J’en ai fait mon tissu de prédilection, car je trouve que l’on peut se couvrir différemment. En faisant des habits, des accessoires et pourquoi pas des bijoux. Mettre le shiromani en valeur et qu’il devient the tissu du quotidien ».
Vaya Lesso propose des créations unisexes et même de magnifiques robes de cérémonie. Elle « crée ses propres leso avec ses propres expressions tout en expliquant à chaque client(e) la valeur et les traditions qui se cachent derrière la tenue qu’elle propose”.
Le vêtement comorien tel qu’il est porté est non seulement une institution à lui seule, mais aussi un des symboles de notre identité et de notre patrimoine qui est constamment mis en avant au gré des événements marquants d’un individu ou de la société.
Des remerciements chaleureux à ma grand-mère Assimari Soueffou.