Fahmy Thabit est entrepreneur. Il a dirigé l’Union des Chambres de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture des Comores (UCCIA) de 2012 à 2016 et l’Union des Chambres de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de l’océan Indien de 2014 à 2016.
Comme chaque année le gouvernement a présenté la loi de Finances à l’Assemblée et celle-ci a été votée par les députés à l’unanimité le 16 décembre 2020 et promulguée par le Chef de l’État le 28 décembre.
La loi de Finances est l’acte législatif par lequel le Parlement vote le budget de l’État. Elle autorise le pouvoir exécutif à percevoir l’impôt et à engager des dépenses publiques pendant une période déterminée. Elle est surtout l’outil d’orientation stratégique des politiques du gouvernement.
Comme chaque année, le secteur privé a demandé à participer à son élaboration, car les entreprises sont les premiers contribuables et sont les premières impactées par ces orientations. Mais malheureusement, les organisations professionnelles n’ont jamais pu y participer (et cela depuis toujours). Or leur participation aurait permis au gouvernement d’affiner sa politique économique et aux entreprises d’anticiper et de se mettre au diapason.
Depuis l’année dernière, et cela bien avant la crise de la Covid, les organisations professionnelles avaient montré leur mécontentement face à l’augmentation de plusieurs taxes. Entre temps, la pandémie de la covid a surgi et a fragilisé encore davantage le tissu économique. Plusieurs entreprises ont dû fermer boutique et les autres ont eu à faire face à de grosses difficultés surtout avec l’absence de la haute saison (des mariages et des vacances).
C’est ainsi que les organisations du secteur privé espéraient que pour 2021, l’État allait essayer d’atténuer la crise, par des mesures fiscales de relance de l’économie. Surtout qu’un décret de mise en place du dialogue public-privé et un protocole d’accord ont été signés entre toutes les parties au mois d’août 2020.
Il est vrai que le contexte est difficile, le gouvernement se trouve confronté non seulement aux problèmes de financement habituel, mais à cela s’ajoute les exigences de la gestion de la pandémie et de ses conséquences (bien que plusieurs aides ont été octroyées par nos partenaires internationaux).
Néanmoins, les prévisions de recettes dans le budget 2021 vont porter un coup fatal à un grand nombre d’entreprises et avoir des effets inflationnistes. Les réformes reposent uniquement sur des augmentations des taxes et des amendes (douanes et impôts). Ainsi les recettes fiscales vont passer de 35 milliards (en 2019) à près de 45 milliards.
Le sursis de paiement en cas de litige est supprimé. Les entreprises devront payer tout d’abord avant d’introduire une contestation. Les intérêts de retard pour le paiement des impôts sont passés de 0.10% par mois de retard à 10% !
La patente a augmenté du fait l’augmentation des centimes additionnels communaux de 10 à 30%.
Le Numéro d’Identification Fiscal (NIF) est étendu à tous les usagers de la douane, y compris au particulier qui reçoit un colis. L’entreprise doit s’acquitter 25.000FC pour un NIF valable deux ans. Un particulier doit quant à lui sortir 7500FC pour un NIF de deux mois. Ailleurs, le NIF identifiant fiscal est délivré gratuitement.
Par ailleurs, il a été créé une taxe assise sur la production de vanille, girofle et essence d’ylang-ylang. Alors que le contexte international est difficile, cette taxe va rendre nos produits de rente très peu compétitifs avec des conséquences sociales non négligeables vu que ces produits font vivre plusieurs milliers de personnes.
Au niveau de la douane, il y a neuf augmentations de droits de douane (tôles, fer, œuf, eau minérale, animaux vivants, beurre, boissons sucrées…) et quatre baisses (gel hydroalcoolique, gants, ordinateur, masques). Nous risquons donc d’avoir une hausse généralisée des prix et c’est la population qui devra supporter cette augmentation.
Ainsi, à défaut d’avoir un budget de relance de l’économie par des incitations fiscales, le gouvernement aurait pu garder les mêmes taux de taxation que les années précédentes. Les aides internationales multiples octroyées par les bailleurs auraient pu servir à combler le manque à gagner. L’exécutif aurait pu également faire des économies dans ses frais de fonctionnement (biens et services). La question de la dette devait aussi être discutée. En effet, notre taux d’endettement nous permettrait de faire des emprunts internationaux pour financer la relance économique et la résilience et ainsi ne pas être obligés d’augmenter les taxes en cette période exceptionnelle. L’année 2021 sera difficile pour les entreprises, mais surtout pour la population d’autant plus que la diaspora qui injecte le double du budget annuel de l’État est impactée par l’augmentation du chômage et de la précarité en France notamment, et que les incertitudes sur l’évolution de la pandémie empêchent de voir le bout du tunnel. Il est nécessaire que le dialogue public-privé tant recherché se mette en place pour pouvoir ensemble faire face à la plus grande crise économique que le pays a connue. Mais le plus urgent est de revoir la loi de finances pour une révision au plus vite et ainsi éviter une crise plus aigüe que la pandémie.
Fahmy Thabit
Ancien Président de l’UCCIA