La prolifération des écoles privées et l’interdiction pour les enseignants de travailler dans le public et dans le privé sont deux questions qui reviennent régulièrement sur le devant de la scène et ne trouvent jamais de solutions. Elles sont encore très bien explicitées dans la nouvelle loi d’orientation votée en décembre dernier. Cette fois, les inspecteurs de l’Éducation semblent trouver un appui du côté du ministre pour faire appliquer les lois. Par Hachim Mohamed et Mahmoud Ibrahime
Vendredi 5 mars, le ministre de l’Éducation nationale, Moindjie Mohamed Moussa flanqué de plusieurs inspecteurs a présenté à la presse nationale les points essentiels des orientations souhaitées par le gouvernement pour les écoles privées dans la salle des conférences du ministère. On peut s’étonner de l’absence du Secrétaire général alors qu’il serait celui qui a donné les autorisations d’ouverture à ces écoles mises en causes.
Après un exposé de près de 12 minutes sur les procédures en cours en vue de fermer certaines écoles et de contrôler d’autres, le jeu des questions-réponses a permis de se faire une idée sur le fonctionnement des écoles privées, notamment celles qui ont été montées sans respecter les textes qui déterminent les conditions de création de ces entreprises de formation.
« Avec l’avènement de la pandémie, le pays a connu beaucoup de difficultés économiques qui se traduisent par la prolifération incontrôlée et anarchique des écoles bidons qui ont envahi la plupart de nos villes et nos villages », constate le ministre avec amertume.
La crise et la prolifération des écoles privées
« La covid-19 a frappé tellement de plein fouet le secteur de l’enseignement que c’est devenu un sauve-qui- peut pour les enseignants qui veulent joindre les deux bouts. Ce qui est inquiétant dans tout ça c’est qu’on ouvre ces écoles où c’est possible dans le pays pour ne pas dire comme bon leur semble. Face à la crise, les gens se battent soit pour ouvrir une école, soit ils cherchent où ils peuvent en trouver pour enseigner », explique le ministre.
S’agissant des actions planifiées qui doivent assurer à l’élève une formation correcte, tout à tour Moindjie Mohamed Moussa et les doyens de l’Inspection se sont relayés pour exposer la position du gouvernement.
Masiwa a cherché à savoir sur quelles bases légales les fermetures d’écoles se faisaient. Le ministre a rappelé qu’un arrêté a été pris le 14 octobre 2020 de la part des autorités qui ont interdit les créations de nouvelles écoles cette année, en attendant de pouvoir regarder de plus près toutes les écoles privées existantes. Cet arrêté était censé suspendre tous les autres textes. Comme si un arrêté ou une note ministérielle pouvait suspendre les dispositions d’une loi. La réponse montre que si la légitimité du ministère à vouloir fermer des écoles qui sont visiblement hors-la-loi n’est pas à remettre en cause, les arguments juridiques ne sont pas présentés d’une manière formelle.
Cinq écoles sont fermées
« Vous vous rendez compte ? Dans ces locaux de formation pas comme les autres, il arrive qu’on trouve que 38 élèves dont 3 en petite section et 2 en section moyenne (…). Suite à un rapport de l’inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche, on y constate de « graves « dysfonctionnements », notamment dans les procédures de création. En conséquence, j’ai ordonné la fermeture de huit établissements privés dont trois ne sont pas encore effectives étant encore sous inspection », a indiqué Moindjie Mohamed Moussa. Le doyen des inspecteurs, Djoubeiri Moustakim, a donné des précisions sur les écoles fermées par le ministère et a invité les parents à inscrire leurs enfants ailleurs s’ils veulent pouvoir passer des examens cette année. Les cinq écoles fermées définitivement sont : EP Mohamed Awadi, Le Compétent, Habib Omar, Al Azhar, Groupe scolaire Al Hassu.
Revenant sur la prolifération incontrôlée et anarchique des écoles dans lesquelles l’Inspection a pointé du doigt une série d’anomalies, le ministre de l’Éducation nationale ainsi que les divers intervenants ont passé en revue les dispositions prises par le gouvernement, pour permettre aux inspecteurs de faire leur travail.
Des conséquences désastreuses pour le niveau scolaire
« On n’ouvre pas une école n’importe comment. Il y a des règles à respecter. Les décrets afférents à la création des écoles privées sont libellés dans les journaux officiels. Pour l’anecdote, je connais un élève de Sima qui a été transféré à Mitsamihuli sans tenir compte de ce qui est mis en place à ce sujet. C’est la commission de transfert qui est chargée de gérer ce problème », a renchéri la doyenne Echata Mohamed Daroueche avant de regretter la situation actuelle. « En 1990, notre pays avait de bons standards en matière de qualité de l’enseignement, mais actuellement le niveau de formation et des élevés s’est fortement dégradé », ajoute-t-elle pour montrer les conséquences de la multiplication des écoles privées.
Le ministère de l’Éducation nationale et les inspecteurs semblent vouloir réellement mettre de l’ordre dans les écoles privées. Ce n’est pas la première fois, mais cette fois des actions sont engagées, un délai est laissé à celles qui ne sont pas en règle pour se conformer aux lois. « Nous avons demandé à tous les responsables des écoles de déposer leurs justificatifs au plus tard le 31 mars. Histoire de voir in fine quels sont les dossiers qui peuvent être retenus et ceux qui seront éventuellement rejetés », a insisté Mohamed Moussa Moindjie.
Plainte contre le ministère
On pouvait penser que le ministre avait appelé la presse pour évoquer la plainte et l’assignation à comparaître du directeur du Groupe scolaire le compétent, Ibrahim Mohamed contre le ministère. Mais, ni le ministre ni les inspecteurs n’en ont parlé et aucun journaliste n’a posé la question.
Interrogé sur cette plainte par Masiwa après la conférence de presse, le ministre a confirmé que jeudi dernier, 4 mars, le Directeur général de la Politique et des Programmes d’Enseignement, Abdoulkarim Hassani a été assigné en comparution immédiate. C’est, en effet, le signataire d’une note en date du 10 février 2021 dont Masiwa s’est procuré une copie, par laquelle, il ordonne la fermeture de « l’établissement scolaire Le compétent » suite « à l’inspection de l’établissement » le 22 janvier dernier.
La plainte dont nous nous sommes également procuré une copie précise que « le Commissaire à l’Éducation de l’ile Autonome de Ngazidja a autorisé l’ouverture provisoire dudit établissement scolaire » par une décision en date du 21 mars 2018. Il est également indiqué dans cette plainte que le Secrétaire général du Ministère de l’Éducation nationale a donné une autorisation provisoire (à renouveler chaque année) à ouvrir à l’école Le compétent le 28 décembre 2020. Cela pourrait expliquer le fait que le même secrétaire général aurait refusé de signer la note de fermeture de cette école.
Le Tribunal doit se prononcer ce lundi 8 mars et enfin permettre aux parents de prendre une décision pour la poursuite de la scolarité de leurs enfants cette année. Il est probable que le Tribunal annule la note signée par le Directeur général de la Politique et des Programmes d’Enseignement en lui réfutant le droit de signer un document ordonnant la fermeture d’un établissement scolaire ou en rappelant au ministère que les autorisations provisoires sont données pour une année scolaire et ne peuvent être cassées en plein milieu de l’année. Mais, tout est possible.