Soulaimana Mohamed Ahmed était né en 1950 à Mutsamudu (Anjouan). Il est le fils de Mohamed Ahmed (1917-1984), ancien vice-président du Conseil de gouvernement des Comores et député à l’Assemblée nationale française sous la colonisation. Il a vécu la plus grande partie de sa vie entre Moroni et Paris, où il est décédé le 8 avril 2021 vers 17 heures. Par Mahmoud Ibrahime
Une formation littéraire
Après avoir passé son bac (littéraire) au lycée de Moroni en 1971, il part à Perpignan, au sud de la France pour des études de Lettres. En 1975, il quitte cette Université avec une maitrise et devient attaché parlementaire alors que son père est encore député des Comores à Paris. Parallèlement, il suit une formation au Centre d’études du tourisme dépendant de l’Université Paris 1 et en sort en 1978 avec un certificat d’études. Cette année-là, tandis que son père revient en compagnie d’Ahmed Abdallah, triomphant, à Moroni, il entame une carrière aux PTT (Postes et Télécommunications) en France.
Il reprendra des études durant l’année scolaire 1983-1984, un double cursus qui lui permet d’obtenir un diplôme de l’Institut International d’Administration Publique (IIAP) et un DESS « Droit des Organisations internationales ». D’une manière générale, Soulaimana n’a cessé d’apprendre et de se former jusqu’à très récemment, ce qui est la marque d’un érudit.
Fonctionnaire de l’État
En 1981, il décide de rentrer au pays et il entre alors comme fonctionnaire au Ministère des Affaires étrangères. L’année suivante, il devient même Directeur de la Coopération, poste qu’il occupe jusqu’en 1984, année de la disparition de son père. Le président Ahmed Abdallah l’intègre à la présidence, comme attaché du cabinet présidentiel. En 1986, il devient même le chef du cabinet et le reste jusqu’à la mort d’Ahmed Abdallah.
En janvier 1990, il devient simple professeur de français au lycée de Moroni, avant d’occuper un poste de conseiller technique au ministère de l’Éducation nationale de 1992 à 1993.
En 1993, il est nommé Directeur exécutif national du Fonds d’Appui au Développement Communautaire (FADC) à Moroni.
Écarté par le coup d’État de 1999
En 1997, avec l’éclatement de la crise séparatiste à Anjouan, il se rapproche de l’opposant Abbas Djoussouf. Le lien s’approfondit lorsque ce dernier devient Premier ministre, après la mort du président Taki. Après le coup d’État du colonel Azali en avril 1999, Soulaimana est donc marginalisé du fait de sa proximité avec Abbas Djoussouf et il doit quitter le poste de Directeur de la FADC dès le mois de juillet 1999.
Il retourne donc en France et retrouve un poste chez France Telecom et Orange. Il y demeure jusqu’en 2007, date à laquelle le président Sambi le nomme Ambassadeur des Comores à Paris.
Ambassadeur des Comores à Paris
Il ne reste en place que deux ans et officiellement, il démissionne à cause de divergences avec le gouvernement du président Sambi. Il retourne en 2009 à son poste chez Orange.
Huit ans plus tard, en août 2017, alors qu’il est un jeune retraité en France, le président Azali, le rappelle au poste d’Ambassadeur des Comores à Paris. Comme entre 2007 et 2009, il fait face à une certaine radicalisation de la diaspora comorienne en France contre Azali à partir de 2018. L’Ambassade est même occupée par des jeunes le 28 mars et il ne peut suivre la volonté du gouvernement pour inverser le mouvement malgré des initiatives prises dans la diaspora, surtout à Marseille. Les autorités comoriennes en visite en France sont régulièrement chahutées par le mouvement Daula ya Haki (« État de droit »).
Malgré cela, l’Ambassadeur Soulaimana Mohamed Ahmed a mis au service du gouvernement Azali les nombreux contacts qu’il avait en France. Il a réussi à installer un consulat à Marseille, un projet attendu depuis longtemps par la diaspora. Il a également facilité l’organisation de la conférence des bailleurs en faveur des Comores.
Dans les communiqués officiels deux mots reviennent souvent « diplomate chevronné », traduisant l’expérience de Soulaimana Mohamed Ahmed. Le ralliement de cet humaniste à un gouvernement décrié pour son déficit de démocratie, de justice et les tortures dénoncées par l’ONU avait toutefois surpris et déçu plusieurs de ses amis.
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