Masiwa continue à aller à la rencontre de personnalités dépositaires d’un précieux héritage historique et culturel à Ngazidja.
Par Hachim Mohamed
Dans le quartier Mtsangani, les touristes peuvent s’arrêter, médusés, devant l’ouverture de petite taille pratiquée dans un mur au quartier de Mtsangani (Moroni). C’est une lucarne dans une bâtisse sise à deux pas d’une mosquée de Mtsangani qui donne sur la mer et une venelle qui mène en hauteur vers d’autres pâtés de maisons.
Une vieille légende raconte qu’avant l’arrivée de l’électricité un bienfaiteur aurait placé la lanterne sur cette lucarne en guise d’éclairage sur un périmètre balayant ses faisceaux des habitations vers la mosquée.
Médina, ville pittoresque
Unique dans son paysage architectural dans le Sud-ouest de l’océan, selon les travaux de chercheurs comoriens, Dr Moussa Saïd et Dr Ouledi, la cité Médina du centre-ville renvoie aux premiers temps de l’islam.
Moroni est une ville pittoresque au carrefour et au fronton du monde arabe et de l’Europe ; une capitale religieuse avec ses habitants attachés aux coutumes et au prophète Mohamed.
À Mtsangani, le promeneur est happé par l’exploration d’une imposante tour qui jouxte une des anciennes mosquées de Moroni. Cet édifice a été conçu avec des pierres de taille rustiques. Le sommet est doté d’un appareil d’éclairage fournissant un puissant faisceau lumineux guidant le long des côtes les mouvements des navires durant la nuit.
À quelques encablures de là, le promeneur retrouve la même tour majestueuse à Djumwa mdji.
Palais de Saïd Ali : un « vieux musée à ciel ouvert ».
L’espace du centre-ville de la Médina n’est plus seulement un endroit authentique et hors du temps, épargné par le « béton » de l’urbanisation des villes africaines ou le progrès.
Les mosquées magnifiques, comme la mosquée principale de la cité appelée Masjid-i-Jami, s’étalent dans cet espace réduit, avec des mosaïques aux motifs complexes qui ornent les intérieurs et des portes et fenêtres entourées de sculptures dentelées.
« Vous voyez sur les murs ? Ça ressemble à des placards ou étagères en bois dans nos maisons modernes. Vous voyez en contrebas de chez moi, il y a les ruines d’une bâtisse antique du sultan Saïd Ali envahie par des ronces et des broussailles. Et en regardant la salle de réunion du palais fissuré, elle a l’allure d’un vieux musée à ciel ouvert. », nous indique le poète et photographe qui dirigeait la visite à la maison familiale
Un homme d’un certain âge, croisé devant la maison du poète, un natif de ce quartier de Mtsangani, nous affirme que la maison du Premier ministre de Saïd Ali, Hamza est celle qui fait face à au palais du sultan. Pour des dissensions politiques, cette personnalité avait été déportée en Nouvelle-Calédonie, mais finalement il est décédé à Ngazidja.
« Là où nous sommes debout, c’est une grosse citerne qui à l’époque de sultanat alimentait en eau toute la Médina. Et là-bas tout juste à côté de la maison du Premier ministre du gouvernement de Saïd Ali, c’était une école », ajouta-t-il.
Première mosquée construite de la cité à Djumwa mdji
Se balader dans les nombreux quartiers qui forment le grand périmètre de la Médina de Moroni est une invitation au voyage et à la découverte d’un espace ouvert, qui vous conduit, pas à pas dans des chemins insolites de tous ordres comme les fortifications en hauts murs, “ngome” qui ceinture la Médina et dont les traces sont encore perceptibles à Djumwa mdji. Au détour de ces hautes, tortueuses et pentues venelles et des places qui mènent de Mtsangani à Badjanani en passant par Bayidi et Djumwa mdji, la sobriété des façades avec des murs immenses, édifiés sur des vestiges anciens par-ci par-là et le volume des bâtiments des différents mosquées et habitats, rappelle les vastes granges de la cité.
Les travaux des chercheurs comme ceux de Dr Moussa Saïd et Dr Ouledi permettent de disséquer ces traces lumineuses multiples et changeantes de la Médina.
C’est ainsi que certaines pistes de recherche font état de migrants « Malaumpé » en provenance de Fumbu Dzipvuni et qui sont de la lignée Hinya Hatubu à Ngazidja. Les « Wana Malaumpé » sont ces génies dotés de pouvoir, sollicités pour leurs bénédictions, quartier Djumwa mdji sis en hauteur de la cité de Moroni. Selon la légende, elles auraient fondé la ville de Moroni à l’époque du Sultan Souleyman (Salomon).
La Médina sollicite le regard par ses superbes minarets et le volcan Kathala qui domine la cité.
Et s’il y a un héritage des anciens temps dont on ne pouvait se défaire, des legs précieux, à la fois tangible et intangible, c’est la première mosquée construite à Djumwa-mdji. Une primauté qui lui est cependant quelquefois contestée par la grande mosquée de vendredi qui donne sur la baie de Kalaweni.
Pour Hassane, un gendarme à la retraite, la première mosquée construite à la cité de Moroni est celle de Djumwa mdji, sise sur les escaliers menant au croisement de Guérézani (prison à l’époque). Pour la simple et bonne raison que la mosquée du vendredi de Badjanani ne pouvait pas être bâtie à cette époque où il n’y avait pas de digue entre l’emplacement de cette ancienne construction et la mer qui y débordait à marée haute.
Dans l’imaginaire collectif des Comoriens, la mosquée de vendredi de Badjanani et celle de Djumwa mdji sont de plus en plus identifiées comme des éléments du patrimoine de la Médina, incontournables, pour les curieux visiteurs occidentaux, notamment.